Le Tambour de soie, un Nô moderne de Kaori Ito et Yoshi Oïda

Le Tambour de soie, un Nô moderne de Kaori Ito et Yoshi Oïda

 Histoire de faire comprendre au public que cette Semaine d’Art est un peu différente de l’atmosphère estivale un petit crachin tombe sur la ville, ce premier jour. La direction du festival a bravé d’autres contraintes plus importantes : règles sanitaires drastiques, couvre-feu de dernière minute, changement d’horaire des représentations, etc, avant de réussir à constituer ces neuf jours attendus.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage


Nous suivons depuis longtemps la danseuse Kaori Ito, (voir Le Théâtre du Blog) qui s’associe pour la deuxième fois avec un comédien mythique de la troupe de Peter Brook, Yoshi Oïda. Accompagnés par le musicien Makoto Yabuki sur des instruments traditionnels japonais, ces  artistes interprètent une pièce de théâtre nô adaptée par Jean-Claude Carrière.  La danseuse répète devant un vieil homme qui fait le ménage dans un théâtre. Elle le séduit et le défie. En vain : celui-ci ne parvient pas à relever le pari qu’elle lui lance: faire résonner un tambour de soie.  « J’ai eu envie de danser, ce que je n’avais jamais fait, dit Yoshi Oïda. Mon rêve était de danser avec mon contraire. » `Même en temps de pandémie, il n’est pas interdit de rêver ; le théâtre permet toutes les audaces, le rêve de l’artiste est communicatif. Cet acteur de quatre-vingt-sept ans dansera une danse funèbre pathétique, face à la folle réponse chorégraphique de Kaori Ito. Rituels de mort et de vie se mélangent dans la Chapelle des Pénitents blancs.

C’est seulement la troisième représentation de cette pièce initiée juste avant le confinement.Aujourd’hui, publics et artistes doivent apprendre à jouer avec le temps, à être patients, à s’attendre mutuellement pour que le plaisir reste entier. Des épreuves sépareront encore ces deux mondes mais le rituel théâtral ne sera pas brisé. L’année 2020/2021 va être riche pour Kaori Ito qui va reprendre nombre de ses anciennes pièces.

 Jean Couturier

 Spectacle vu le vendredi 23 à 15 h et les 24, 25 et 26 à 11 h. Chapelle des Pénitents blancs, Place de la Principale, Avignon (Vaucluse) T. : 04 90 14 14 60.

 

Du 29 octobre au 1er novembre, Théâtre de la Ville, Espace Cardin, Paris (VIII ème).
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Du 17 au 18 décembre, Maison de la culture d’Amiens (Somme)  ; le 26 février,  Théâtre Ducourneau, Agen (Lot-et-Garonne)


Archive pour 24 octobre, 2020

La Peste c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? Performance conçue par Jean-Christophe Meurisse.

La Peste, c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? Performance conçue par Jean-Christophe Meurisse

Avant le couvre-feu, les acteurs de plusieurs générations des Chiens de Navarre et des invités exceptionnels se réunissent pendant une heure pour jouer ou lire, dans la plus totale improvisation, une pièce, différente à chaque fois. Dans une société malade de multiples troubles qui la détruisent peu à peu, l’irrévérence n’est plus de mise et  sur le plateau des Bouffes du Nord, cette parole libre fait du bien. L’humour permet toutes les audaces.

Devant des malles et  costumes de scène qui… ne seront jamais utilisés, six comédiens à la table, munis de micros, feuilles blanches,  gel hydro-alcoolique et masques chirurgicaux. Derrière eux, d’autres attendent leur tour de parole  Ce spectacle rappelle les exercices d’improvisation que beaucoup ont connus dans les cours d’art dramatique. Ces petits-enfants du Théâtre de l’Unité d’Hervée de Lafond et Jacques Livchine sourient de leurs délires et nous avec.

 

© Stéphane Capron

© Stéphane Capron

La pièce qui change de style à mesure des improvisations, aime se moquer du théâtre lui-même ou soit de son enseignement : «Je comptais faire du théâtre, pas me faire violer ». Soit des thèmes de prédilection comme ceux d’Anton Tchekhov : «Il pleut à la fenêtre » ; « Une chèvre s’est suicidée », « Piotr, tu me dois cinq roubles. »c«  J’aimerais tellement aller à Moscou. » Les artistes s’adaptent aussi à la réalité politique : «Je me méfie des gens du Sud; tout ce que vous pouvez dire avec votre accent, ne vous permet pas d’être légitime.» Parfois l’actualité les rattrape! «Je suis la liberté d’expression, je vais prendre la parole et on me décapite.» Pendant une heure, cette forme d’irrévérence salutaire incite une fois de plus à retourner au théâtre.

Jean Couturier

Jusqu’au 24 octobre, Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (X ème). T. 01 46 07 34 50..

 

Plateaux d’Harris Gkekas

 Plateaux d’Harris Gkekas

 Bien fait ! est  le titre de la manifestation de rentrée à Micadanses. Il s’applique à cette pièce qui a inauguré ce nouveau cycle de Micadanses. La question esthétique du mélange des genres est résolue sous une forme, disons opératique, mixant musique pop et danse contemporaine. Harris Gkekas, natif de l’Olympe par définition béni des dieux, a, depuis toujours, sans doute «voulu être un artiste». Doué pour la musique, il intervient ici  efficacement , en mode rock progressif des années soixante-dix, aux côtés de l’excellent batteur Didier Ambact, adepte d’un rythme ternaire destiné à pulser ce qu’il faut et comme il faut. Passant de la lyre orphique électrique à la danse, Harris Gkekas s’affirme aussi comme chorégraphe.

© x

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Il juxtapose en les stylisant  et parfois, en les étirant, des exercices de style : solos, portés et travail au sol avec Jamil Attar, Lee Davern, Harris Gkekas et la remarquable soliste Vera Gorbatcheva. Entrées et sorties itératives contribuent à rythmer l’écoulement, autant sinon plus que les parties percussives. Un danseur s’improvise batteur mais…sans la technique d’un Fred Astaire dans A Damsel in distress et dans Daddy Long Legs, ou encore d’un Patrick Belda dans le court métrage Béjart de François Weyergans. La séquence la plus réussie  est sans doute celle des tableaux vivants ou plutôt de sculptures en mouvement. Chaque geste, chaque enchaînement et chaque agencement ont été fignolés. Et interprétés sans le moindre accroc. Nous avons été particulièrement sensible à l’art, la technique et la musicalité de Vera Gorbatcheva. La danseuse, élégante et subtile a été la révélation de la soirée.

Nicolas Villodre

Spectacle vu à Micadanses  20 rue Geoffroy l’Asnier, Paris ( IV ème).

 

Étranges jardins : exposition Arnaud Sauer

Étranges jardins : exposition Arnaud Sauer

 

La médiathèque de Fontenay-aux-Roses rend justice à Arnaud Sauer, artiste et scénographe disparu en 2018, avec une superbe exposition reprenant le titre d’une précédente rétrospective à Lorgues (Vaucluse). On y découvre la vie et l’œuvre aux multiples facettes et aux changeantes matières, au cours d’une quarantaine d’années.

Nous l’avons connu scénographe de spectacles de danse chorégraphiés par sa compagne de toujours, la danseuse Dominique Rebaud et le découvrons réellement maintenant, à l’occasion de cet hommage qui lui est rendu par le maire, Laurent Vastel et l’adjointe à la Culture, Muriel Galante-Guilleminot  de Fontenay-aux-roses, ville d’adoption du couple et où est né leur fils, le compositeur électro-acoustique Félix Rebaud-Sauer qui y a fondé siège sa compagnie, la bien nommée Camargo.

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L’accrochage est une réussite. Les deux grandes salles latérales du rez-de-chaussée donnent une idée de la fécondité du travail d’Arnaud Sauer, de ses recherches formelles, de ses expérimentations graphiques, picturales et photographiques, de ses « périodes »….Naturellement, Nous avons été plus sensibles à certaines propositions qu’à d’autres. Mais l’impression de prolixité domine. En touche-à-tout talentueux, l’homme passe des coulisses du spectacle, au premier plan de la scène. La première salle est vouée au dessin, à la peinture et à la sculpture. Avec un grand nombre de techniques : crayon papier, craie, pastel, lavis, plâtre, résine, acier, etc. Les formats sont tout aussi variés.  Présentés avec soin sur des cimaises ou protégés dans des vitrines. L’éclairage a été finement dosé, comme il se devait, pour faire honneur à un spécialiste de ce domaine.

Le deuxième espace est éblouissant et des projections multi-écrans, donne une idée de la richesse de la production photographique et vidéographique l’art visuel de Sauer. Deux gigantesques mosaïques de diapositives auto-éclairées permettent de suivre la généalogie de l’œuvre, qui va des transparents peints à la main, aux photos analogiques, retouchées ou non, des images d’esprit op-art (à la Bridget Riley) aux images de synthèse réalisées sur ordinateur Atari à la fin des années  quatre-vingt, qui font songer aux expériences des précurseurs californiens James et John Whitney et de l’animateur hongrois Peter Foldès.

Ces deux belles planches contact ou composites de diapos format 6 x 6 et 24 x 36 sont belles en tant que telles. Mais certaines étaient destinées à être agrandies, pour offrir un nouveau cadre aux arts de la scène, grâce à des  carrousels Kodak, comme le firent, au milieu des années 60, aussi bien Alwin Nikolaïs pour le ballet, qu’Andy Warhol pour des « light-shows » pour les concerts rock du Velvet Underground et les pistes de danse.  Et le soir du vernissage, le danseur Wu Zheng s’est fondu/enchaîné aux trames, motifs et matières projetés sur le mur du fond de la salle. Sa performance était soutenue par la musique répétitive et planante de Félix Rebaud-Sauer diffusée par smartphone, amplifiée par la sono.
Le diptyque vaut à lui seul le détour. Réalisé spécialement pour cette exposition-manifestation, des « images pour un film infini », selon  l’expression du réalisateur d’avant-garde Paul Sharits qui avait, comme le cinéaste structurel autrichien Peter Kubelka, réalisé des tableaux avec des photogrammes de ses propres films.

Nicolas Villodre

Médiathèque de Fontenay-aux-Roses ( Hauts-de-Seine), jusqu’au 31 octobre, 6 place du Château Sainte-Barbe. les
mardi : 14:00–19:00, mercredi:   10:00–12:30, 14:00–18:00, jeudi 14:00–19:00 vendredi 14:00–18:00 et samedi    10:00–12:30, 14:00–18:00

 

 

L’Art de conserver la santé d’Ondine Cloez

L’Art de conserver la santé d’Ondine Cloez

Un objet théâtral dansé très original où  la chorégraphe a inventé, au sens où celui qui découvre un trésor est réputé être son  « inventeur» un texte savoureux Ensemble de préceptes d’hygiène et de soin de l’École de Salerne.  Ce recueil de quelque soixante-dix poèmes rédigés en alexandrins  a été compilé au XIII ème siècle puis traduit en français par Monsieur Levacher de la Feutrie au XVIIIe siècle. Les curieux, mis en appétit -car il y est question de l’art de se nourrir, bien sûr– pourront le trouver sur Gallica, le site de la Bibliothèque Nationale.

Ondine Cloez et ses  consœurs Clémence Galliard et Anne Lenglet se sont posé la question : bougeait-on au XIII ème siècle comme aujourd’hui ? Le langage du geste était-il le même ? Plus qu’aujourd’hui, la langue est riche en occurrences du mot : tomber… Amoureuse, enceinte, en pâmoison, en extase, en décrépitude ou Dieu sait quoi.
Ces chercheuses expérimentant pour notre plus grand plaisir toutes sortes de chutes bien maîtrisées. Se serrait-on la main pour se dire bonjour ? Le geste semble attesté depuis l’Antiquité grecque mais sait-on jamais… Elles esquissent des saluts, testent différentes démarches et rappellent au passage qu’il y eut au moyen âge d’illustres femmes médecins (médecines ?), dont La Trotula à Salerne (Italie). Elles goûtent quelques tisanes. Mais le plus délicieux, ce sont les chansonnettes écrites sur les fameux préceptes de bonne santé.

Et pour commencer : « L’art ne saurait des hommes éterniser les jours / Et  le mal quelquefois brave tous les secours. / Si tu veux de tes ans, prolonger la durée / Soupe peu ; du vin pur ménage la verrée / Marche après le repas, ne dors point dans le jour. » Ou encore plus simple : « Es-tu sans médecin, je t’en vais donner trois /Gaîté, diète, repos ; obéis à leur lois ». Le reste est à l’avenant et de bon sens : on dirait un manuel « bio » du bien vivre d’aujourd’hui. Connaître son corps et ses limites mais aussi en explorer la liberté, prendre plaisir à des gestes insolites et bienveillants, regarder autour de soi et se pencher sur les « simples », mot beaucoup plus joli pour désigner les herbes qui soignent que « plantes médicinales ». Bref, vivre en bonne camaraderie avec la Nature, sachant que nous en faisons partie.

On a quand même un reproche à faire à ce spectacle insolite et plein de charme : il faut souvent tendre l’oreille. On veut bien que l’art de conserver la santé  le mérite mais le parler naturel a ses inconvénients : on n’entend pas toujours bien le texte -donc  une impression pour le public d’entre soi et d’être un peu exclu. Eh! Les filles ! On est là. Quoi qu’il en soit, on a bien fait de venir. Avec ces sentences, on a oublie la pandémie et le masque sur le nez. Et une dernière : « Si tu veux être sain, lave souvent ta main ».

Christine Friedel

Festival d’automne. Spectacle joué du 13 au 18 octobre au Théâtre de la Bastille, 76rue de la Roquette , Paris (XI ème).

Les Laboratoires d’Aubervilliers ( Seine-Saint-Denis) du 12 au 15 novembre.

 

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