Semaine d’Art en Avignon: Traces: Discours aux Nations africaines de Felwine Sarr, mise en scène d’Etienne Minoungou
Semaine d’Art en Avignon:
Traces-Discours aux Nations africaines de Felwine Sarr, mise en scène d’Etienne Minoungou, musique de Simon Winse
Cet auteur sénégalais est aussi compositeur, éditeur, directeur de festival et professeur d’économie. Il a cofondé un laboratoire d’analyse des sociétés africaines et de la diaspora. Et il est aussi le coauteur d’un rapport sur la restitution du patrimoine artistique africain détenu par la France.
Invité plusieurs fois au festival d’Avignon, Etienne Minoungou, comédien-metteur en scène et dramaturge burkinabé, est entrepreneur culturel à Ouagadougou. Le festival Les Récréâtrales qu’il y a initié, réunit une centaine d’artistes de plusieurs pays, lors de résidences de deux à trois mois d’écriture et de création théâtrale. Felwine Sarr a été conquis par son art du conteur quand il l’a entendu interpréter Cahier d’un Retour au pays natal d’Aimé Césaire, M’appelle Mohamed Ali de Dieudonné Niangouna et Si nous voulons vivre, d’après des chroniques et entretiens de Sony Labou Tansi, le grand écrivain congolais (1947-1995).
Traces-Discours aux nations africaines a été écrit pour Etienne Minoungou, un passeur à l’intense dimension poétique. A l’écoute du monde et de l’autre, il a une parole qui produit comme de la lumière et qui agit comme l’élucidation d’une pensée et d’un cheminement. «Traces, dit l’auteur, s’adresse à la jeunesse africaine, à la force vive de ce continent qui pense, souvent dans un rapport de défiance, que son Orient, c’est encore l’Occident. Ce texte mythologique, cette longue marche métaphorique de l’existence humaine, revient sur l’histoire de l’Afrique en la sortant du ressentiment, de la plainte pour aller vers une forme de réveil et d’engagement lumineux. »
Felwine Sarr pressent ce besoin de la jeunesse africaine d’aujourd’hui, celui de pouvoir explorer la plénitude de sa présence au monde à un moment particulier de l’histoire contemporaine pour lui permettre enfin pour se tailler un destin. Se redresser et retrouver son humanité, diminuer sa propre part d’ombre et accéder enfin à soi-même. L’histoire de l’Afrique, longue et complexe, n’est pas seulement coloniale et post-coloniale. Le conteur engage la conversation et suscite l’échange. Et le musicien Simon Winse joue de l’arc à bouche et de la flûte peule, avec des sonorités à la fois traditionnelles et jazzy.
Discours aux nations africaines raconte l’histoire d’un homme qui revient vivre sur son continent. Debout, ce conteur, seul, dit au monde ce qu’il a vu et voit, encore chargé des décombres de l’Histoire. Le texte participe d’une longue adresse dans un lieu de partage. Face aux défis économiques, éducationnels, sécuritaires et démocratiques, s’impose un défi culturel et artistique pour imaginer l’éveil d’un regard neuf sur l’humanité.
Etre programmé à la Semaine d’Art en Avignon avec cette parole exigeante, montre qu’il existe maintenant en Europe des espaces prêts à accueillir un langage poétique vraiment différent… Un signe que les tendances s’inversent… Pour Etienne Minoungou, le paysage culturel africain essaye de sortir des logiques de marché, pour revenir à des singularités esthétiques. Loin de toute accusation partiale, il invite les spectateurs, sujets autonomes et porteurs d’un imaginaire instillé par l’histoire, la culture et la littérature, à réfléchir à un avenir collectif… «J’ai conquis la Parole. Elle me fut longtemps refusée. « (…) « Je dois vous parler, vous mes semblables, car seule la parole demeure. » Etienne Minoungou seul, debout, s’adresse au monde, avec le récit de sa vie après qu’il ait quitté l’Afrique pour y revenir porteur d’un message d’espoir. Une vaste odyssée, un voyage métaphorique et un engagement personnel Cela donne un spectacle initié par le souffle puissant du comédien et la musique groove de Simon Winse.
Véronique Hotte
Spectacle vu à la collection Lambert, le 27 octobre.