Tout Dostoïevski, de Benoît Lambert et Emmanuel Vérité

Tout Dostoïevski de Benoît Lambert et Emmanuel Vérité

 C’est un ancien spectacle (voir Le Théâtre du Blog 2014) repris ici. Non pas une lecture exhaustive de Dostoïevski mais juste quelques lampées et lesquelles ! La conversation, commence de façon délibérément rébarbative par le début des Notes du souterrain ou Carnets du sous-sol, selon les traductions : «Je suis un homme malade… Je suis un homme méchant. Un homme plutôt repoussant. Je crois que j’ai le foie malade. Soit dit en passant, je ne comprends rien de rien à ma maladie et je ne sais pas au juste ce qui me fait mal.» Et pourtant… On ne comprendra jamais vraiment le geste de Raskolnikov qui tue une rentière qu’il juge parasite et inutile sur cette terre.

Mais on verra assez vite que le Châtiment est plus important que le Crime et plus important encore: l’articulation des deux. On suivra la démonstration: le policier traquant Raskolnikov est le modèle de l’inspecteur Colombo: «juste un petit détail »… fondamental: cela tisse un continuum entre Culture et culture populaire : à méditer… Apparaîtront, plus tard Les Frères Karamazov avec à la fin, le récit de la mort de l’enfant. Alors le silence devient dense, palpable et l’écoute du public, profonde. Aucun pathos: une brèche s’ouvre seulement dans le volcan Dostoïevski  avec un peu de lave en feu. Alors oui, on peut avoir l’illusion que tout Dostoïevski est contenu dans le microcosme qu’est cet extrait de son dernier roman. En réalité, émane de cette lave brûlante, le désir de rencontrer vraiment ce “Dosto quelque chose“, comme l’a dit un lycéen, de le lire, de se l’approprier. De fait, il appartient à qui l’aime ou veut l’aimer.

Et qui raconte, cette histoire ? Qui grimpe sur les pentes du volcan ? Charlie, un clown intermittent fou de littérature, d’où sa pudeur avec les textes. Charlie Courtois-Pasteur est né il y  quelques années de la complicité entre Benoît Lambert et le comédien Emmanuel Vérité. Une envie à deux de “petites formes“ qui font des spectacles en grande forme : Meeting Charlie ou l’art du bricolage, trousse à outils bien utile en ce monde, Charlie et Marcel  ou  Proust et le western…

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Charlie a le goût de l’élégance : sous son smoking d’occasion un peu trop grand  (avec l’aimable complicité de Marie La Rocca), il porte une chemise hawaïenne : histoire d’en rajouter dans l’élégance qui se casse la figure ! Alourdi par un gros micro sur sa poitrine mais il en use modérément, il s’accompagne de délicats bricolages démonstratifs. Il paraît plus âgé que son porteur, Emmanuel Vérité et chargé d’un passé douloureux  mais comme il est pudique, nous n’en saurons rien.
Et Dostoïevski, alors ? Il est bien là, tendu dans le verre de vodka que nous offre Charlie, derrière lui, devant nous, ouvert comme une terrible tentation. Tout Dostoïevski est à la disposition de chacun et il y a du Dostoïevski en chacun de nous, surtout si un être mystérieux comme ce Charlie vient en offrir un aperçu fulgurant sur un plateau de théâtre.

Tout cela, c’était avant de déluge : en avril de l’an passé au Théâtre de la Cité Internationale. Aujourd’hui et on croise les doigts, Charlie s’installe au Théâtre du Lucernaire. À nous la curiosité, la frustration, les chemins de traverse, la magie à deux balles, le rire et la tendresse que nous offre ce spectacle.

Christine Friedel

Le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris (VI ème) jusqu’au 29 novembre. T. : 01 45 44 57 34. Malheureusement, comme tous les autres théâtres, le Lucernaire sera fermé tout le mois de novembre mais on espère y retrouver ce spectacle en décembre…

 

 


Archive pour 3 novembre, 2020

Composition pour six corps, performance-danse, conception, mise en scène et chorégraphie d’Antonia Oikonomou

Composition pour six corps, performance-danse, conception, mise en scène et chorégraphie d’Antonia Oikonomou
 
Sur une scène vide, ce spectacle de danse explore le processus de la création artistique à partir de la fameuse «page blanche ». Au centre de cette création, la rencontre des corps et leur coexistence dans un espace clos et dans un temps vague : celui des longues répétitions où des idées naissent, s’annulent réciproquement ou s’effacent… En exploitant a priori un même matériau sensoriel, le corps humain, c’est-à-dire expressif et énonciateur, le théâtre et la danse héritent nécessairement  d’une ambivalence constitutive : forme matérielle visible et  énergie pulsionnelle mais aussi désir d’expression et pouvoir signifiant.Le corps langagier est en effet, semble-t-il, à la fois déchiré par une distorsion permanente et condamné à vouloir l’abolir  dans une quête éperdue et vaine de son unité et de son identité.
 

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Antonia Oikonomou, avec cet« essai scénique », traite le corps de l’artiste; et sa philosophie de l’espace devient celui d’une coordination interactionnelle. Cinq danseurs (et non pas six !)  pour un monde fictionnel condensant dans un tourbillon du mouvements et  de rares paroles,  les étapes d’une répétition en cours d’un spectacle. Une sorte de «rêverie» qui dévoile la frénésie de la préparation et la créativité d’un performeur… Le corps et l’esprit font un va-et-vient continuel entre l’intérieur et l’extérieur : parfois, le public se perçoit de l’intérieur, en s’identifiant à l’objet ou perçoit l’autre, de l’extérieur comme un corps étranger. Avec une dénégation de la réalité du perçu. Les danseurs accentuent le mouvement pendulaire de cette dénégation et nous promènent entre fiction éloignée et performance vécue et, à d’autres moments, l’ancrent dans une fiction où se mêle leur connaissance de la réalité.
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Spectacle vu le 1 novembre au Théâtre Roes, 16 rue Iakchou, Athènes. T. : 00302103474312. Attention: en novembre tous les théâtres d’Athènes comme ceux de Paris, etc. seront fermés!

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