Une Julie peut en cacher une autre : entretien avec Julie Timmerman

Une Julie peut en cacher une autre : entretien avec Julie Timmerman

-Vous avec commencé très jeune (en 90) , à jouer dans Le Château de ma mère et Le Bal des Casse-pieds deux films réalisés par Yves Robert et avez commencé six ans plus tard au théâtre dans C’est beau et Elle est là de Nathalie Serreau. Puis  vous êtes entrée au Théâtre du Campagnol dirigé par Jean-Claude Penchenat. Et à suivre en même temps les cours du soir à l’Ecole du Théâtre National de Chaillot. Et vous êtes entrée à l’École Régionale d’Acteurs de Cannes.

 –Oui, j’étais vite tombée dans la marmite théâtrale : mon père François Timmerman et ma mère Claudia Morin sont acteurs et metteurs en scène. Et j’ai pu ensuite jouer avec Alain Françon dans L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau. J’ai appris de lui l’intransigeance et la rigueur dans le travail de mise en scène. Puis j’ai eu le bonheur de beaucoup jouer mais j’avais aussi envie de me jeter à l’eau et de passer à la réalisation, même si je savais par expérience qu’une mise en scène exige d’abord un énorme travail en amont, en particulier dans la production. Mais bon, j’ai fondé en 2008 la compagnie Idiomécanic Théâtre  et j’ai adapté et mis en scène Un Jeu d’enfants de Martin Walser  puis Words are watching you d’après le fameux 1984 de George Orwell, un roman passionnant mais aussi Rosmersholm d’Henrik Ibsen.

- Mais il semble que votre travail de metteuse en scène ait pris un tournant quand vous vous êtes attaquée il y quatre ans en écrivant et mettant en scène au Théâtre de la Reine blanche à Paris Un Démocrate…

© x

© Olivier Allard

-Sans doute ! Edward Bernays, qui était le double neveu de Freud, est un personnage qui m’a toujours fascinée. Il  a  vécu cent trois ans et a notamment écrit Propaganda. Il est le père de la propagande socio-politique. Et Joseph Goebbels s’est beaucoup inspiré de ses idées! Mais Bernays préférait se dire «conseiller en relations publiques». Il a réussi, grâce à la manipulation de masse ou autrement dit le marketing, contribué à développer fortement aux Etats-Unis la consommation, même quand c’était au prix de la santé, comme avec les cigarettes Lucky Strike. Il a réussi à organiser pour les femmes des manifestations où elles affirmaient leur émancipation en fumant en public! Et en 1954, le sulfureux Bernays a apporté son soutien à la multinationale United Fruit et au gouvernement des États-Unis pour aider à renverser Arbenz, le président du Guatemala pourtant démocratiquement élu, au profit de son pays et de la grosse industrie alimentaire locale. Ce qui, logiquement, m’a amené ensuite à écrire sur ce thème et à créer Bananas cette année (voir Le Théâtre du Blog)

-Comme tous les chefs de troupe et directeurs de théâtre, votre travail est bien sûr, touchée par la pandémie actuelle…

- Oui, mais je ne vais quand même pas pleurer. N’exagérons rien : il y a pire que nous ! Surtout quand je vois les énormes dégâts dus à un tremblement de terre au Guatmala justement… Mes deux derniers spectacles auraient dû normalement continuer à être joués un peu partout en banlieue parisienne avec treize dates, et ailleurs mais bon, il faudra faire avec. Mma chargée de diffusion a un gros boulot pour essayer de caler de nouvelles dates, puisque toutes celles de novembre et décembre sont annulées… Il va falloir reprendre tout cela en détail et c’est loin d’être simple.  Pour le moment, je suis comme les copains, il n’y a pas de solution miracle et j’ai bien conscience que le Ministère de la Culture ne pourra pas nous soutenir financièrement encore très longtemps… J’ai une commande d’écriture sur les avancées scientifiques -on pense notamment à Marie Curie- du directeur du Granit de Belfort. Pour le reste… Mais à terme, il ne faut pas se faire d’illusion : les petites compagnies comme les nôtres et les grandes, toutes devront sûrement trouver d’autres sources de revenus pour vivre…

-Et l’avenir à court terme ? Vous seriez candidate à la  direction d’un Centre Dramatique National comme d’autres jeunes femmes, Lucie Berelowitch récemment nommée à Vire ou Julie Deliquet à Saint-Denis ?

– Pourquoi pas ? J’ai déjà été candidate une fois… Ce qui m’intéresse surtout, c’est le goût d’abord de l’écriture et de la mise en scène mais aussi celui que j’ai toujours eu de la rencontre avec le public, quelle que que soit la région. On verra bien…

Philippe du Vignal

 

 


Archive pour 13 novembre, 2020

Une Julie peut en cacher une autre : entretien avec Julie Timmerman

Une Julie peut en cacher une autre : entretien avec Julie Timmerman

-Vous avec commencé très jeune (en 90) , à jouer dans Le Château de ma mère et Le Bal des Casse-pieds deux films réalisés par Yves Robert et avez commencé six ans plus tard au théâtre dans C’est beau et Elle est là de Nathalie Serreau. Puis  vous êtes entrée au Théâtre du Campagnol dirigé par Jean-Claude Penchenat. Et à suivre en même temps les cours du soir à l’Ecole du Théâtre National de Chaillot. Et vous êtes entrée à l’École Régionale d’Acteurs de Cannes.

 –Oui, j’étais vite tombée dans la marmite théâtrale : mon père François Timmerman et ma mère Claudia Morin sont acteurs et metteurs en scène. Et j’ai pu ensuite jouer avec Alain Françon dans L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau. J’ai appris de lui l’intransigeance et la rigueur dans le travail de mise en scène. Puis j’ai eu le bonheur de beaucoup jouer mais j’avais aussi envie de me jeter à l’eau et de passer à la réalisation, même si je savais par expérience qu’une mise en scène exige d’abord un énorme travail en amont, en particulier dans la production. Mais bon, j’ai fondé en 2008 la compagnie Idiomécanic Théâtre  et j’ai adapté et mis en scène Un Jeu d’enfants de Martin Walser  puis Words are watching you d’après le fameux 1984 de George Orwell, un roman passionnant mais aussi Rosmersholm d’Henrik Ibsen.

- Mais il semble que votre travail de metteuse en scène ait pris un tournant quand vous vous êtes attaquée il y quatre ans en écrivant et mettant en scène au Théâtre de la Reine blanche à Paris Un Démocrate…

© x

© Olivier Allard

-Sans doute ! Edward Bernays, qui était le double neveu de Freud, est un personnage qui m’a toujours fascinée. Il  a  vécu cent trois ans et a notamment écrit Propaganda. Il est le père de la propagande socio-politique. Et Joseph Goebbels s’est beaucoup inspiré de ses idées! Mais Bernays préférait se dire «conseiller en relations publiques». Il a réussi, grâce à la manipulation de masse ou autrement dit le marketing, contribué à développer fortement aux Etats-Unis la consommation, même quand c’était au prix de la santé, comme avec les cigarettes Lucky Strike. Il a réussi à organiser pour les femmes des manifestations où elles affirmaient leur émancipation en fumant en public! Et en 1954, le sulfureux Bernays a apporté son soutien à la multinationale United Fruit et au gouvernement des États-Unis pour aider à renverser Arbenz, le président du Guatemala pourtant démocratiquement élu, au profit de son pays et de la grosse industrie alimentaire locale. Ce qui, logiquement, m’a amené ensuite à écrire sur ce thème et à créer Bananas cette année (voir Le Théâtre du Blog)

-Comme tous les chefs de troupe et directeurs de théâtre, votre travail est bien sûr, touchée par la pandémie actuelle…

- Oui, mais je ne vais quand même pas pleurer. N’exagérons rien : il y a pire que nous ! Surtout quand je vois les énormes dégâts dus à un tremblement de terre au Guatmala justement… Mes deux derniers spectacles auraient dû normalement continuer à être joués un peu partout en banlieue parisienne avec treize dates, et ailleurs mais bon, il faudra faire avec. Mma chargée de diffusion a un gros boulot pour essayer de caler de nouvelles dates, puisque toutes celles de novembre et décembre sont annulées… Il va falloir reprendre tout cela en détail et c’est loin d’être simple.  Pour le moment, je suis comme les copains, il n’y a pas de solution miracle et j’ai bien conscience que le Ministère de la Culture ne pourra pas nous soutenir financièrement encore très longtemps… J’ai une commande d’écriture sur les avancées scientifiques -on pense notamment à Marie Curie- du directeur du Granit de Belfort. Pour le reste… Mais à terme, il ne faut pas se faire d’illusion : les petites compagnies comme les nôtres et les grandes, toutes devront sûrement trouver d’autres sources de revenus pour vivre…

-Et l’avenir à court terme ? Vous seriez candidate à la  direction d’un Centre Dramatique National comme d’autres jeunes femmes, Lucie Berelowitch récemment nommée à Vire ou Julie Deliquet à Saint-Denis ?

– Pourquoi pas ? J’ai déjà été candidate une fois… Ce qui m’intéresse surtout, c’est le goût d’abord de l’écriture et de la mise en scène mais aussi celui que j’ai toujours eu de la rencontre avec le public, quelle que que soit la région. On verra bien…

Philippe du Vignal

 

 

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