Adieu Robert Hossein
Adieu Robert Hossein
L’acteur et metteur en scène est mort aujourd’hui à 93 ans. Il avait suivi les cours de théâtre de René Simon puis de Tania Balachova. Cet artiste hors-normes, déjà passionné par la mise en scène, montera avec son ami Frédéric Dard, au Théâtre du Grand-Guignol à Paris (une salle devenue l’I.V.T. ) Docteur Jekyll et Mister Hyde, La Chair de l’orchidée d’après James Hadley Chase.
Et Il joua dans de nombreux films d’abord en 1964, avec Bernard Borderie, qui tourna, d’après les livres d’Anne et Serge Golon : Angélique marquise des anges, puis Angélique et le roy (1965), Indomptable Angélique et Merveilleuse Angélique (1967), Angélique et le sultan (1968). Mais il joua aussi sous la direction de Roger Vadim, Claude-Autant-Lara, Julien Duvivier, Christian Jaque, Edouard Molinaro… Il réalisa aussi quelques films entre autres en 1955 Les Salauds vont en enfer.
En 1970, il fut nommé directeur du théâtre populaire de Reims. Deux ans plus tard, il engagera Isabelle Adjani pour jouer dans La Maison de Bernarda Alba de Federico Garcia Lorca. « Du théâtre comme vous n’en voyez qu’au cinéma.» disait-il. Il montera ainsi Crime et châtiment, d’après Dostoïevski et Les Bas-Fonds de Maxime Gorki, ces deux pièces avec Jacques Weber, Roméo et Juliette de Shakespeare… Il n’avait pas l’exigence d’un Jean Vilar mais réussit à conquérir un public qui ne venait jamais au théâtre. Et il sut choisir ses acteurs: ainsi entre autres, Isabelle Huppert dans Pour qui sonne le glas, d’après Hemingway et Jacques Villeret pour jouer Scapin dans Les Fourberies de Scapin…
Puis, et cela le fera connaître encore davantage, il mettra en scène de grands spectacles avec de nombreux figurants au Palais des Sports et au Palais des Congrès à Paris, comme en 1975, La Prodigieuse aventure du Cuirassé Potemkine, Notre-Dame-de-Paris (1978), Danton et Robespierre (1978), Les Misérables (1980), Un homme nommé Jésus (1983) avec environ 700. 000 spectateurs, un chiffre très rare au théâtre. Dans En 1987, L’Affaire du courrier de Lyon : il demande à cent spectateurs de former sur scène un jury populaire et après le procès, ils votent en appuyant sur un bouton : vert, c’est l’innocence de Joseph Lesurques ; jaune, la complicité ; rouge, la culpabilité… Un peu facile mais efficace.
Suivirent La Liberté ou la Mort (1988), Je m’appelais Marie-Antoinette (1993): là, à l’entracte, cette fois tout le public vote : liberté, exil, prison ou mort pour la Reine qui sera à la fin tout de même guillotinée. C’est plus vendable…. 1940-1945 : de Gaulle, celui qui a dit non (1999. Habile commerçant, il avait aussi créé aussi la prévente de billets chez des commerçants amis, ce qui lui permettait d’avoir une mise de fonds pour assurer la production de spectacles importants. Et il avait donc inventé un théâtre « participatif » où le public était appelé à voter… Il adapta aussi Les Misérables de Victor Hugo en comédie musicale, un spectacle qui eut grand succès populaire.
Pas toujours très bien vu des critiques qu’il invitait peu, il n’était pas soutenu du Ministère de la Culture qui ne voulait pas financer ses grandes productions coûteuses, avec nombreux figurants et débauche de lumières mais avec peu d’acteurs, toujours sonorisés, et disant plutôt qu’interprétant un texte à l’écriture facile. Plus récemment en 2004, il monta aussi au stade de France avec quelque cinq cent figurants, un Ben-Hur avec une course de sept chars tirés par vingt-huit chevaux, toujours une obsession du grandiose comme garantie de succès… Un système qui a ses limites…
Homme du théâtre privé, il dirigea ensuite le Théâtre Marigny de 2000 à 2008 en 2000 où Alfredo Arias mit en scène Isabelle Adjani dans La Dame aux camélias. Robert Hossein aura encore la force, à près de quatre-vingt ans, de créer N’ayez pas peur ! Jean Paul II, en 2007 au Palais des sports et Une Femme nommée Marie, pour un seul soir il y a neuf ans devant plus de 25.000 spectateurs à Lourdes…
Ses grands spectacles n’avaient pas la qualité de ceux qu’il monta à la Comédie de Reims mais là, comme à Paris, il aura réussi à faire venir tout un public populaire qui avait déserté les salles. Et qu’on le veuille ou non, Robert Hossein, même avec sa démesure, aura marqué l’histoire du théâtre français à la fin du XX ème siècle…
Philippe du Vignal