Kolik de Rainald Goetz, mise en scène d’Alain Françon

kolik

© Ina Seghezzi

Kolik de Rainald Goetz, mise en scène d’Alain Françon

 Seul en scène, hormis un fauteuil, Antoine Mathieu donne voix et corps à un texte âpre et charriant des obsessions existentielles. Armé d’une bouteille, il boit tout aussi obsessionnellement devant un écran où se hasardent quelques mots et où s’égrènent les numéros de dix-sept occurrences titrées : homme, renversement, force, musique, science, doute, travail… pour finir dans la mélancolie avec : douleur, faible, stop, meurs…

 Plus qu’un personnage, c’est une figure de l’homme face à lui-même et à la déliquescence de son être physique et moral, que le comédien habite. Avec les mots récurrents d’un individu qui se répand en colique corporelle et  verbale. « Le virus virulent de la vie vit en tant que mort ». Mais, dans un même élan : « Le doute c’est  douter… Calculer c’est penser, penser c’est douter, douter c’est penser. »

De ces étranges syllogismes, de ces énoncés qui tournent sur eux-mêmes, naît une progression dramatique d’une économie particulière, faite de retours en arrière, répits et moments lumineux mais allant vers une fin inéluctable. En même temps que la vie, la parole s’en va, réduite à des bribes de langage, brutes, désarticulées, asyntaxiques soulignant la perte du sens. Quand il se tait enfin, c’est la paix !

 Kolik est le troisième volet d’une trilogie publiée en 1986 : Guerre. Le premier traite de la guerre en général le deuxième, Batailles, des luttes intestines dans le couple.  «Guerre à la fin, dit Rainald Goetz, signifie ici : «tractat contre la résistance du matériau, égal ni matériau ni résistance mais summa summarum tractat nommé cordialement Kolik ; je, mot, mort. »

 Couvert de prix littéraires outre-Rhin, le poète et romancier est peu joué en France malgré l’édition chez P.O.L. d’une traduction d’Olivier Cadiot. Alain Françon avait monté Katarakt en 2004, au Théâtre de la Colline, un monologue tout aussi touffu, qu’interprétait Jean-Paul Roussillon.

Le metteur en scène avait fait connaître l’auteur à Antoine Mathieu qui dès lors s’est emparé de Kolik, jusqu’à le faire sien, comme dans cette mise en scène sobre, et éclairante. Ina Seghezzi avec Antoine Mathieu et Alain Françon, en a établi la version actuelle : «La langue de Goetz est difficile à traduire, dit-elle. Afin que la circulation du sens dans cette écriture hautement dense soit la plus ouverte, j’ai opté pour une langue dans un état brut et rugueux.  » Une collaboration qui porte ses fruits.

 On suit Antoine Mathieu pas à pas dans cet inventaire d’une vie, quand la guerre, à l’intérieur du cerveau cherche à se frayer un chemin, vers une condensation extrême, à l’ultime instant de vie avant la mort. Il sait, grâce à différentes postures, nous conduire avec beaucoup d’humour dans cet épais labyrinthe, en tirer du sens, sans s’appesantir sur la noirceur de la pièce. Il faut se laisser guider par lui à travers ces petites unités de parole -parfois absconses- et déchiffrer cette œuvre étonnante  conçue par le comédien comme « une exploration faite en commun de ce texte inouï, qui parle au corps, à partir du corps. »

Nous avons assisté à cette présentation professionnelle le 6 janvier au Théâtre 14, où le spectacle devait avoir lieu. Mathieu Touzé et Édouard Chapot qui en ont repris dernièrement la direction, ont travaillé disent-ils, plus d’un an et demi à donner pendant cette première saison, un nouvel élan à cette salle :  « Avec un plan A, un plan B, un plan C mais tout a explosé ! Nous nous sommes plongés sans réfléchir dans le torrent acceptant cette nouvelle normalité, nous avons mis en place, projeté, annulé, stoppé, tenté. « (…) «Nous nous sommes amarrés au concret, nous avons relevé nos manches pour une première réouverture en juin, puis un festival en juillet, intégralité de la saison reportée, participation au référé liberté.  Comment aborder cette nouvelle année ? Que va-t-il se passer dans les prochains mois ? Nous avons choisi notre meilleure ressource : l’imaginaire. (…). Voilà où nous plaçons maintenant nos efforts dans une tentative poétique de penser notre avenir. Nous résistons par notre plus grande force, celle de l’esprit, celle du rêve. »

Mireille Davidovici

Théâtre 14,  20 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème).

Du 5 au 13 février,  Théâtre du Nord, Lille (Nord) 

 Di 5 au 13 février 2021


Archive pour 8 janvier, 2021

Kolik de Rainald Goetz, mise en scène d’Alain Françon

kolik

© Ina Seghezzi

Kolik de Rainald Goetz, mise en scène d’Alain Françon

 Seul en scène, hormis un fauteuil, Antoine Mathieu donne voix et corps à un texte âpre et charriant des obsessions existentielles. Armé d’une bouteille, il boit tout aussi obsessionnellement devant un écran où se hasardent quelques mots et où s’égrènent les numéros de dix-sept occurrences titrées : homme, renversement, force, musique, science, doute, travail… pour finir dans la mélancolie avec : douleur, faible, stop, meurs…

 Plus qu’un personnage, c’est une figure de l’homme face à lui-même et à la déliquescence de son être physique et moral, que le comédien habite. Avec les mots récurrents d’un individu qui se répand en colique corporelle et  verbale. « Le virus virulent de la vie vit en tant que mort ». Mais, dans un même élan : « Le doute c’est  douter… Calculer c’est penser, penser c’est douter, douter c’est penser. »

De ces étranges syllogismes, de ces énoncés qui tournent sur eux-mêmes, naît une progression dramatique d’une économie particulière, faite de retours en arrière, répits et moments lumineux mais allant vers une fin inéluctable. En même temps que la vie, la parole s’en va, réduite à des bribes de langage, brutes, désarticulées, asyntaxiques soulignant la perte du sens. Quand il se tait enfin, c’est la paix !

 Kolik est le troisième volet d’une trilogie publiée en 1986 : Guerre. Le premier traite de la guerre en général le deuxième, Batailles, des luttes intestines dans le couple.  «Guerre à la fin, dit Rainald Goetz, signifie ici : «tractat contre la résistance du matériau, égal ni matériau ni résistance mais summa summarum tractat nommé cordialement Kolik ; je, mot, mort. »

 Couvert de prix littéraires outre-Rhin, le poète et romancier est peu joué en France malgré l’édition chez P.O.L. d’une traduction d’Olivier Cadiot. Alain Françon avait monté Katarakt en 2004, au Théâtre de la Colline, un monologue tout aussi touffu, qu’interprétait Jean-Paul Roussillon.

Le metteur en scène avait fait connaître l’auteur à Antoine Mathieu qui dès lors s’est emparé de Kolik, jusqu’à le faire sien, comme dans cette mise en scène sobre, et éclairante. Ina Seghezzi avec Antoine Mathieu et Alain Françon, en a établi la version actuelle : «La langue de Goetz est difficile à traduire, dit-elle. Afin que la circulation du sens dans cette écriture hautement dense soit la plus ouverte, j’ai opté pour une langue dans un état brut et rugueux.  » Une collaboration qui porte ses fruits.

 On suit Antoine Mathieu pas à pas dans cet inventaire d’une vie, quand la guerre, à l’intérieur du cerveau cherche à se frayer un chemin, vers une condensation extrême, à l’ultime instant de vie avant la mort. Il sait, grâce à différentes postures, nous conduire avec beaucoup d’humour dans cet épais labyrinthe, en tirer du sens, sans s’appesantir sur la noirceur de la pièce. Il faut se laisser guider par lui à travers ces petites unités de parole -parfois absconses- et déchiffrer cette œuvre étonnante  conçue par le comédien comme « une exploration faite en commun de ce texte inouï, qui parle au corps, à partir du corps. »

Nous avons assisté à cette présentation professionnelle le 6 janvier au Théâtre 14, où le spectacle devait avoir lieu. Mathieu Touzé et Édouard Chapot qui en ont repris dernièrement la direction, ont travaillé disent-ils, plus d’un an et demi à donner pendant cette première saison, un nouvel élan à cette salle :  « Avec un plan A, un plan B, un plan C mais tout a explosé ! Nous nous sommes plongés sans réfléchir dans le torrent acceptant cette nouvelle normalité, nous avons mis en place, projeté, annulé, stoppé, tenté. « (…) «Nous nous sommes amarrés au concret, nous avons relevé nos manches pour une première réouverture en juin, puis un festival en juillet, intégralité de la saison reportée, participation au référé liberté.  Comment aborder cette nouvelle année ? Que va-t-il se passer dans les prochains mois ? Nous avons choisi notre meilleure ressource : l’imaginaire. (…). Voilà où nous plaçons maintenant nos efforts dans une tentative poétique de penser notre avenir. Nous résistons par notre plus grande force, celle de l’esprit, celle du rêve. »

Mireille Davidovici

Théâtre 14,  20 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème).

Du 5 au 13 février,  Théâtre du Nord, Lille (Nord) 

 Di 5 au 13 février 2021

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