Les Femmes de la maison, écriture et mise en scène de Pauline Sales

Les Femmes de la maison, écriture et mise en scène de Pauline Sales

 Une entreprise ambitieuse… Rendre compte, à travers la pratique de la «résidence d’artistes », de l’évolution du statut de la femme, puis des femmes, en trois carottes sociologiques: années cinquante-soixante, soixante-dix, aujourd’hui. Quand on dit: statut, c’est aussi l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. Conscience d’être femmes, de leurs révoltes -ou pas- de leur corps et des tabous : clitoris et menstruations.
Et la sororité ? Et si la femme n’existe pas, qu’en est-il de l’homme, sinon qu’au XXème siècle, toute femme doit en trouver un -ou pas ?

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 A partir d’une sérieuse documentation, nous voilà embarquées pour un immense détricotage. Et le mot fait penser aussitôt aux gigantesques «ouvrages de dame» d’artistes contemporaines majeures comme Marinette Cueco ou Joana Vasoncelos.  Détricotons pour voir ce que cachent l’habitude et l’évidence. Par exemple : «Le masculin l’emporte sur le féminin». Quand nous avons appris cette règle grammaticale, nous imaginions aussitôt le loup et le petit chaperon rouge et cela ne faisait pas plaisir. Nous nous permettrons alors d’accorder au féminin, le plus grand nombre : trois comédiennes, un comédien et une autrice à la barre.

Olivia Chatain, Anne Cressent et Hélène Viviès pour neuf rôles et trois époques. Et Vincent Garanger (le Dandin dans la mise en scène de Jean-Pierre Vincent il n’y a pas si longtemps…) dans les rôles de l’Homme. Pas un macho: un mécène un peu énigmatique qui offre une maison à des femmes-artistes, pourvu qu’elles lui laissent, si elles le veulent bien, un petit quelque chose pour sa collection. Il joue aussi un autre rôle de façon si bluffante qu’on ne va pas le «divulgâcher». Et il y a un «actrice» invisible dont le travail est essentiel: Cécile Kretschmar. Elle a réalisé les maquillages et perruques (et a travaillé pour des centaines de spectacles). Un rôle décisif: il s’agit de caractériser chaque personnage féminin. Illusion quasi parfaite: on se demande combien d’actrices jouent dans cette superproduction… avant de comprendre le fonctionnement de ces “fregoli ». Mais était-il nécessaire de s’ôter le plaisir du théâtre à vue? Une seule fois, une comédienne change de perruque et loin de casser le jeu, cela donne un joli coup de fouet.

Il y à là un piège dans l’écriture, surtout pour la période la plus ancienne: l’autrice hésite entre une dramaturgie très contemporaine et un naturalisme un peu explicatif. Trop de mots et des traits appuyés, pour donner à voir une époque si lointaine… Dans un souci illusoire d’exhaustivité. Mais avec   une scénographie un peu lourde.  Pauline Salles  est plus à l’aise avec les années soixante-dix, documentées par la maison des femmes:  (Womanhouse, exposition et performance féminines et féministes de Judy Chicago et Miriam Shapiro (1972). Encombrée, il est vrai d’une trop longue “fête“.

Mais, pour les temps actuels, la pièce monte vraiment en puissance et nous accroche de plus en plus. L’autrice ne laisse rien tomber: ni la vérité des situations ni les contradictions de la sororité, ni la réalité d’une lutte des classes réelle, bien que «soft». Pauline Sales sait de quoi elle parle, avec cette résidence d’écriture et l’angoisse, la difficile cohabitation, les rivalités et même l’intolérance mais aussi la complicité entre les trois autrices de la maison.

Un regard sans indulgence mais non sans amour et humour, sur des femmes différentes les unes des autres et libres, même si cela prend du temps pour le comprendre. La femme n’existe pas, mais le féminin pluriel, oui. Quant à l’homme, il est sorti sur la pointe des pieds, pour revenir, mais sous quelle forme ? Il y a là, matière à roman…

La  trop longue scène d’exposition gagnerait à être resserrée. Cela aiguiserait notre appétit pour la suite, riche de réflexions et expérimentations entre les comédiennes et le comédien.. Du «trop» mais qui ne craint pas d’exposer ses contradictions et qui laisse à penser, une fois le noir tombé sur le plateau. Et le titre remet bien les choses à leur place. Les Femmes de la maison comptent et plus que La Maison des femmes, un enclos protecteur dont elles ne devraient plus avoir besoin. « Féministes tant qu’il le faudra» : un slogan du ministère de l’Egalité… au Québec.

Christine Friedel

Présentation professionnelle vue le 11 janvier, à la Scène Nationale du Mans (Sarthe).

Représentations prévues sous réserve des  directives gouvernementales :

Du 20 au 23 janvier, Comédie-Centre Dramatique National de Reims ; du 27 au 29 janvier, Comédie de Saint-Etienne-Centre Dramatique National .

Le 3 févier, Théâtre Jacques Carat, Cachan( Val-de-Marne).


Les 2 et 3 mars, Scènes du Jura, Lons-le-Saunier ( Doubs) ; du 10 au 13 mars, Théâtre National de Bordeaux-Aquitaine (Gironde).

 Du 3 au 16 avril, Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

 


Archive pour 15 janvier, 2021

Les Femmes de la maison, écriture et mise en scène de Pauline Sales

Les Femmes de la maison, écriture et mise en scène de Pauline Sales

 Une entreprise ambitieuse… Rendre compte, à travers la pratique de la «résidence d’artistes », de l’évolution du statut de la femme, puis des femmes, en trois carottes sociologiques: années cinquante-soixante, soixante-dix, aujourd’hui. Quand on dit: statut, c’est aussi l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. Conscience d’être femmes, de leurs révoltes -ou pas- de leur corps et des tabous : clitoris et menstruations.
Et la sororité ? Et si la femme n’existe pas, qu’en est-il de l’homme, sinon qu’au XXème siècle, toute femme doit en trouver un -ou pas ?

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 A partir d’une sérieuse documentation, nous voilà embarquées pour un immense détricotage. Et le mot fait penser aussitôt aux gigantesques «ouvrages de dame» d’artistes contemporaines majeures comme Marinette Cueco ou Joana Vasoncelos.  Détricotons pour voir ce que cachent l’habitude et l’évidence. Par exemple : «Le masculin l’emporte sur le féminin». Quand nous avons appris cette règle grammaticale, nous imaginions aussitôt le loup et le petit chaperon rouge et cela ne faisait pas plaisir. Nous nous permettrons alors d’accorder au féminin, le plus grand nombre : trois comédiennes, un comédien et une autrice à la barre.

Olivia Chatain, Anne Cressent et Hélène Viviès pour neuf rôles et trois époques. Et Vincent Garanger (le Dandin dans la mise en scène de Jean-Pierre Vincent il n’y a pas si longtemps…) dans les rôles de l’Homme. Pas un macho: un mécène un peu énigmatique qui offre une maison à des femmes-artistes, pourvu qu’elles lui laissent, si elles le veulent bien, un petit quelque chose pour sa collection. Il joue aussi un autre rôle de façon si bluffante qu’on ne va pas le «divulgâcher». Et il y a un «actrice» invisible dont le travail est essentiel: Cécile Kretschmar. Elle a réalisé les maquillages et perruques (et a travaillé pour des centaines de spectacles). Un rôle décisif: il s’agit de caractériser chaque personnage féminin. Illusion quasi parfaite: on se demande combien d’actrices jouent dans cette superproduction… avant de comprendre le fonctionnement de ces “fregoli ». Mais était-il nécessaire de s’ôter le plaisir du théâtre à vue? Une seule fois, une comédienne change de perruque et loin de casser le jeu, cela donne un joli coup de fouet.

Il y à là un piège dans l’écriture, surtout pour la période la plus ancienne: l’autrice hésite entre une dramaturgie très contemporaine et un naturalisme un peu explicatif. Trop de mots et des traits appuyés, pour donner à voir une époque si lointaine… Dans un souci illusoire d’exhaustivité. Mais avec   une scénographie un peu lourde.  Pauline Salles  est plus à l’aise avec les années soixante-dix, documentées par la maison des femmes:  (Womanhouse, exposition et performance féminines et féministes de Judy Chicago et Miriam Shapiro (1972). Encombrée, il est vrai d’une trop longue “fête“.

Mais, pour les temps actuels, la pièce monte vraiment en puissance et nous accroche de plus en plus. L’autrice ne laisse rien tomber: ni la vérité des situations ni les contradictions de la sororité, ni la réalité d’une lutte des classes réelle, bien que «soft». Pauline Sales sait de quoi elle parle, avec cette résidence d’écriture et l’angoisse, la difficile cohabitation, les rivalités et même l’intolérance mais aussi la complicité entre les trois autrices de la maison.

Un regard sans indulgence mais non sans amour et humour, sur des femmes différentes les unes des autres et libres, même si cela prend du temps pour le comprendre. La femme n’existe pas, mais le féminin pluriel, oui. Quant à l’homme, il est sorti sur la pointe des pieds, pour revenir, mais sous quelle forme ? Il y a là, matière à roman…

La  trop longue scène d’exposition gagnerait à être resserrée. Cela aiguiserait notre appétit pour la suite, riche de réflexions et expérimentations entre les comédiennes et le comédien.. Du «trop» mais qui ne craint pas d’exposer ses contradictions et qui laisse à penser, une fois le noir tombé sur le plateau. Et le titre remet bien les choses à leur place. Les Femmes de la maison comptent et plus que La Maison des femmes, un enclos protecteur dont elles ne devraient plus avoir besoin. « Féministes tant qu’il le faudra» : un slogan du ministère de l’Egalité… au Québec.

Christine Friedel

Présentation professionnelle vue le 11 janvier, à la Scène Nationale du Mans (Sarthe).

Représentations prévues sous réserve des  directives gouvernementales :

Du 20 au 23 janvier, Comédie-Centre Dramatique National de Reims ; du 27 au 29 janvier, Comédie de Saint-Etienne-Centre Dramatique National .

Le 3 févier, Théâtre Jacques Carat, Cachan( Val-de-Marne).


Les 2 et 3 mars, Scènes du Jura, Lons-le-Saunier ( Doubs) ; du 10 au 13 mars, Théâtre National de Bordeaux-Aquitaine (Gironde).

 Du 3 au 16 avril, Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

 

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