Andys-Gone I et II de Marie-Claude Verdier, mise en scène de Julien Bouffier
Andys-Gone I et II de Marie-Claude Verdier, mise en scène de Julien Bouffier
A l’entrée, on munit les quelque vingt spectateurs autorisés, d’un casque audio et chaque acteur est appareillé d’un micro HF. (Nous vivons une époque moderne! Et on n’est pas chez les amish, dirait Macron…) Sur le plateau, un tapis de danse noir, des plaids rouge vif pliés en quatre qui serviront de sièges mais ceux de la salle ne seront pas utilisés. Il y a aussi quelques chaises pour les allergiques à cette position, comme nous, qui avons beaucoup donné dans les années soixante dix quand le confort était vu comme bourgeois. Deux heures durant ou presque, cela aurait fait vraiment long…
Rien d’autre qu’une table de régie et un H articulé en tubes fluo (qui deviendra un A comme Alison, le double d’Antigone) dispensant un éclairage blanc cru. Nous sommes dans la tragédie au cas où cela vous aurait échappé et nous sommes censés être aussi les citoyens de la Cité… Entre Alison, une presque adolescente, fille du précédent roi et donc nièce de la Reine Régine en robe et escarpins noirs qui a mis la cité en état d’urgence. Et selon Alison, cela cache quelque chose… Question de génération sans doute mais aussi de caractère. D’un côté, la puissante raison d’État invoquée par Régine: « J’écoute. Le couvre-feu sera maintenu tant et aussi longtemps que la menace sera apparente. Je me fous des prédictions des météorologues : vos unités vont demeurer sur place et patrouiller les murs aussi longtemps que je le dirai. Personne ne doit se promener sur les murs, sous peine de mort. Immédiate. Pas d’exception. C’est clair? Non. Je suis allée dans sa chambre ce matin et elle n’y était pas. Je ne sais pas. Vous devez la retrouver. Tout est changé maintenant. Tenez-moi informée. »
Et d’un autre côté, la liberté et la fraternité revendiquées par la jeune fille, en jeans bien entendu, sans doute pour marquer la différence avec sa tata. Un affrontement des plus âpres entre elles, à propos de l’enterrement interdit du frère d’Alison- « Entre la raison d’Etat et les valeurs, je choisis les valeurs, chaque fois! Il y a quelque chose de plus grand, non? La vie, ce n’est pas que les règles, non? Il n’y a pas quelque chose de plus fondamental? Je pensais Je pensais que vous comprendriez. Parce que oui, avant d’être les habitants d’une ville. D’une ligne tracée sur le sol. Avant d’inventer une ligne. Imaginaire. Une petite ligne qui nous sépare. Nous sommes tous de la même espèce De la même planète. Un pays est une invention. Un peuple est une invention. Combien de temps ça prend pour être un peuple? » On aura vite reconnu une lecture, une vision personnelle et «moderne» de la célèbre et très remarquable Antigone de Sophocle (442 avant J.C. ).
Cette jeune fille, pour avoir enterré son frère Polynice tué par son frère Etéocle, a enfreint le décret de Créon, son oncle et doit être punie de mort. Le casque nous transmet à la fois les répliques des actrices mais aussi le bruit de rafales de fusils-mitrailleurs. Mais on peut aussi choisir et n’écouter, en enlevant le casque, que le dialogue… Ce qui, de temps à autre, fait du bien, cette bande-son diffusée en permanence parasitant le texte…
Suit une petite demi-heure d’entracte. Mais nous ne sommes plus que dix pour assister à la seconde partie du spectacle, Andy’s 2 Gone-La Faille, jouée cette fois sur le plateau par Vanessa Liautey (la Reine) et Maxime Lélue (Andy). Et, au casque, par Zoé Martelli (Alison). Sur le plateau, juste une table de maquillage avec huit ampoules nues et un cadre noir avec une vitre et aussi des ampoules nues. Le tout dispensant un éclairage blanc et cru identique au premier.
Les acteurs, comme dans la première partie jouent parmi les spectateurs. On nous a signalé à l’entrée qu’ils avaient été testés négatif ! Bon, tant mieux pour nous… Cela se passe maintenant dans la Cité où on a laissé entrer les réfugiés qui mourraient de faim devant ses murs. Mais la Reine a réussi faire fermer les portes et à liquider sa nièce, l’encombrante Alison dont, grâce au casque, on entendra la voix d’outre-tombe. Laquelle était en effet normalement destinée à gouverner la cité. Ce second épisode est une longue discussion entre la Reine et ce jeune homme, Andy qui appelle ses concitoyens à la révolte contre la Reine… Et visiblement décidé à prendre de force le pouvoir.
Mais tout cela- y compris ce titre au mauvais jeu de mots (à la résonance anglaise? pour faire moderne et on se demande bien pourquoi!) n’a rien de bien convaincant et la deuxième partie est nettement en-dessous de la première. Un texte souvent prétentieux et sans guère d’émotion que celle créée artificiellement par la bande-son… Celui du génial scénariste et dialoguiste que fut Sophocle, reste, lui, vingt-cinq siècles après, aussi éblouissant de force et de vérité. Interprétation très inégale: Vanessa Liautey, plus solide dans la première partie et Maxime Lélue font le boulot, avec parfois des accents d’une belle sincérité. Mais Zoé Martelli a une diction trop approximative, qu’on l’écoute au casque, ou non. Bref, il y a de bonnes intentions mais le compte n’y est pas, on s’ennuie un peu et mieux aurait valu mettre en scène l’Antigone de Sophocle (la pièce n’est pas très longue). Heureusement, vous pouvez aussi le lire ou le relire…
Philippe du Vignal
Présentation professionnelle des deux volets du spectacle vue le 18 janvier, Théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss, Paris (XIII ème). T. : 01 45 84 72 00. contact@theatredunois.org
Andys-Gone 1 (sous réserve): 16 au 19 février, Scène Nationale-Le Tangram, Evreux (Eure).
Le 3 avril, La Manekine, Pont-Sainte-Maxence (Oise).
Du 17 au 22 mai, Scène Nationale L’Estive, Foix (Ariège). Andy’s gone 2-La Faille(sous réserve).
Andys-Gone 2 le 9 février, Cité scolaire Françoise Combes, Montpellier (Hérault);
22 mai, Scène Nationale-L’Estive, Foix (Ariège)