Dans les murs de Vincent Farasse, mise en scène de Didier Girauldon
Dans les Murs de Vincent Farasse, mise en scène de Didier Girauldon
Cela commence mal… On nous offre un programme sur papier couché (c’est toujours suspect..), assez laid avec nombreuses photos, note d’intention et extraits de texte imprimés blanc sur noir, assez dissuasifs à la lecture… Sur le plateau, un gros cube avec une couverture, une chaise et deux blocs sur roulettes avec chacun, une porte sombre. Un certain Richard entre sans frapper chez Eddy et revendique très vite la propriété de cet appartement de banlieue. Mais Eddy ne se laisse pas faire: il prétend aussi y habiter même si c’est depuis peu. Le ton monte et un début de dialogue s’installe pourtant entre eux, puis ils boivent un apéro ensemble. Sinon, il n’y aurait évidemment pas de pièce… Et on aura seulement droit à deux monologues bavards. Et cela n’en finit pas de finir pendant une heure dix : soit en ressenti, comme on dit à la météo, au moins plus d’une heure et demi! Que sauver de cela? Peut-être quelques minutes du récit d’une rapide descente aux enfers de cet homme qui va devoir dormir sous une tente parmi des émigrés qui, comme lui, travaillent mais ne peuvent même pas payer un faible loyer. Mais c’est bien tout…
Pourtant à en croire le metteur en scène, le texte de Vincent Farasse «porte avec un verbe cinglant, un suspense et un humour beckettien » (sic). Puisqu’on vous le dit ! Bien entendu, aucun suspense: on s’ennuie très vite et il n’y a pas la moindre trace d’humour dans ces monologues bavards et prétentieux. «Autant de plongées dans un monde intérieur où le surnaturel affleure, peuplé d’hommes à tête de castor et de mystérieux voleurs d’herbes aromatiques en pot. » (sic) Selon l’auteur, l’écriture de cette piécette au scénario des plus minces, qui fait vaguement penser à celle d’un théâtre documentaire, «a commencé par une discussion avec les bénévoles d’un centre Emmaüs. Ils m’ont appris une chose que j’ignorais : depuis quelques années, parmi les gens sans domiciles (sic), on en croise de plus en plus qui ont un travail. Sous-payé, parfois à temps partiel, parfois non-déclaré, mais un travail. Ils travaillent et cotisent, donc, mais la flambée de l’immobilier et la dégradation des salaires sont telles qu’ils ne parviennent pas à trouver un logement. »
Que Vincent Farasse ait eu envie d’écrire sur ce thème, libre à lui mais si ce projet a bénéficié de l’aide de la D.R.A.C. et de la Région Centre-Val de Loire… cela dépasse l’entendement! Les experts comme les conseillers de la dite D.R.A.C. ont-ils jeté un œil sur ce texte? Alors qu’un véritable théâtre documentaire, réalisé à partir de témoignages, hélas faciles à recueillir, aurait été plus convaincant que cette ennuyeuse bouillie… Il y a des gens qui savent très bien faire cela en Allemagne, comme en France: entre autres, Nicolas Lambert.
Côté mise en scène et direction, ici rien ne nous est épargné: médiocrité absolue de l’interprétation comme si les acteurs ne croyaient en rien à qu’ils profèrent souvent en criaillant, temps morts et, à la fin, cerise sur le gâteau; un des pires stéréotypes du théâtre actuel: dans un épais jet de fumigène blanc et une lumière rouge, une bagarre entre les deux hommes, mal réglée et pas crédible pour une rondelle…
Reste à savoir pourquoi ce texte à l’intrigue cent fois vue (un intrus arrive dans un appartement ou une maison) a pu arriver jusqu’à la Reine Blanche et être aussi publié par un grand et bon éditeur. De quoi brouiller en tout cas et à jamais un public jeune (ou pas d’ailleurs) avec ce qu’on nomme « le théâtre contemporain »! Et de beaux penseurs se demanderont ensuite pourquoi Eugène Labiche et Georges Feydeau ont encore autant de succès! On voudrait nous faire prendre ce Dans les murs pour «un portrait au vitriol d’une société malade» (sic). Tous aux abris! Il y a des limites à la bienveillance et nous sommes en colère: comment croire une seconde que «l’écriture de Vincent Farasse nous interpelle et nous remet en question », comment être d’accord avec cette mise en scène qui ne mérite même pas son nom! Habitants de Paris, Tours ou Vierzon où le spectacle doit en principe être joué, en ces temps difficiles économisez votre énergie et évitez cette pauvre chose…
Philippe du Vignal
Présentation professionnelle vue le 21 janvier au Théâtre de la Reine Blanche, impasse Ruelle, Paris (XVIII ème).
La pièce est éditée chez Actes-Sud Papiers.