Borderlines, chorégraphie de Taoufiq Izzediou
Borderlines, chorégraphie de Taoufiq Izzediou
Le chorégraphe a rassemblé quatre de ses anciens élèves, pour composer une pièce fougueuse d’une heure qu’il avait hâte de montrer en France. «Au Maroc, depuis un an, tout est fermé, dit-il, et les danseurs ne bénéficient d’aucune aide. Beaucoup sont obligés de quitter le métier pour aller travailler ailleurs.» Reconnu sur la scène internationale, fondateur et directeur artistique du Festival de danse contemporaine On Marche, à Marrakech, Taoufiq Izzediou continue de présenter ses créations en Belgique, au Canada et en France… Pour cette nouvelle pièce, il bénéficie notamment du soutien du Théâtre Jean-Vilar à Vitry-sur-Seine qui coproduira aussi son prochain spectacle.
Sur le plateau, un grand carré couleur sable, cerné par des coins métalliques. Un premier danseur apparaît sur les bords, puis un deuxième. Et, comme si cet espace leur était interdit, ils en arpentent longuement les contours et en mesurent les limites. Ils franchiront ces frontières avec précaution, bientôt rejoints par les deux autres interprètes.
Sur ce domaine enfin conquis, ils vont donner libre cours à leur énergie, chacun développant son propre style. Ensemble ou séparés. Parfois, comme bloqué, l’un ou l’autre suspend son geste. Un autre s’agite à terre, dans un semblant de transe. Avec précaution, les corps s’affrontent, s’engluent comme empêchés, dans cette périlleuse traversée, puis s’échappent, cherchent à inventer leur propre territoire et enfin l’habitent. Ils donnent parfois de la voix, et crient leur colère. La seule femme, Chourouk El Mahat déploie une danse sinueuse. A la fin, les artistes pervertissent l’espace vide avec des accessoires métalliques, prothèses prolongeant leur corps dans une lumière cauchemardesque.
Taoufiq Izzediou, en référence aux crises migratoires, veut interroger «les checkpoints, visibles ou invisibles, entre ici et là-bas, entre masculin et féminin, entre chaud et froid, entre modernité et tradition. » La création sonore de Saïd Ait Elmoumen -musique contemporaine et rythmes africains- exprime ainsi la porosité des frontières réelles ou imaginaires qui restreignent notre désir universel de mobilité.
Avec un épilogue en forme de rêve, sur Hello my Love, une chanson de Léonard Cohen, Taouffiq Izzediou ouvre un espace imaginaire tranchant radicalement avec le reste de la pièce. Le décor se défait, la danse s’apaise et ,sur ce refrain lancinant, «Hello, my love/And my love, Goodbye», retrouve les mouvements circulaires chers au chorégraphe. Une échappée belle, teintée de mélancolie. Mais Taoufik Izeddiou, qui a aussi fondé la première école de danse contemporaine du Maroc, garde foi en l’avenir : «Ils essayent de nous enterrer mais il ne faut pas oublier qu’on est des graines. »
Mireille Davidovici
Présentation professionnelle vue le 18 janvier, Théâtre Jean-Vilar 1 Place Jean-Vilar Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Le 27 février, Viadanse, Centre Chorégraphique National de Belfort (Territoire de Belfort).
En juillet, Théâtre Jean-Vilar, Vitry-sur-Seine.
Du 20 au 27 septembre, Biennale de la danse en Afrique, Marrakech (Maroc).
Et début novembre, Centre Chorégraphique National de Roubaix (Nord).