Festival Les Singulier.e.s: Stallone, mise en scène de Fabien Gorgeart
Festival Les Singulier.e.s
Stallone, mise en scène de Fabien Gorgeart
Cette cinquième édition révèle de nouvelles créations transdisciplinaires, avec des portraits ou autoportraits et prend cette année une couleur très féminine… Stallone, incarné par Clotilde Hesme propulse le spectateur dans la vie de Lise, un double ordinaire de Rocky. Dans une mise en scène sobre, cette actrice lumineuse et le compositeur Pascal Sangla irradient la scène de leur complicité. Lui joue tous les personnages proches de l’héroïne: médecin employeur, ami, père, frère, mari… Ils donnent chair à la langue claire d’Emmanuèle Bernheim (1955-2017), romancière, essayiste et scénariste. Une visite fébrile dans la culture populaire des années quatre-vingt.
Cette première création de Fabien Gorgeart, présentée au Cent Quatre l’an passé, est livrée comme un combat. Et Pascal Sangla invente un décor sonore, livrant « la réplique à un rythme précis, tel un uppercut en pleine mâchoire ». L’occasion de revisiter, pour un public intrigué, l’histoire de Sylvester Stallone, cette icône populaire internationale, . Acteur, scénariste et cinéaste américain né à New York en 1946, il a eu une enfance difficile et instable. Renvoyé de quatorze écoles en onze ans, il réussit néanmoins ses études grâce à une bourse que ses capacités d’athlète lui ont permis d’obtenir. Après des petits boulots alimentaires, il entreprendra une carrière d’acteur mais avec des rôles décevants.
Comme il a besoin d’argent, il écrit en trois jours les grandes lignes d’un scénario adapté à sa personne, Rocky. L’histoire d’un boxeur pauvre qui réussit à devenir une vedette malgré tous les obstacles. Cette adaptation par John Avildsen en 1976 où Sylvester Stallone incarne le rôle principal, aura un grand succès commercial et récoltera trois Oscars. Depuis vedette confirmée, il s’est spécialisé dans des personnages très physiques mais peut aussi assurer des compositions plus difficiles et nuancées, comme celle d’un syndicaliste corrompu dans F.I.S.T. de N. Jewison (1978) dont il est aussi le co-scénariste. La même année, il écrit et réalise un film étrange, aux personnages attachants et au baroquisme séduisant: La Taverne de l’enfer. Et il sera dirigé par John Huston en 1981 dans A nous la victoire.
Mais progressivement Stallone devient répétitif et caricatural dans le jeu et le choix de ses personnages. Co-scénariste, voire réalisateur, il se cantonne dans un rôle fabriqué sur mesure et auquel il semble s’identifier: le redresseur de torts idéologique investi d’une mission, lutter contre le communisme et les forces du Mal. Ancien combattant du Viêt Nam qui fait sa propre justice dans la série Rambo, il triomphe surtout par sa force physique. Malgré un succès commercial dans le monde entier, la morale primaire et le manichéisme sur lesquels Stallone s’appuie, son jeu sans nuances de champion d’un reaganisme exacerbé, posent le difficile problème de son renouvellement.
Il suit les traces de son rival Arnold Schwarzenegger dans l’auto-parodie mais n’a pas résolu la question. La médiocrité et le caractère emprunté de l’acteur peu à l’aise dans la comédie, comme dans L’Embrouille est dans le sac de J. Landis (1991) ou d’Arrête ou ma mère va tirer de Roger Spottiswoode la même année, aboutiront fatalement à des échecs commerciaux. Stallone devra revenir dans Cliffhanger de Renny Harlin (1993) aux vieilles recettes d’une œuvre à l’action monolithique pour que le succès soit à nouveau au rendez-vous. Après avoir été la vedette de Daylight de Rob Cohen (1996), un film-catastrophe presque anachronique, il fait une surprenante composition de flic sonné, vieillissant et ventripotent, dans Cop Land de James Mangold (1997).*
Lise, l’héroïne de ce spectacle, voit au cinéma Rocky 3, de et avec Sylvester Stallone: un champion du monde de boxe qui se laisse aller, perd son titre mais qui, en se ressaisissant, le regagne. Dans ses hauts et bas, la femme libre et forte, marche dans les pas du héros, encaisse les coups, «vole dans les cordes et apprend, en dépit de tout, à tenir sa garde ». L’admiratrice de Stallone ira voir en cachette tous ses films : un geste privé qu’elle n’avoue pas aux siens. Lise piétine sur le plateau en jouant de ses pieds bondissants comme de claquettes, à un rythme sonorisé. Une transposition de la gestuelle des bras et mains propre à la boxe…
La secrétaire médicale met fin à une activité professionnelle inappropriée, pour réamorcer ses études de médecine abandonnées, un projet que ses parents dénigrent. Elle coupe tout lien avec eux puis fait de la boxe et arrête ce sport dont tous se moquent quand il s’agit d’une femme. Quand elle a vu ce film limpide, sincère et efficace, Lise prend conscience de la médiocrité de sa vie et, tout comme Rocky, essaye de se ressaisir. Elle prend un studio plus modeste puis emménage chez un ami -son époux et père de ses enfants- qui est médecin. Elle pense devoir cette nouvelle vie à Stallone et veut s’acquitter de cette dette envers lui : le film et le personnage ont fait écho à ce qu’elle voulait entendre… Le déclic qui modifie une existence.
Un récit elliptique à la troisième personne sur quatorze ans, rythmé par l’existence de Lise à travers les films de Stallone, de Rocky 3 à Cap Land, une filmographie qui articule le drame. Un spectacle ludique avec des comédiens facétieux et libres, au jeu décalé qui emportent la victoire.
Véronique Hotte
Représentation professionnelle vue le 5 février au Cent Quatre, 5 rue Curial, Paris (XIX ème).
Festival Les Singulier.e.s, du 29 janvier au 13 février, au Cent Quatre à Paris. *Dictionnaire du Cinéma de Jean-Louis Passek, éditions Larousse.
Sous réserve, du 23 février au 6 mars, Théâtre National Bordeaux Aquitaine(Gironde). Du 9 au 11 mars : La Passerelle-Scène nationale de Saint-Brieuc (Côtes d’Armor).
Du 15 au 16 mars, La Soufflerie-Scène conventionnée de Rez (Loire-Atlantique). Du 17 au 18 mars, Le Grand R-Scène Nationale de La Roche-sur-Yon (Vendée). Le 23 mars : Théâtre Charcot, Marcq-en-Barœul (Nord). Du 24 au 26 mars, La Rose des Vents-Scène Nationale Lille-Métropole, Villeneuve-d’Ascq avec la Salle Allende, Mons-en-Barœul (Nord). Le 30 mars, MA Scène Nationale, Montbéliard (Doubs).
Du 1er au 2 avril, Points Communs – Nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise avec le Centre culturel L’Imprévu, Saint-Ouen-l’Aumône (Val d’Oise). Du 7 au 8 avril, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène Nationale (Yvelines).
Le 9 avril, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). Du 13 au 15 avril : L’Étincelle-Théâtre de la Ville de Rouen (Seine-Maritime). Du 26 au 28 avril, Théâtre Auditorium de Poitiers-Scène Nationale (Vienne). Le 29 avril, L’Avant-Scène, Cognac (Charente).
Le 11 mai : Le Champ de Foire, Saint-André-de-Cubzac (Gironde). Du 18 au 19 mai : Scène Nationale du Sud Aquitain, Bayonne-Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). Du 26 au 28 mai, Comédie de Reims (Marne).
Du 2 au 12 juin, Les Célestins-Théâtre de Lyon (Rhône).