Un furieux Désir de bonheur de Catherine Verlaguet, mise en scène d’Olivier Letellier,
Un furieux Désir de bonheur de Catherine Verlaguet, mise en scène d’Olivier Letellier, chorégraphie de Sylvère Lamotte
Le théâtre des Abbesses à Paris est en effervescence…Nous sommes quelques privilégiés à suivre cette représentation dans la salle mais plus de sept mille enfants (élèves de quatre cents écoles, jeunes de centres de loisir ou malades à l’hôpital) vont voir cette pièce diffusée en direct. Emmanuel Demarcy-Motta et ses collaborateurs estiment remplir leur mission de service public, en s’adressant à ces spectateurs. Pour certains, Un furieux Désir de bonheur sera leur première rencontre avec le théâtre. En espérant une réouverture dès l’été, le directeur du Théâtre de la Ville s’engage aussi, dans la mesure du possible, à offrir une programmation en juillet et août et souhaiterait que tous les lieux culturels subventionnés fassent de même.
Pour l’heure, c’est une histoire pour le moins optimiste qui va se dérouler sous nos yeux. Léonie fête son anniversaire entourée de sa famille… La pièce commence par l’image d’une petite bonne femme traînant un lustre lourd de ses soixante dix-bougies. Mais la mamie s’ennuie … Attendre la mort quand on est passé à côté de sa vie, pas question : elle décide de sortir de sa prison domestique… « Il n’y a pas d’âge pour commencer à vivre, explique Catherine Verlaguet. Et si le bonheur de Léonie faisait des vagues? » Un vent de libération souffle ici, contagieux. Suivant son exemple et avec ses encouragements, tous vont oser suivre leurs désirs.
La petite-fille de Léonie abandonne la comptabilité pour peindre et dessiner, son ami d’enfance entame une histoire d’amour avec une jeune migrante, qui elle, s’intégrera à son pays d’asile en rejoignant l’équipe de basket du collège … Et, par effet boule de neige, la fille de Léonie, la plus rigide et réfractaire, lâchera enfin prise… Sur la route de chacun, les obstacles ne manquent pas mais tout finit dans la liesse générale.
Attaché à défendre un théâtre de texte s’adressant au jeune public, Olivier Letellier, en bon disciple de Jacques Lecoq, privilégie aussi le travail du corps. Comme dans ses dernières créations : Oh Boy ! ( Molière du Spectacle Jeune Public 2010) et Venavi de Rodrigue Norman, adapté par Catherine Verlaguet ((voir Le Théâtre du Blog), il choisit ici la sobriété. Sur le plateau nu, quelques effets de costumes et de lumières prennent alors toute leur valeur d’image.
Sept comédiens, à la fois danseurs et acrobates, développent un travail choral pour cette mélodie du bonheur. Les mouvements s’enchaînent harmonieusement, soutenus par la musique de Mickael Plunian. S’esquissent des pas de deux pour les échanges dialogués et le chœur accompagne discrètement des adresses au public monologuées. Les interprètes passent sans accroc du texte aux figures dansées et acrobatiques. « Pour l’artiste contemporain que je suis, dit Sylvère Lamotte, l’écriture chorégraphique s’est toujours tramée à distance des mots. Grâce à cette invitation, je vais pouvoir expérimenter un chemin inverse, c’est-à-dire partir des corps pour aller jusqu’à nommer ce qui s’impose dans le ressenti et demande s’exposer devant l’autre. »
Cette belle proposition scénique, malgré son optimisme un peu convenu et quelques clichés, nous emmène dans un mouvement perpétuel et généreux vers une douce utopie. Appréciable par les temps qui courent.
Mireille Davidovici
Représentation pour les professionnels vue le 26 février, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème).