Je me suis assise et j’ai gobé le temps, texte et mise en scène de Laurent Cazenave

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© Jean-Louis Fernandez

Je me suis assise et j’ai gobé le temps, texte et mise en scène de Laurent Cazenave

 Un jeune couple, leur petite fille et son grand-père à un déjeuner dominical. Des jouets, pêle-mêle sur le plateau, révèlent l’omniprésence de l’enfant. Sous la table, un corps en position fœtale émerge: «J’ai huit mois, j’ai la vie devant moi. » Invisible pour ses parents qui manipulent une poupée à son image, la porte-parole du nourrisson assistera à cette comédie familiale, commentant avec humour les faits et gestes de ses aînés.

 » Mon arrivée a tout chamboulé », dit l’enfant-roi au centre de toutes les attentions. Selon les méthodes actuelles, les femmes sont sommées d’allaiter à la demande le nouveau- né pour ne pas le laisser pleurer et il va dicter sa loi: «Mon ventre ordonne de manger, c’est pour ça que je pleure», s’excuse la fillette qui, plus tard, expliquera comment fonctionne son cerveau immature avec une « mémoire implicite » et comment aura lieu son développement…

Laurent Cazenave avec sa compagnie La Passée, créée en 2011, aime explorer l’intimité des êtres, écrire sur les choses de la vie dont les médias ne parlent pas. Tous les enfants veulent faire comme les grands traitait avec délicatesse de la rencontre amoureuse (voir Le Théâtre du Blog). Aujourd’hui, intrigué par les pratiques des nouveaux parents, il a mené une véritable enquête pour construire ce spectacle. «J’en ai rencontré de milieux et d’âge différent mais aussi des pédiatres et pédopsychiatres pour connaître les nouvelles recommandations et l’évolution du bébé.»

Dans le cadre dramaturgique connu et toujours efficace du repas, il décrit au scalpel les bouleversements produits par l’arrivée d’un corps étranger au sein de la famille… Il s’attache à transcrire le vécu des personnages, à leur faire dire ce qu’on ne dit jamais, avec des monologues intérieurs enlacés dans la conversation banale d’un dimanche comme les autres. Il donne aussi la parole au bébé, « celui qui ne parle pas » du  latin : infans, en essayant de traduire son ressenti de huit mois. C’est l’âge critique où l’enfant commence à se percevoir comme une personne distincte de ses parents et à éprouver la fameuse «angoisse du huitième mois ».

Grâce à un effet de loupe à l’échelle de trois générations et loin des poncifs habituels,  l’auteur fouille les sensibilités et s’attarde particulièrement sur les rapports entre l’aïeul qui marche vers la mort et celle qui entre dans la vie. La minutie de l’écriture s’accorde avec une direction d’acteurs ciselée où le travail corporel accompagne subtilement les non-dits. 

Laurent Cazenave, à côté de cette version scénique traditionnelle, a conçu une forme performative  pour des lycées hôteliers. Apprentis cuisiniers et serveurs interviendront pendant le déjeuner offert au public assis en cercle autour des comédiens. Tous goûteront ensemble aux odeurs et saveurs. La compagnie La Passée a déjà fait plusieurs résidences dans ces établissements pour parler avec les élèves, établir avec eux le menu et créer une chorégraphie du service. Il y aura, en préambule de cette version, des saynètes imaginées et jouées par ces jeunes gens, à  propos de leur métier. Pour le metteur en scène, « C’est la même histoire présentée sous des angles différents. Nous partagerons la vie des personnages à un instant donné dans une famille donnée ». Après cette création prometteuse, nous avons hâte d’assister à ce déjeuner…

Mireille Davidovici

Représentation pour les professionnels vue le 4 mars au Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème). T. 01 45 45 49 77.

Les 9, 15 et 22 mars,  lycée hôtelier Guillaume Tirel, Paris (XIV ème).
En avril-mai, lycée hôtelier de Dinard (Ille-et-Vilaine).

 

 

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