Cabaret de curiosités 2021, au Phénix de Valenciennes
Cabaret de curiosités 2021, au Phénix de Valenciennes
Ce festival consacré à la création contemporaine -une des manifestions-phares de la Scène Nationale- réunit des artistes émergents de toutes les disciplines. Cet immense paquebot rouge inauguré en 1998, est dirigé depuis 2009 par Romaric Daurier rejoint depuis deux ans par Camille Barnaud. Très ancrée dans les territoires du Nord, Le Phénix décentralise les spectacles de ce cabaret en plusieurs lieux dont Le Manège à Maubeuge et l’Espace Pasolini à Valenciennes. Cette année, la programmation est placée sous le signe de la Véhémence : «Le monde d’après se dessine déjà comme une ère vertigineuse de la véhémence, où l’art serait là pour dire ce qui est, au risque de déplaire et pour allumer des contre-feux face aux mises en scène outrancières de la sphère publique… »
Ce Cabaret de curiosités reflète la diversité des propositions de la jeune scène contemporaine, pour partie accueillie au Campus Amiens-Valenciennes. Car le Phénix et la Maison de la Culture d’Amiens, désignés Pôles européens de création par le ministère de la Culture, se sont associés pour créer en 2018 un projet commun : accompagner ainsi les artistes de la région Hauts-de-France à l’échelle nationale et internationale, et inviter aussi des équipes étrangères. Cette année, le Cabaret présente douze propositions de différents formats, dont Jamais je ne vieillirai de Jeanne Lazar (voir Le Théâtre du Blog). En une journée, nous avons pu voir trois équipes.
Just Desire, de Soren Evinson
Dans une performance très physique, l’artiste catalan s’en prend à la société de consommation. Tel un pantin désarticulé, il s’agite dans un vide sidéral sous des éclairages spectraux, à la recherche d’un sens… Solitude d’une vie où on veut s’emparer de tout et n’importe quoi : vêtements rutilants qu’il décroche de patères, chaussures voyantes, voiture ou téléphone dernier cri… En espagnol et en anglais, Soren Evinson éructe un texte laconique et répétitif sur une musique atone. Le corps devient lui-même objet de son propre désir dans une sorte de transe narcissique. Le travail minutieux de la lumière et du son a une dimension cauchemardesque mais ce délire onaniste peine à convaincre…
L’Enterrement de David B, conception d’Anne Lepla et Guick Yansen
La compagnie 2 L a présenté un bref aperçu de sa création avec deux musiciens et un acteur. Sur un écran, l’éloge funèbre de David B. mort dans des circonstances dramatiques. Surnommé la Jardinière, cet avocat célèbre qui vivait la nuit sous les traits d’une femme, a été poussé sous un métro par sa petite amie transsexuelle. L’Enterrement de David B est issu d’un fait divers mais ne s’apparente pas au théâtre documentaire. Félix Jousserand, poète et slameur a écrit le texte de cette performance alliant texte et musique. Un aperçu prometteur mais nous n’avons vu que trente minutes de ce projet.
Feu de tout bois conception d’Antoine Defoort
Une forêt : arbres, buissons et tapis de feuilles mortes. Une «médiatrice fictionnelle» donne quelques clefs dramaturgiques. Les Pokemon, démons minuscules issus des mangas japonais, ont servi de référence. Tapis dans les recoins, ils donnent à qui les possède, des pouvoirs surnaturels. Il y a aussi les lunettes magiques qui détectent les extra-terrestres dans le film-culte de John Carpenter Invasion Los Angeles (1988).
Chaque performance de l’Amicale, plateforme coopérative de production, relève du loufoque comme dernièrement Amis il faut faire une pause et La Sexualité des orchidées (voir le Théâtre du blog). Ici la fantaisie est une fois de plus à l’œuvre. Dans la forêt, deux amis se retrouvent et se racontent leurs aventures respectives: l’un a hiberné dans un caisson rempli de liquide amniotique pendant deux ans et reprend difficilement pied dans le monde réel. L’autre s’est lancé en politique, avec la Plateforme Contexte et Modalité (PCM) qui explore les ressorts de la communication médiatique, au service d’une campagne électorale.
Antoine Defoort et son équipe se moquent à la fois des Bisounours qui, fuyant le modernisme, vont embrasser les arbres et des communicants de tout poil : Feu de tout bois, fustige gentiment la sphère politico-médiatique où la communication a pris le relais du débat démocratique. Avec quelques tours de «magie paradoxale» effectués à l’aide de « mnémo-projecteurs», les idées conflictuelles prennent corps sous forme de “logomorphes“ incongrus et s’affrontent, comme autant de Pokemons disséminés dans la nature…
Une parodie truffée d’idées et d’images réjouissantes qui pétille d’intelligence mais après un démarrage prometteur se perd dans les fourrés. Nul doute qu’après cette première représentation, elle trouvera sa vitesse de croisière.
Mireille Davidovici
Représentation pour les professionnels vue le 10 mars au Phénix-Scène Nationale, boulevard Harpignies, Valenciennes (Nord). T. : 03 27 32 32 32.
Feu de tout bois : le 10 avril, Le Vivat, Armentières (Nord). Les 27 et 28 avril, Chambéry (Savoie).
Du 24 mai au 13 juin, Carrefour du Théâtre (Québec). Les 18 et 19 juin, Théâtre national de Lisbonne (Portugal).
Et du 7 au 13 septembre, festival La Bâtie, Genève (Suisse).