Encore à propos de Walter Ruttmann

 

A propos de Walter Ruttmann…  

Wochenende (Week-end)  de Walter Ruttmann

images-1Ce film sans images (et donc sans caméra) fut réalisé en 1930 par le créateur du cinéma non-figuratif. Un an avant, il se plaignait de l’accueil réservé à son film muet Mélodie du monde et comme Charles Chaplin ou René Clair, il ne semblait pas vraiment comprendre l’engouement du public pour ce nouveau joujou qu’était le cinéma parlant : «Quelle belle affaire en effet, que de voir un être humain remuer les lèvres, d’entendre des paroles qui (on le constate avec un plaisir enfantin) sont absolument synchrones! » déclarait-il au journal Pour vous du 12 décembre 1929.

Mais aucune allusion à son œuvre sonore Wochenende… Ce qui autorise certains historiens du cinéma comme Jean Mitry à le situer en 1929  mais le programme de 1993 du Cinéma retrouvé de Bologne parle de 1928. Sans doute par provocation, en tout cas en réaction à l’usage redondant du son dans le «parlant » -mais cela a-t-il évolué depuis ?- il appelle: film ce qui s’apparente en fait à une pièce radiophonique, voire à une œuvre électro-acoustique d’esprit futuriste  -bruitist- de Hoerspiel (jeu acoustique).

Week-end fut présenté au deuxième congrès du cinéma indépendant de Bruxelles en 1930. Jean Lenauer le décrit avec pertinence dans le journal Pour vous du 24 juillet  de cette même année : « C’est un film parlant sans images. Oui, sans images, pas un disque de phonographe mais un enregistrement sur film monté selon l’esprit du cinéma et auquel, il ne manque que les images purement visuelles ; de même qu’on a fait du film muet, on peut aujourd’hui, pour ainsi dire, faire du film «aveugle».

Dans cet article, Walter Ruttmann explique très clairement sa conception du son au cinéma. Au lieu de l’utiliser comme élément «décoratif destiné à souligner l’image», il souhaite produire «des choses différentes de l’image» et précise qu’il y a «une perspective des sons, comme il existe une perspective des lignes et l’on obtient, suivant que l’objet s’approche ou s’éloigne du microphone, une gamme infiniment variée de valeurs sonores ».

Une recherche somme toute assez naïve de nuances sonores cueillies sur le vif avec des moyens techniques rudimentaires mais étonnamment précis et à leur juxtaposition à l’état de bribes (de signes d’une époque)…. En suivant une trame narrative assez cocasse -surréaliste- nous assistons à chaque fois que nous écoutons (ou regardons) ce film.

 Nicolas Villodre

 https://www.youtube.com/watch?v=SfGdlajO2EQ

Transcription de la bande par Nicole Gabriel 

Gongs, tambours, scie, enclume, cloches, craquement, machines, train, voiture qui démarre, violon, piano.

-Allo, Mademoiselle.

Sonnerie.

-S’il vous plaît. Quarante-quatre, quatre, zéro.

-Le roi des aulnes (une fillette).

Moteur, sifflet, caisse enregistreuse, foule.

-Je m’interdis cela.

-S’il vous plaît.

-Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent (la fillette).

Caisse enregistreuse.

-C’est le père avec son enfant.

Scie, machine à écrire.

-Mademoiselle, vous m’avez mis en relation avec un mauvais numéro.

Sifflet.

-Döner, quarante-deux, quatre, zéro.

-Quatre fois quatre font… (une fillette).

-Troisième étage : jouets, chaussures, alimentation.

Machine à écrire.

-Ecoutez-moi donc.

-Aussi instamment que poliment.

-Allo, Mademoiselle.

-Mon fils.

Scie, piano, vocalises, violon.

-Mais, Mademoiselle.

-Mon fils, c’est…

-Ce soir, nous allons…

Enclume frappée.

-Collègue de Kleidt.

Enclume.

-Dieu merci.

Caisse enregistreuse, coups sourds, scie…

-Allo.

-Regarde.

Coups sourds.

-Mon père.

-Attention.

Coups qui s’accélèrent.

-Allo.

-Père.

Coups.

-Attention.

Rafale de coups, scie électrique, puis calme.

-Neuf cents.

Clocher sonnant l’heure, coucou d’une horloge, sirène, avion, homme sifflotant, moteur.

-Nous allons nous dépêcher.

-Bon appétit.

-Fais-le donc.

-Oui pourtant.

Moteur, bruit de pas, portes, cloches, sifflement.

-Bonjour.

Klaxons, rires, chanson : «La Randonnée, c’est la joie du marcheur ». Coq, poules, chanson, moteur, cloches, chœur interprétant l’hymne allemand en sourdine, tourterelle, chanson sur la randonnée, coq, fillettes (…) tourterelle, homme, rires, cris d’animaux  de basse-cour, chanson, marche (…) voiture, fanfare lointaine re rapprochant (…) miaulements, accordéon, chanson, bouteille qu’on débouche, aboiements, rires, chanson, cloches de bétail, horloge, sonneries de réveil, sirènes, voiture, bâillements, caisse enregistreuse, véhicules, machine à écrire, moteur, soupir.

-Aussi, s’il vous plaît…(chiffres), machine à écrire.

-Zéro (?)

 


Archive pour 24 avril, 2021

Encore à propos de Walter Ruttmann

 

A propos de Walter Ruttmann…  

Wochenende (Week-end)  de Walter Ruttmann

images-1Ce film sans images (et donc sans caméra) fut réalisé en 1930 par le créateur du cinéma non-figuratif. Un an avant, il se plaignait de l’accueil réservé à son film muet Mélodie du monde et comme Charles Chaplin ou René Clair, il ne semblait pas vraiment comprendre l’engouement du public pour ce nouveau joujou qu’était le cinéma parlant : «Quelle belle affaire en effet, que de voir un être humain remuer les lèvres, d’entendre des paroles qui (on le constate avec un plaisir enfantin) sont absolument synchrones! » déclarait-il au journal Pour vous du 12 décembre 1929.

Mais aucune allusion à son œuvre sonore Wochenende… Ce qui autorise certains historiens du cinéma comme Jean Mitry à le situer en 1929  mais le programme de 1993 du Cinéma retrouvé de Bologne parle de 1928. Sans doute par provocation, en tout cas en réaction à l’usage redondant du son dans le «parlant » -mais cela a-t-il évolué depuis ?- il appelle: film ce qui s’apparente en fait à une pièce radiophonique, voire à une œuvre électro-acoustique d’esprit futuriste  -bruitist- de Hoerspiel (jeu acoustique).

Week-end fut présenté au deuxième congrès du cinéma indépendant de Bruxelles en 1930. Jean Lenauer le décrit avec pertinence dans le journal Pour vous du 24 juillet  de cette même année : « C’est un film parlant sans images. Oui, sans images, pas un disque de phonographe mais un enregistrement sur film monté selon l’esprit du cinéma et auquel, il ne manque que les images purement visuelles ; de même qu’on a fait du film muet, on peut aujourd’hui, pour ainsi dire, faire du film «aveugle».

Dans cet article, Walter Ruttmann explique très clairement sa conception du son au cinéma. Au lieu de l’utiliser comme élément «décoratif destiné à souligner l’image», il souhaite produire «des choses différentes de l’image» et précise qu’il y a «une perspective des sons, comme il existe une perspective des lignes et l’on obtient, suivant que l’objet s’approche ou s’éloigne du microphone, une gamme infiniment variée de valeurs sonores ».

Une recherche somme toute assez naïve de nuances sonores cueillies sur le vif avec des moyens techniques rudimentaires mais étonnamment précis et à leur juxtaposition à l’état de bribes (de signes d’une époque)…. En suivant une trame narrative assez cocasse -surréaliste- nous assistons à chaque fois que nous écoutons (ou regardons) ce film.

 Nicolas Villodre

 https://www.youtube.com/watch?v=SfGdlajO2EQ

Transcription de la bande par Nicole Gabriel 

Gongs, tambours, scie, enclume, cloches, craquement, machines, train, voiture qui démarre, violon, piano.

-Allo, Mademoiselle.

Sonnerie.

-S’il vous plaît. Quarante-quatre, quatre, zéro.

-Le roi des aulnes (une fillette).

Moteur, sifflet, caisse enregistreuse, foule.

-Je m’interdis cela.

-S’il vous plaît.

-Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent (la fillette).

Caisse enregistreuse.

-C’est le père avec son enfant.

Scie, machine à écrire.

-Mademoiselle, vous m’avez mis en relation avec un mauvais numéro.

Sifflet.

-Döner, quarante-deux, quatre, zéro.

-Quatre fois quatre font… (une fillette).

-Troisième étage : jouets, chaussures, alimentation.

Machine à écrire.

-Ecoutez-moi donc.

-Aussi instamment que poliment.

-Allo, Mademoiselle.

-Mon fils.

Scie, piano, vocalises, violon.

-Mais, Mademoiselle.

-Mon fils, c’est…

-Ce soir, nous allons…

Enclume frappée.

-Collègue de Kleidt.

Enclume.

-Dieu merci.

Caisse enregistreuse, coups sourds, scie…

-Allo.

-Regarde.

Coups sourds.

-Mon père.

-Attention.

Coups qui s’accélèrent.

-Allo.

-Père.

Coups.

-Attention.

Rafale de coups, scie électrique, puis calme.

-Neuf cents.

Clocher sonnant l’heure, coucou d’une horloge, sirène, avion, homme sifflotant, moteur.

-Nous allons nous dépêcher.

-Bon appétit.

-Fais-le donc.

-Oui pourtant.

Moteur, bruit de pas, portes, cloches, sifflement.

-Bonjour.

Klaxons, rires, chanson : «La Randonnée, c’est la joie du marcheur ». Coq, poules, chanson, moteur, cloches, chœur interprétant l’hymne allemand en sourdine, tourterelle, chanson sur la randonnée, coq, fillettes (…) tourterelle, homme, rires, cris d’animaux  de basse-cour, chanson, marche (…) voiture, fanfare lointaine re rapprochant (…) miaulements, accordéon, chanson, bouteille qu’on débouche, aboiements, rires, chanson, cloches de bétail, horloge, sonneries de réveil, sirènes, voiture, bâillements, caisse enregistreuse, véhicules, machine à écrire, moteur, soupir.

-Aussi, s’il vous plaît…(chiffres), machine à écrire.

-Zéro (?)

 

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