54 X 13 de Jean-Bernard Pouy, mise en scène de Guillaume Lecamus

54 X 13 de Jean-Bernard Pouy, mise en scène de Guillaume Lecamus

© A. Pouy

© A. Pouy

Une histoire de braquet, comme chacun sait… et donc de rapport qu’utilise un coureur cycliste sur terrain plat. Plateau: 54 et pignon: 13 : il parcourt un peu moins de neuf mètres à chaque tour de pédale. Simple calcul. Mais celui qui s’extrait du peloton, qui s’échappe, ne calcule plus. Dans la douleur de plus en plus mordante, dopé à l’exaltation et aveuglé par l’effort, il avance, il devance,  désobéit aux consignes de course mais presque sur le fil, sur la ligne d’arrivée se fait manger par celui qui devait gagner l’étape.

Tous ceux qui ont suivi le Tour de France ou toute autre grande course populaire, le savent : ces héros de l’échappée sont sacrifiés, mais quelle épopée ! Jean-Bernard Pouy connaît bien cette gloire fatale. Il rejoint Antoine Blondin (Le Tour de France), Roger Vailland (325.000 francs), Paul Fournel (Les Athlètes dans leur tête) dans un hommage littéraire aux éternels martyrs de la petite reine.

Le défi : en faire un spectacle de théâtre d’objets ou marionnettes. Deux petites tables, l’une, côté jardin : celle du metteur en scène pour son acteur, manipulateur des sons, images et lumière. L’autre, au centre, le support de la course  avec une figurine immobile de coureur cycliste en plein élan. Avec lui, le manipulant ou non, Samuel Beck qui  lui donne vie et mouvement, souffle et puissance.  Il le fait avec l’engagement physique, l’endurance de ce sportif et insuffle au récit une  énergie constante. A un rythme parfait, haletant, il nous emmène dans la tragédie : on sait que la gloire du coureur échappé, si dure, si longue à gagner,  va tourner court : il va perdre,  sera deuxième, « le pire classement », autant dire rien. Mais nous l’aurons suivi dans son moment d’immortalité.

54 X 13 a déjà été joué en public mais le spectacle marque aussi l’inauguration des noces du sport et de la marionnette. Et Guillaume Lecamus prépare 2h 32 de  Gwendoline Soublin sur la marathonienne Zenash Gezmu, morte assassinée en 2017. Il était une fois une jeune femme de ménage venue d’Ethiopie et qui s’entraînait seule à ses moments de loisir, avant d’être repérée par un club. Elle avait trouvé dans son corps fin et délicat les ressources d’une puissance et d’une endurance exceptionnelles qui l’ont menée aux premières places. C’est le vrai thème de la pièce, qui va de l’épopée à la tragédie, puisqu’un féminicide a interrompu sa course.

Beau projet. Tous ne seront pas si graves, des Jeux Olympiques de Tokyo qui n’auront peut-être pas lieu, ou pas comme prévu, à ceux de Paris, en 2024. Glorieuse incertitude du sport, en pleine incertitude de la Culture… Et les spectacles resteront-ils longtemps virtuels ? En attendant, les artistes s’entraînent et  s’échauffent.

Christine Friedel

Spectacle vu au Mouffetard-Théâtre de la marionnette, rue Mouffetard , Paris (V ème). Reprise en mars 2022.

 

 

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...