Adieu Hermine Karagheuz
Adieu Hermine Karagheuz
Née à Paris en 1940, cette actrice, écrivaine et photographe française d’origine arménienne est partie en douce. Plus qu’une artiste, c’était la poésie même et l’enfance jusqu’au bout. Nous nous souvenons: drapée dans une cape, elle vendait ses dessins aux terrasses des cafés à Saint-Germain-des-Prés vers les années soixante-dix. Petite et frêle mais libre et exigeante comme l’air du temps, a elle avait l’âge de l’Arménie mais était d’une intraitable jeunesse.
Elle avait été la compagne du grand danseur Jean Babilée et du metteur en scène Roger Blin, le créateur d’En attendant Godot, le frère d’âme d’Antonin Artaud, Jean Genet et Samuel Beckett, au sommet du théâtre le plus troublant et le plus exigeant. Hermine Karagheuz était à cette hauteur. Patrice Chéreau l’avait choisie pour jouer en 1973 avec Laurence Bourdil, l’une des sauvageonnes, pour sa mise en scène-culte de La Dispute de Marivaux. Toujours un théâtre extrême, jusqu’à la cruauté.
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Nous ne déroulerons pas sa riche carrière au théâtre comme au cinéma…, notamment avec Jacques Rivette mais nous garderons d’elle le souvenir d’une femme qui ne changeait pas: elle repartait toujours du principe des choses, à neuf, en les prenant également à cœur. Le cœur signifiant ici le don de toutes ses forces, l’intelligence, l’appétit de tout embrasser, l’obstination à faire vivre les causes où elle s’engageait comme l’Arménie, la poésie dont plus récemment les œuvres de René Daumal et Lydie Dattas dont elle fit des lectures à la MC 93 de Bobigny. Elle avait ses amitiés absolues: Michèle Meunier, Antoine Mouton, Marcel Bozonnet… Ses grands yeux clairs nous regardent encore, avec toute leur exigence, leur confiance mais aussi leur malice et leur gravité.
Christine Friedel
Roger Blin, une dette d’amour d’Hermine Karagheuz, éditions Séguier-Archimbaud (2002). Nouvelle édition chez Ypsilon, avec une post-face de Valère Novarina. En librairie le 4 juin prochain.
A lire: l’article d’Anne Diatkine dans Libération du 6 mai. Et celui du Journal d’Armelle Héliot.