Colosse, projet de mise en scène d’Antoine Hespel, texte de Marion Stenton

Colosse, projet de mise en scène d’Antoine Hespel, texte de Marion Stenton

© J.L. Hernandez

© J.L. Hernandez

Ces jeunes acteurs qui ont vingt ans ou un peu plus, un peu moins, occupent depuis plusieurs mois le Théâtre National de Strasbourg. Ils écrivent tous les jours des textes révoltés, solidaires, poétiques. Non au confinement et au couvre-feu! Oui, au grand besoin d’air, de liberté, de flamme. Les élèves de l’École Supérieure d’Art Dramatique de Strasbourg ont la chance de travailler ensemble: jeu, mise en scène, création de costumes et de lumières, son, régie… Cette école a le mérite de leur mettre entre les mains tous les métiers nécessaires à une équipe de spectacle. Et plus encore: un Théâtre national avec ses outils, son histoire, ses légendes même: parlez avec Mathilde Waeber (groupe 47), assistante à la mise en scène, des personnages que vous avez connus. Pour elle Hubert Gignoux et Bernard-Marie Koltès sont les noms vénérés de salles de spectacle !

C’est dire la responsabilité pesant sur chaque groupe, dans le travail qu’il présente à un public de camarades et de quelques professionnels. Le groupe 46 relève le défi avec panache. Antoine Hespel a voulu se saisir de la ville, la sienne pour le moment : Strasbourg. Pour la faire entrer sur la scène, et inversement faire sortir le théâtre sur le parvis, au risque de la pluie et du bruit du tram. Il a demandé à Marion Stenton d’écrire un texte, à partir de leurs rêveries, enquêtes, questions, rencontres… Des paroles qu’ils ont recueillies, ils n’ont pas fait un simple «théâtre documentaire» mais ont créé un nouveau récit, élaboré, lyrique. Et ils ont été pris dans le vertige de leurs interrogations et travaillés par ce vortex.

Marion Stenton et Antoine Hespel

© x Marion Stenton et Antoine Hespel

Cela donne un spectacle passionnant dans une première partie. Nous suivons le récit multiple, «nous étions cinq», d’une étrange enquête. Quelqu’un a disparu, un magasin a été trouvé porte ouverte, cartons non défaits. Allons-nous accepter qu’une ville «colosse» absorbe et fasse disparaître ses habitants? Les cinq cherchent, tournent en rond, reviennent sur leurs traces. Ils trouvent dans l’appartement du disparu des lettres écrites à la main, avec leurs adresses, pas encore envoyées. Une série de nouvelles pistes? Les destinataires peuvent avoir disparu… Certaines lettres seront dites en grands monologues, d’autres incorporées au récit distribué entre les acteurs. C’est beau, ça vibre. Mais la circularité et la prolifération du texte finissent par le rendre obscur et répétitif. De boucle en boucle, nous nous perdons et abandonnons.

Beaucoup de belles fulgurances, pourtant et de thèmes puisés dans les quatre éléments : l’eau, très présente dans la bande-son, des images évoquant des noyés, la présence à l’avant-scène de magnifiques buses d’évacuation en terre cuite. Le feu, avec le thème récurrent de l’incendie. On capte une image vive de la guerre et de la violence policière avec l’évocation d’une main coupée… Une idée savoureuse : le metteur en scène s’est donné le rôle d’un policier essayant par tous les moyens de faire entrer la quête hors-norme des “cinq“ dans le cadre immuable de la procédure administrative… Et c’est plus qu’une idée: se développent alors dans l’imagination du spectateur d’autres références, faits récents ou lectures… On associe ce malentendu aux propos d’une avocate regrettant que la victime du féminicide récent à Mérignac (Gironde) n’ait pas porté plainte dans les formes donc qu’elle n’ait pas pu être protégée… Et nous sommes ramenés au texte par son énergie même.

Le spectacle est plein de ces éclairs et morceaux de vérité crue. Mais le texte est condamné à finir écrasé sous son propre poids. Qu’importe, il a une belle générosité  comme la mise en scène. Antoine Hespel a déjà assimilé, et fort bien, les techniques de la vidéo: il fait projeter des images de la ville soulevée par des vagues sur les comédiens en mouvement, créant ainsi un beau tremblement. Maîtrisé du premier coup et parfait, si cela ne devient pas un système.

Nous lui reprocherons une fois (pour toutes ?) de s’être laissé séduire par ces vibrations électroniques chères au metteur en scène Julien Gosselin, pénibles, voire dangereuses pour les spectateurs! Mais il saura dépasser le procédé et inventer ses propres machines à émotions… Nous comptons sur lui. Même remarque pour les bruits du cœur, un vieux truc de mise en scène, ici heureusement accordé (et désaccordé) aux musiques urbaines créées par Foucault de Malet.

Cette mise en scène est réussie parce que bien rythmée. Côté scénographie: on pourrait trouver agaçants ces modules de maisons, ces échelles qui glissent, se clipsent et se déclipsent en continu. Mais cette mobilité permanente répond exactement au propos et ne parasite jamais les récits eux-mêmes. Un vrai plaisir: voir une plate-forme se métamorphoser en boudoir grâce à la présence d’une comédienne en déshabillé rose, dentelles et froufrou. Soulignons aussi les costumes très soignés de Ninon Le Chevallier. Ils dessinent une situation, une figure mais aussi un espace. Un plaisir et une exigence souvent oubliés par les jeunes metteurs en scène.

Chaque comédien-narrateur est relayé par un autre selon un tempo exact et les séquences, articulées sur des bascules de lumières, s’enchaînent bien. (création et régie lumière de Jessica Maneveau). Isah, Oran, Rod, Leib , Yom «cinq habitants de la ville »  ne sont que ce qu’ils disent. Tout comme Marguerite, Gaby et son Mari, Rouge, Nadir et La Mère, portés par les mêmes interprètes (Quentin Ehret ou Sefa Yeboah (en alternance), Gulliver Hecq, Simon Jacquard, Aurore Lévy, Joséphine Linel-Delmas, Pauline Vallé et Antoine Hespel en policier. On nous dira qu’au théâtre, le «personnage» est ce qu’il dit. Ici direct et sans bavures. Une réussite! Le metteur en scène n’a pas demandé aux comédiens plus, mais absolument tout que ce qu’il peuvent donner. Justesse et énergie, qualité du travail ensemble, respect du spectateur: que demander de plus à Antoine Hespel, sinon retravailler le spectacle là où il se perd un peu dans les sables, pour rencontrer enfin un vrai public, nombreux, populaire, urbain ou non.

Christine Friedel

Spectacle présenté aux professionnels au Théâtre National de Strasbourg le 10 mai.

 

 


Archive pour mai, 2021

Livres et revues

Verite-BB Vérité B B de Pascal Louvrier

Pas vraiment une biographie, la célèbre actrice s’en est déjà chargée et pas trop mal. Ici, en quatre cent pages, l’auteur analyse le pourquoi et le comment de la réussite exemplaire de cette merveilleuse jeune fille de la rue de la Pompe, du chic XVIème arrondissement de Paris à une époque où les femmes n’avaient pas leur mot à dire. Dans une famille des plus grandes bourgeoises.Où le père, industriel voyait d’un très mauvais œil, les amours de sa fille avec Vava, son Roger Vadim, avec lequel elle faisait l’amour à seize ans…

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Indomptable, osant dire dans les années cinquante qu’elle changeait d’amant quand cela lui plaisait, haïe des mères de famille qui redoutaient son exemple pour leurs fille… Elle osait dire qu’elle n’avait pas souhaité avoir son bébé: pas prête et à vingt-cinq ans… «Ma vie était déjà si compliquée, dit-elle lucidement, s’il me fallait tout assumer seule avec une enfant par-dessus le marché, ce serait du joli. « Et elle évoque aussi le caractère violent de Jacques Charrier. Déjà du mitou avant la lettre… Malgré les injures violentes, les humiliations.

L’actrice avec un corps superbe formé par l’exercice de la danse qu’elle pratique dès l’enfance et avait eu très tôt une excellente gestuelle. Vite happée par le cinéma, elle ne jouera qu’une fois au théâtre, L’Invitation au château de Jean Anouilh mais surtout enchaînera une quarantaine de films parfois plusieurs en une seule année ! Pas toujours avec les meilleurs réalisateurs mais avec  Roger Vadim, Claude Autan-Lara, Henri-Georges Clouzot, Louis Malle, Jean-Luc Godard : Le Mépris avec Michel Piccoli et Masculin-Féminin), Claude Chabrol. Plus tard, en 1973 donc à trente-huit ans, après une quarantaine de films dont le fameux Et Dieu créa la femme, elle abandonnera -fait rarissime- sa carrière d’actrice mais aussi de chanteuse, sans doute consciente que le succès, avec l’âge, ne durerait pas toujours. Pour se consacrer à la cause de la protection des animaux avec des résultats tout à fait convaincants… Et là aussi déjà très en avance sur ce qui se passe maintenant.
Elle aura des amours multiples qu’elle revendiquera en femme libre, en assumant hautement ses choix et ses erreurs. Et elle savait s’entourer: entre autres: Roger Vadim, Samy Frey, Jean-Louis Trintignant, Serge Gainsbourg…

imagesElle se voulait libre et responsable de l’argent qu’elle gagnait, posait pour des photos érotiques, suscitait les convoitises et les jalousies et une véritable haine du clergé catholique qui ne supportait pas son insoumission de féministe favorable à l’avortement et l’abolition de la peine de mort. Et B.B. était la proie constante des paparazzi… Surtout après qu’elle ait acquis La Madrague, une petite maison au bord de la mer à Saint-Tropez, une maison mythique aux yeux de toute une génération qui aurait voulu avoir la même… Et où, par autorisation exceptionnelle, elle a obtenu d’être enterrée dans son jardin…

Et ce qui est tout à son honneur, elle résistera aux tentatives d’extorsion de fond provenant de l’O.A.S organisation politico-militaire pro-Algérie Française.. Et, même si cela paraît se dérouler au Moyen-Age, cela n’est pas si vieux et cette mafia ne plaisantait pas comme le rappelle l’auteur et posait des bombes là où elle le voulait sans aucun état d’âme.Elle ,de son côté n’hésitait pas à dire qu’elle ne marche pas, parce que je n’ai pas envie de vivre dans un pays nazi ». Protégée par deux gardes du corps qu’elle payera elle-même.

Ce récit fort bien documenté… Juste une erreur: Gustave Eiffel n’est pas l’inventeur du mythique porte-jarretelles cher à B.B.. mais Féréol Dedieu et l’auteur analyse avec précision l’évolution de la vie de l’actrice. Mais, seul bémol -et l’auteur reste trop discret là-dessus- on aurait aimé savoir comment l’actrice en est est arrivé à oser écrire que «la France est de nouveau envahie, avec la bénédiction de nos gouvernants successifs, par une surpopulation étrangère notamment musulmane, à laquelle nous faisons allégeance.» Et B.B., à la suite de des mots très durs, rappelle Pascal Louvrier, sera cinq fois condamnée pour incitation à la haine raciale… Alors qu’il rappelle que généreusement, elle a signé de nombreux chèques, notamment pour essayer de faire sortir du couloir de la mort Farley C. Matchet. Visiblement, l’auteur connait bien Brigitte Bardot qui a maintenant. On ne peut tout citer de ce récit sur sa vie qui se lit d’une traite avec de nombreux témoignages. Et l’auteur nous offre un regard exact et précieux sur une toute une société et sur un mode de vie aujourd’hui disparus. Et donc un bon éclairage sur la France actuelle et son évolution. On sent parfois une certaine nostalgie quand il évoque cet autre monde, celui des robes Vichy, descentes en 2 CV ou 4 L par la route nationale jusqu’au port de pêcheurs qu’était encore Saint-Tropez…

Brigitte Bardot- un nom qui ne dira sans doute bientôt plus grand chose aux générations qui viendront… Et pourtant quelle icône internationale aura-t-elle été…

 

Le balado de la revue Jeu

En partenariat avec le Fonds de recherche du Québec-Société et culture, la revue JEU propose un balado: Poétiques des territoires depuis hier jeudi 13 mai sur ses sites web et sur son diffuseur partenaire, La Fabrique culturelle. Décliné en huit épisodes d’une trentaine de minutes, ce baladoa été créé pour rendre visible le travail des artistes et des compagnies œuvrant en région. Une initiative de l’équipe de JEU et de la journaliste Paméla Dumont qui est aussi actrice-créatrice.. « Il y a, dit-elle, des artistes et compagnies qu’on aimerait entendre davantage nous raconter leur vision du monde et de la culture à partir de leur localité et qui compte bien d’autres caractéristiques, que d’être excentrée par rapport aux grands pôles urbains. » La rédactrice en chef adjointe de Jeu Sophie Pouliot qui est aussi, entre autres, chroniqueuse des arts de la scène pour le magazine Elle-Québec et la revue Lurelu assurera la direction éditoriale de ce balado.

Émis bimensuellement, il prend la forme d’un voyage à la rencontre d’artistes et d’organismes de création théâtrale qui pratiquent leur art en s’inspirant de leur territoire. Comme Le Petit Théâtre du Vieux Noranda, réputé pour ses explorations avec le numérique et les nouvelles technologies, Le Théâtre Témoin en Haute-Gaspésie qui puise dans les témoignages de la communauté et réinvente le conte théâtral, ou les tournées en cargo du Théâtre Espace K sur la côte Nord.

 

© céline

© céline Le Théâtre Témoin en Gaspésie

Poétiques des territoires donnera la parole à des artistes moins médiatisés. Des extraits du premier épisode ont été dévoilés lundi dernier sur les réseaux sociaux de JEU.

 

pameladumont@hotmail.fr

sophiepouliot.culture@gmail.com Brigitte Couture, directrice générale de JEU: adm@revuejeu.org

Philippe du Vignal

 

 

 

June Events 2021: La Chaleur, chorégraphie de Madeleine Fournier d’après l’œuvre de Henry Purcell

   June Events 2021: La Chaleur, chorégraphie de Madeleine Fournier d’après l’œuvre de Henry Purcell dans actualites margaux-vendassi_francois-segallou_parallele

© Margaux Vendassi_François Segallou_Parallèle

June Events 2021

La Chaleur, chorégraphie de Madeleine Fournier d’après l’œuvre de Henry Purcell

Ce festival fait chaque année place à l’innovation.. Avec une deuxième pièce, cette artiste, remarquée dès son premier solo, Labourer (2018), présenté entre autres, à l’Atelier de Paris, crée ici une pièce chorale partant «du désir de faire corps et chœur à plusieurs».

Cela débute comme une cérémonie funèbre: autour d’un corps porté, un chant s’élève. On reconnaît le phrasé baroque d’Henry Purcell (1659-1695) mais bientôt les mouvements se déploient, lents et précis… Madeleine Fournier, la première, entonne Music for a while, éloge de l’art qui soulage les tourments. Rejointe par Jonas Chéreau, Catherine Hershey, Corentin Le Flohic et Johann Nöhles pour une ode joyeuse à la musique: If Music, interprétée en chœur et avec une gestuelle dégingandée.

La chorégraphe puise dans le vaste registre du compositeur anglais, des harmonies exprimant la joie, l’amour et le plaisir de la musique comme If music be the food of love, Welcome to all the pleasures. On retrouve aussi des airs plus sombres, sur la fugacité de la vie comme Man that is born of a woman. Et il y a pour finir, un chant d’allégresse: Then lift up your voices (Alors, élevez-vous, voix!)…Et les artistes quittent la scène en sautillant, chassant ainsi l’image de leur entrée funèbre. «La chaleur, c’est à la fois la vie et la mort, dit Madeline Fournier. La chaleur humaine, la joie d’être ensemble, l’amour, la solidarité. Embrasser en même temps célébration et deuil, joie et mélancolie.»

Chaque morceau a une construction particulière réalisée à partir de l’écriture musicale proposant une grammaire du mouvement des corps et de la voix. De la phrase chantée, souvent lente et répétée chez Henry Purcell, naissent des gestuelles hiératiques. «La Chaleur est la première fois que j’ai l’occasion de mettre en scène un groupe, dit la chorégraphe. Ce qui me permet d’interroger ce que veut dire: être ensemble. Comment les corps des uns traversent et sont traversés par les corps des autres. »

Elle répond à ces questions en faisant circuler entre les interprètes des objets symboliques : un masque de théâtre, un bâton, une cruche et une couronne. Ces simples accessoires blancs qui font allusion à la scène antique, contrastent avec les short façon touriste sans apprêt des interprètes. Epure du chant et mouvements retenus contredisent des poses comiquement outrées. Et parfois de sourdes vibrations électroniques prennent le pas sur les harmonies baroques, participant de l’ironie.

D’une précision mécanique, cette pièce envisagée comme une sorte d’opéra cérémoniel célébrant le cycle de vie et de mort, constitue un geste artistique osé qui reste un objet expérimental. A la sortie, on projette un film Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, où les danseurs reprennent les chants, en circulant, tête en bas, comme pour un défilé rituel …

 Mireille Davidovici

Représentation pour les professionnels vue le 8 mai à l’Atelier de Paris, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes et navette gratuite. T. 01 417 417 07 · info@atelierdeparis.org

 La Chaleur, les 5 et 6 juin: Buda, Courtrai et les 19 et 20 juin : La Raffinerie, Bruxelles (Belgique).

 June Events continue du 19 mai au 5 juin : à suivre.

 

 

June Events 2021R-A-U-X-A, chorégraphie et interprétation d’Aina Alegre

 

June Events 2021

 Ce festival fête sa quinzième édition dans un contexte bien particulier. L’Atelier de Paris avait imaginé un programme réunissant près de trente chorégraphes, cent  interprètes et cinq lieux de diffusion. Suite à  la pandémie et aux dernières annonces gouvernementales, la première partie du 6 au 8 mai, a été ouverte aux seuls professionnels. Mais du 19 mai au 5 juin, le public pourra découvrir huit spectacles, au lieu des vingt-cinq prévus ! Avec une jauge limitée et un seul spectacle par soirée.

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© Jan Fedinger

R-A-U-X-A, chorégraphie et interprétation d’Aina Alegre

 Dans l’obscurité, sur un bruit de fond continu, chocs et martèlements de pas plus pressants et, ça et là, quelques flashs de lumière. Puis, le silence revenu, la danseuse apparaît, grande et svelte mais puissante. Elle frappe le sol des pieds, des coudes, des poings : des sons amplifiés par la musique électroacoustique modulaire jouée sur le plateau. Le compositeur Josep Tutusaus accompagne la danse en mêlant sons directs et enregistrés. «Nous désirons partir d’un vocabulaire commun et explorer une relation d’interdépendance entre le mouvement, le son produit par le corps et celui des machines,  dit la chorégraphe. »

L’espace vibre de pulsations et d’échos et nous propulse dans des paysages sonores sous les éclairages contrastés de Jan Fedinger. La danse s’inscrit dans un pentagone tracé au sol et imposant des limites à cette chorégraphie mouvante, fondée sur des gestuelles composites. S’y croisent des grammaires variées: répertoire contemporain, danses rituelles, hip-hop, en une série de mouvements répétitifs où le corps devient lui-même un instrument de percussion. Parfois sautillante, parfois rampant au sol comme un gros insecte, Aina Alegre, interprète hors pair, joue aussi avec les lumières, jusqu’à disparaître, à la fin du spectacle dans un brouillard jaune qui a envahi le plateau.

Depuis 2012, la danseuse, formée à Barcelone puis engagée en 2007 au Centre National de Danse Contemporaine d’Angers produit ses spectacles. Partant souvent de recherches sur des danses populaires liées au : « marteler frapper ».  Ici, elle observe comment le corps résonne avec le sol et l’espace. Dans cette belle performance physique et sensuelle, maintenue sous le boisseau depuis sa création en 2020, l’envie de danser encore et encore la conduit à quelques débordements bien pardonnables...

 

Mireille Davidovici

 

R-A-U-X-A. vu le 8 mai à l’Atelier de Paris Cartoucherie, Route du Champ de manoeuvre, Vincennes. Métro: Château de Vincennes et navette gratuite.  T. 01 417 417 07 · info@atelierdeparis.orgJune Events continue du 19 mai au 5 juin.

Et le 25 août, Les Brigittines, Bruxelles (Belgique). Le 28 septembre: Festival Artdanthé, Théâtre de Vanves (Hauts-de-Seine) et les 26 et 27 février 2022 : Mercat de les Flors, Barcelone (Espagne).

 

 

Entretien avec Lisa Menna

Entretien avec Lisa Menna

-Comment cela se passe pour une petite fille quand on passe son enfance au Texas?

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-J’ai grandi à Humble et pour mon cinquième anniversaire, j’ai assisté au spectacle d’un magicien nommé Steve Bender (alias Ickle Pickle). Puis j’ai reçu ma première boîte de magie pour Noël. J’ai commencé à onze ans sous le nom de Lisa Lollipop le clown, avec une prestation rémunérée 8 $. J’étais LA magicienne de la ville qu’on embauchait pour l’anniversaire des enfants. A cette époque, Il était illégal de travailler au Texas avant l’âge de quinze ans et je pensais que personne ne remarquerait mon âge, si j’étais maquillée en clown.

Après avoir donné six mille représentations, j’ai vu Charles Greene III se produire de près et je me suis alors sérieusement mise à la prestidigitation en prenant des cours avec lui. En 1982, avant d’entrer à l’Université, j’ai participé à un concours de close-up au Desert Magic Seminar à Las Vegas et j’ai eu la chance de jouer ma routine Pac-Mania (balles éponge) avec Muhammad Ali comme partenaire improvisé, qui était assis au premier rang. Dans la salle, il y avait Marlo, Vernon, Copperfield, Slydini, Blackstone, Siegfried & Roy !

À dix-huit ans, j’avais déjà fait deux mille représentations à l’échelle nationale et internationale! La magie m’a aidé à payer mes études et j’ai obtenu une licence en sciences et psychologie à la Southern Methodist University en 1986.

 -Comment avez-vous appris au juste?

-Charles Greene III a été mon premier professeur de magie. Avant lui, j’avais appris seule avec des livres de Bill Severin et Henry Hay empruntés à la bibliothèque municipale. Je ne connaissais pas d’autres magiciens lors de mes cinq premières années de représentation. Mais tout le monde m’a aidé, notamment Paul Gertner. Il n’y avait pas vraiment de femmes talentueuses en magie dans les années 80, à part June Horowitz, Diana Zimmerman et Tina Lenert. Ils étaient tous si gentils… jusqu’au moment où j’ai eu beaucoup de succès ! Certains se sont un peu énervés… mais jamais devant moi. Je me suis alors rendu compte que les magiciens n’étaient pas si sympas avec les autres. Il y a de la compétition et de la mesquinerie dans le milieu… Je n’avais jamais vécu cela.

J’ai essayé de m’inscrire au Tannen’s Magic Camp mais on m’a dit qu’ils n’accueillaient pas les filles et ma demande a été rejetée. Leur message n’était pas : « Pas de filles autorisées » mais plutôt : « Nous n’avons jamais eu de fille et nous n’avons pas les infrastructures adéquates.» J’ai conscience que j’ai eu beaucoup d’ opportunités parce qu’il n’y avait pas d’autre femme dans la corporation. Mais dans le monde réel, personne n’en avait idée. Le grand public n’avait vu que deux magiciens dans leur vie et c’étaient des hommes. J’ai fait des spectacles pour enfants pendant sept ans, sept ans comme magicienne de close-up et sept ans de stand-up pour des salons professionnels…

La magie fonctionne bien pour les entreprises, parce qu’elle est différente de la chanson, de la danse ou de la comédie. Son mystère fait ressortir le meilleur des gens. Elle a aussi le pouvoir de fédérer tout le monde dans  un groupe. En raison de sa curiosité, la magie attire l’attention et je m’en sers  pour alimenter ma démonstration avec un message sur l’entreprise pour laquelle je travaille. »

 J’ai aussi fait sept ans de magie de scène (3):j’ai beaucoup travaillé à l’international, dans quelque quarante pays: Japon, Colombie, Italie, Thaïlande, Espagne… en présentant mes spectacles en quatre langues. Maintenant, cela fait une décennie que je me suis engagée pour le changement social dans la rue. Je suis une militante de l’association Cause to Wonder4 où l’on donne des représentations théâtrales.

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Johnny Fox était mon mentor et son style m’a influencé… Ricky Jay m’a aussi conseillé quand j’ai voulu monter un spectacle théâtral. Il a dit que la chose qui a changé sa vie fut le jour où les gens ont acheté un billet pour venir le voir sur scène. « Si tu es à une fête et qu’il y a de la magie, c’est génial. Mais si tu achètes un billet, si tu prends une douche, te laves les cheveux et te prépares pour aller au théâtre, c’est beaucoup de temps et d’énergie pour aller passer un bon moment. C’est complètement différent. »

J’aime seulement la magie qui utilise du matériel original et qui ne fait pas des femmes, des accompagnatrices. Difficile de rester ludique à l’âge adulte. La plupart des gens oublient comment jouer. La curiosité mène à la découverte qui est à la base de toute créativité.

- Un conseil à des débutants?

-Si vous devez copier le style d’un autre, imitez plutôt une personne en dehors de la magie. Par exemple, faites semblant d’être lady Gaga quand vous trouverez votre style, au lieu de m’imiter. You Tube rend les choses si faciles à apprendre et les jeunes ont un temps d’avance. Mais c’est si triste quand un magicien affiche une vidéo avec le nom de l’effet et que le public sait comment la trouver sur Google ! Un conseil: ne jamais révéler le nom d’origine d’un effet. Par ailleurs, les gens aiment quand vous essayez de parler leur langue. Plus vous vous donnez du mal, plus on vous aime. La vulnérabilité gagne le public à chaque fois. Je fais du théâtre pour le changement social à travers l’O.N.G. Cause To Wonder. J’utilise la magie, entre autres, pour convaincre les garçons des tribus de ne pas battre leurs femmes.

Certains magiciens sont en désaccord avec la façon dont je présente mes tours à ce public qui les interprète comme des miracles. Et ils pensent que j’utilise la magie pour «tromper» les gens. Mais je les trompe pour leur faire croire que la violence domestique est mauvaise et c’est le principal. Je ne me présente pas comme une chamane, une sorcière ou une guérisseuse. Je les mets simplement en garde et la «superstition» de la magie fait le reste… En dehors de cela, j’aime faire quoi? Du snowboard, de la plongée sous-marine mais aussi sculpter et recycler des boîtes.

Sébastien Bazou

Interview réalisée le 22 avril 2021.

 Site de Lisa Menna. https://www.menna.com/

- Cause of Wonder. http://www.causetowonder.org/

 A voir: Magical Women Lisa Menna Talk #1 https://www.youtube.com/watch?v=Vev87ybxk6A

- The cause needs you. https://www.youtube.com/watch?v=8GoFu0_MQPw&t=1s

- Ethiopia – A village intervention. https://www.youtube.com/watch?v=bDjYfU10gWc&t=7s

- « If you want good luck, do not hurt women. » https://www.youtube.com/watch?v=j_xZDywxkgs&t=33s

- Cause to Wonder in Mozambique. https://www.youtube.com/watch?v=Il0Ow3AER0Q

 1 Le tour de close-up le plus connu de Lisa Menna est son High Heel Card Stab où elle retrouve une carte signée, pliée dans sa chaussure. Une routine suggérée par Peter Studebaker. Lias Menna a aussi créé une « Carte Ambitieuse » très personnelle se terminant avec celle du spectateur plantée sur le talon de sa chaussure.

Lisa Menna a joué au New York Magic Symposium et au F.F.F.F. Elle est apparue dans l’émission Chantatachán de Juan Tamariz en 1992. Seule femme à avoir joué dans toutes les salles du Magic Castle à Los Angeles, elle a travaillé avec une troupe de cirque russe au Dîner-théâtre Cabaret Palazzo à Vienne. En raison de ses contributions originales à l’art de la magie, elle a été la première femme invitée à donner des conférences et à se produire à la FISM en 1988 à La Haye puis en 1997 à Dresde.

 (2) Dans les années 1990, Lisa Menna a obtenu une notoriété et un succès mondial comme magicienne des salons professionnels, sous le nom de Darling of Dot Com et travaillant pour des marques comme Apple, American Express ou Intel.

Elle a même reçu le prix de Première magicienne d’entreprise au monde lors d’un événement commercial international où vingt-six des meilleurs spécialistes se sont produits. Lors de ces salons, Lisa Menna arrête la circulation et crée un moyen non invasif pour informer les gens de ce que fait l’entreprise. Toutes les trois minutes, elle donne une présentation complète !

(3) Dans le spectacle théâtral Mama Menna, Lisa Menna joue la veuve italienne du grand magicien viennois J. N. Hofzinser.  Une histoire tissée de curiosités, fascinations et démonstrations qui déroutent le public. Au cours d’une séance mystique autour d’un thé, elle essaye de recréer un tour de cartes de son mari décédé, un secret convoité dont on pensait qu’il avait été enterré avec lui. Mama Menna commence à raconter son histoire à Mère Thérèse, puis à Dame Nature. Elle possède la capacité étrange de lire dans les pensées. Mais sa démence s’est installée en elle et le fantôme de son mari n’est pas loin…

(4) En 1983, lors d’un voyage avec son université, Lisa Menna, à dix-neuf ans, se retrouve à faire un spectacle de magie improvisé dans un village de pêcheurs au Sri Lanka. La foule, les yeux écarquillés était enchantée. Satisfaite d’avoir conquis les gens, Lisa regarda à travers la mer de visages et vit une jeune femme se frayer un chemin à travers la foule. Sans avertissement, la femme déposa un paquet de chiffons sales dans les bras de Lisa et tomba au sol. Elle commença à embrasser ses chevilles et Lisa ouvrit le paquet et découvrit un bébé difforme. Les yeux de ces femmes se rencontrèrent.

Lisa quitta la scène désespérée et honteuse, se promettant de trouver un jour un moyen d’utiliser la magie pour alléger la souffrance des autres. Vingt-sept ans plus tard, en 2011, elle fonda une organisation à but non lucratif  pour diffuser des informations et messages à des publics traditionnellement difficiles à atteindre. L’O.N.G. Cause to Wonder utilise la magie et la curiosité pour présenter de nouvelles idées qui aident les organisations de santé et qui défendent les droits humains.  Les programmes les plus notables ont eu lieu au Mozambique, à Antigua, en Sicile, en Éthiopie, à Tortola, dans les îles Vierges américaines et en Inde. «Des performances interculturelles, dit-elle, qui réduisent la souffrance humaine.»

« L’année 2021, dit Lisa Menna, marque le dixième anniversaire de Cause to Wonder qui se dirige vers la Grenade, dans les Antilles où notre population-cible est constituée d’hommes qui  battent leurs épouses. Cela fait partie de la normalité. La mission prévoie d’y aller à l’automne dès que les fonds seront levés et que les dangers de la pandémie seront passés … «Nous avons créé une représentation itinérante avec un spectacle de magie comique pour capter l’attention des jeunes hommes. Les tours sont des énigmes pour divertir: pas de magie noire ici. En remplaçant simplement la formule magique Abracadabra, par : aider les femmes apporte de bonnes choses ou : Si vous voulez avoir de la chance, ne frappez pas les femmes ». Nous introduisons des notions de droits des femmes et ça marche. Les jeunes hommes adorent ça. Ils parlent de l’événement à tout le monde. Ils répètent les mots. Et comme ils racontent leur expérience, cela engendre des discussions sur les droits des femmes dans les cuisines et sur les terrains de jeux. »

Pour participer à cette levée de fonds contre les violences faites aux femmes à Grenade : https://gofund.me/841e3597

(5) Vers 1990, Lisa Menna a l’idée de mouler les visages de ses collègues magiciens comme pour faire un «casting de visages». Elle commence son projet avec Williamson; suivra une centaine d’autres dont David Roth,  Richard Kaufman, Channing Pollock, Billy McComb, Karrell Fox, David Kaye, Charlie Reynolds, Jerry Andrus, Jay Marshall, Johnny Thompson, Darwin Ortiz… Au fil des ans, ce «casting de légende» est devenu pour Lisa Menna un moyen de se faire des amis dans la communauté de la magie.

 Sébastien Bazou

 

Baskets Rouges,texte et mise en scène d’Aurore Déon,création chorégraphique de Clément Belhache et Caroline Maydat

Baskets Rouges, texte et mise en scène d’Aurore Déon,création chorégraphique de Clément Belhache et Caroline Maydat

Le Théâtre 14 accueille des équipes artistiques dans le cadre d’un « incubateur » pour créer une forme au théâtre à l’intérieur de sa programmation. Le fameux conte d’Andersen, Les Souliers Rouges fait partie de son troisième recueil (posthume) de ses contes les plus célèbres comme entre autres La Petite Fille aux allumettes, L’Intrépide Soldat de plomb, Le Briquet… C’est l’histoire d’une jeune fille qui sera punie pour avoir cédé à la tentation d’avoir une paire de chaussures rouges qui vont donc la faire danser jusqu’à sa perte…
« La compagnie Comme si, dit Aurore Déon, s’est saisi de contes comme La Barbe Bleue, Cendrillon, Peau d’âne… en développant un théâtre pluri-disciplinaire. Alors, quand la question s’est posée de quel nouveau conte, nous pourrions nous emparer, j’ai repensé à celui-ci, car il m’a toujours passionnée et révoltée. Plus jeune, c’était si galvanisant de lire les péripéties de cette fille qui suivait ce qu’elle sentait au fond de ses tripes. Et c’était si rageant de voir tout son entourage le lui interdire. J’aimais aussi l’idée que ce soit une fille. Une héroïne.(…) Ce conte nous parle aussi de nos combats actuels et plus largement, nous interroge sur la chance que ce monde laisse aux désirs et aux rêves de jeunesse. Car j’y lisais soudain l’histoire d’une jeunesse sacrifiée. Car que veux dire aujourd’hui « avoir des rêves » ? De quels possibles se prive-t-on en oubliant nos rêves premiers ? J’ai alors voulu transposé le conte dans un futur imminent qui, bien sûr, ressemble un peu au nôtre.

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Aurore Déon a voulu viser haut en recréant « un royaume où les enjeux géo-politiques et écologiques se rient de l’imagination, de ceux qui la portent, jusqu’à pulvériser son pouvoir constructif. Ici, on parle de royaumes qui s’effondrent, fonctionnant sur de vieux schémas, incapables de gérer l’arrivée d’une «étrangère» qui porte des chaussures rouges qui la font danser. J’aime m’amuser de cette transposition avec laquelle je peux travailler sur la figure de l’anti-héroïne, de l’outsider, de l’autre que l’on attend pas, dans lequel on ne se projette pas et qui à priori ne pourrait pas du tout être source de récit et de basculement. (…) J’ai donc imaginé un dispositif qui permettrait à des adolescents d’intégrer le spectacle, en étant à la fois co-auteurs, co-autrices et co-interprètes.

Une histoire de jeune fille obligée de quitter un monde dévasté et qui trouve une paire de baskets rouges qui lui permettent de bouger. Des baskets qui font bouger. Tout le temps. Ça devient alors l’histoire et le destin de tout le monde… Le spectacle a été écrit à partir d’une série d’entretiens réalisés il y a deux ans: ce qu’Aurore Déon appelle avec une certaine prétention, la matrice, ici interprétée par les acteurs. « Il s’agira, dit-elle, d’un conte pour ré-écrire l’Histoire » ( sic).

Et où auraient dû s’insérer, si on a bien compris,  des exercices d’écriture et improvisations d’élèves de collège sur les thèmes abordés mais cela n’a pas été possible d’intégrer ces jeunes à la présentation actuelle en raison de la situation sanitaire. Difficile d’apprécier à sa juste mesure un travail encore en cours.  Diction et gestuelle impeccables, éléments scénographiques bien mis en place mais le texte ni la mise en scène nous ont paru loin d’être à la hauteur des thématiques revendiquées… surtout sous un éclairage parcimonieux. A suivre donc mais pour le moment, le compte n’y est pas encore.

Philippe du Vignal

Représentation pour les professionnels vue le mercredi 5 mai, Théâtre 14 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème).

 

Adieu Hermine Karagheuz

 

Adieu Hermine Karagheuz

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 Née à Paris en 1940, cette actrice, écrivaine et photographe française d’origine arménienne est partie en douce. Plus qu’une artiste, c’était la poésie même et l’enfance jusqu’au bout. Nous nous souvenons: drapée dans une cape, elle vendait ses dessins aux terrasses des cafés à Saint-Germain-des-Prés vers les années soixante-dix. Petite et frêle mais libre et exigeante comme l’air du temps, a elle avait l’âge de l’Arménie mais était d’une intraitable jeunesse.

Elle avait été  la compagne du grand danseur Jean Babilée et du metteur en scène Roger Blin, le créateur d’En attendant Godot, le frère d’âme d’Antonin Artaud, Jean Genet et Samuel Beckett, au sommet du théâtre le plus troublant et le plus exigeant. Hermine Karagheuz était à cette hauteur. Patrice Chéreau l’avait choisie pour jouer en 1973 avec Laurence Bourdil, l’une des sauvageonnes, pour sa mise en scène-culte de La Dispute de Marivaux. Toujours un théâtre extrême, jusqu’à la cruauté.

Adieu Hermine Karagheuz  dans actualites
GUNS le 25 mai à 19h au Cinéma l’Archipel
Pour célébrer la restauration et la sortie du DVD de l’intégrale de Robert Kramer chez Re:Voir, le Cinéma l’Archipel projette exceptionnellement le nébuleux GUNS (1980) avec la non moins mystérieuse et trop rare Hermine Karagheuz, qui nous a récemment quittés.
« Il y avait deux lignes de réalité distinctes dans Guns. L’une concernait le vaste monde. Tony (Patrick Bauchau), le journaliste, parle à un moment “d’une histoire sans queue ni tête”. Il n’y a plus de moyen de pénétrer ce grand monde. L’autre ligne de réalité est notre expérience directe et personnelle, c’est-à-dire ici Margot (Juliet Berto) qui décide d’accompagner sa mère vers la mort, et tout ce qui va avec ce choix. J’abordais le déclin d’une manière de parler des choses. »
Robert KramerFilm restauré en 4K par Re:Voir avec le soutien du CNC

 Nous ne déroulerons pas sa riche carrière au théâtre comme au cinéma…, notamment avec Jacques Rivette mais nous garderons d’elle le souvenir d’une femme qui ne changeait pas: elle repartait toujours du principe des choses, à neuf, en les prenant également à cœur. Le cœur signifiant ici le don de toutes ses forces, l’intelligence, l’appétit de tout embrasser, l’obstination à faire vivre les causes où elle s’engageait comme l’Arménie, la poésie dont plus  récemment les œuvres de René Daumal et Lydie Dattas dont elle fit des lectures à la MC 93 de Bobigny. Elle avait ses amitiés absolues: Michèle Meunier, Antoine Mouton, Marcel Bozonnet… Ses grands yeux clairs nous regardent encore, avec toute leur exigence, leur confiance mais aussi leur malice et leur gravité.

Christine Friedel

Roger Blin, une dette d’amour d’Hermine Karagheuz, éditions Séguier-Archimbaud (2002).  Nouvelle édition chez Ypsilon, avec une post-face de Valère Novarina.  En librairie le 4 juin prochain.
A lire: l’article d’Anne Diatkine dans Libération du 6 mai. Et celui du Journal d’Armelle Héliot.

 

Serip. Profession: magicien

Serip, né João de Deus Madeira Pires, à Guarda (Portugal) en 1952, a fêté ses cinquante ans de magie en 2020. Il a obtenu dix-sept prix internationaux et a été l’illusionniste le plus récompensé dans son pays et à l’étranger. Cet excellent praticien en magie comique  a vécu en Italie puis a parcouru l’Autriche, la Suisse, l’Espagne et la Pologne pour s’installer définitivement en Allemagne il y a une dizaine d’années. Serip est aussi l’auteur de trois livres de référence traduits en quatre langues, de vidéos spécialisées et a donné des conférences sur la psychologie appliquée à la magie dans sept pays.

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Estimant que sa carrière touche à sa fin, il a actuellement l’idée d’aider d’autres illusionnistes -en particulier les plus jeunes- grâce à un projet international: le MAMiii (Magic-Akademy-Museu invenções inovações ideias de criatividade e psicologia para mágicos ilusionistas). Soit une Académie et un musée des inventions en psychologie pour créateurs de magie. Il y sera possible d’apprendre cet art ou d’améliorer son spectacle, de collaborer et d’échanger des services ou du matériel. Le projet se réalisera grâce à un président co-fondateur dans chaque pays.

-Rappelez-nous votre parcours exemplaire…

-J’ai commencé en 1970, à dix-huit ans dans des spectacles caritatifs, fasciné après avoir vu un magicien . Une émission de huit minutes sur le programme télévisé le plus populaire de l’année au Portugal a changé ma vie. Et  trois ans plus tard, j’ai participé à  une deuxième émission sur RTP1.  Avec mes tours de l’époque et l’évocation de moments importants  pour moi. Je voulais être illusionniste mais aussi de devenir prêtre! Peu après, j’ai perdu ma vocation religieuse et durant cinquante ans, je me suis engagé dans une carrière d’artiste. Mais, en même temps que la pratique de l’illusionnisme, je suis devenu  aussi missionnaire laïc pour un monde meilleur. Durant mes premières années d’apprentissage, j’avais travaillé uniquement avec les livres du père espagnol Wenceslao Ciuró. Après douze ans de séminaire et des études de théologie à Lisbonne, j’ai travaillé mais sans savoir si je voulais être artiste ou intellectuel sur le journalisme mais aussi la psychologie: pour laquelle j’ai obtenu un diplôme à l’Université Nouvelle de Lisbonne en 1978.  Tout cela m’a aidé à améliorer mes spectacles, à écrire trois livres et notes pour faire des conférences sur la psychologie appliquée à la magie.
Les illusionnistes qui m’ont le plus aidé sont les Viennois Willy Seidl et son fils W. Seidl Junior. Dans leur usine Metaldrukerei, j’ai construit plusieurs de mes inventions. Mon grand rêve au début était d’avoir un prix à la F.I.S.M… Mais la plus grosse erreur a peut-être été de concourir quand j’étais encore amateur. Je me suis consolé quand j’ai obtenu le Prix du public et le Grand Prix du jury à un concours à Bratislava TV avec plusieurs grands noms de l’époque, dont deux premiers prix F.I.S.M.

-Vous avez eu des moments difficiles?

-J’ai travaillé dans  toutes les conditions sur les quatre continents. Entre autres, pour le meilleur: dans des programmes télévisuels où j’étais « accusé » de gagner en dix minutes ce qu’un architecte gagnait en deux ans et demi à raison de  huit heures par jour! Pour le pire, j’ai travaillé dans des boîtes de nuit avec un seul client… plus intéressé par les hôtesses reversant du champagne. Je gagnais 10% de ce qu’il avait payé en boisson… Les premiers magiciens dont je me souviens et qui m’ont influencé sont Silvan et Shimada à la F.I.S.M. de Paris en 1973. Gaëtan Bloom, Otto Wessely et Wittus Witt étaient mes plus grands concurrents dans ma catégorie préférée: magie comique mais j’ai gagné le plus de prix et participé à de nombreuses émissions de télévision. Luís de Matos a été l’illusionniste qui a le mieux réalisé nombre de mes rêves. Quant à David Copperfield, Siegfried & Roy et les Ehrlich Brothers, ce sont pour moi des mythes. J’ai eu aussi le plaisir et l’honneur de travailler avec Richiardi Jr., Dody Willtohn et Gaëtan Bloom, les illusionnistes les plus célèbres de leur époque
Pendant près de trente ans, j’ai assisté à presque tous les congrès de la F.I.S.M. où j’ai analysé l’influence des modes du moment. Chaque congrès ou festival comme participant à un concours ou comme artiste invité, conférencier ou simple spectateur, a toujours été pour moi une source d’inspiration.

-A votre avis, peut-on enseigner la magie?

- Oui, avoir un bon professeur peut beaucoup aider à devenir un grand spécialiste. Mais la psychologie reste le meilleur moyen de transformer un tour, en spectacle. La pratique du théâtre, du mime et de la diction est aussi capitale pour améliorer un numéro parlé. Ma pire erreur a été de présenter en public ce qui n’était pas encore assez bien travaillé et répété. Une erreur que nous avons tendance à refaire si nous ne travaillons pas assez. La vie actuelle avec Internet et les nouvelles technologies sont pleines d’effets qui rivalisent avec l’illusionnisme traditionnel. Cela peut être un problème mais aussi  une opportunité. La magie est parfois appelée « reine des arts ». En fait, de nombreux arts peuvent contribuer à améliorer nos spectacles mais  beaucoup d’effets peuvent les améliorer… Sous le nom de Pires Portugal, j’ai écrit Mission du monde meilleur et j’ai aussi publié Tempo é Vida (Le Temps, c’est la vie), un livre en édition électronique sur les valeurs, le bonheur, la santé, l’amour, l’intelligence, la mémoire et la création.

Sébastien Bazou

Interview réalisée le 15 avril.

A lire : Psychologie appliquée au magicien du docteur Pires, auto-édition (1982).

Consultations poétiques par la Troupe de l’imaginaire du Théâtre de la Ville

 Consultations poétiques par la Troupe de l’imaginaire du Théâtre de la Ville

Au début du premier confinement, Emmanuel Demarcy-Mota, son directeur avait eu l’idée de créer des Consultations poétiques par téléphone, pour rompre l’isolement de chacun de nous en cette période difficile (voir Le Théâtre du blog). Elles ont été ensuite adaptées et jouées en public par son équipe d’artistes, dans le jardin de l’Espace Cardin, avant et après les spectacles quand ils ont repris à l’automne dernier. Une performance dansée s’est ajoutée à ces lectures de textes, la personne consultée ayant choisi la musique sur laquelle l’interprète devra improviser.

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©J.L. Fernandez

 

Cet hiver, ces Consultations poétiques ont été données à l’hôpital Charles Foix d’Ivry-sur-Seine et s’y poursuivent maintenant à un rythme régulier, dans plusieurs services. Appréciées par le personnel soignant et par les malades, ces «représentations» ont lieu le plus souvent dans la chambre des patients alités. Ils sont parfois parfois amenés en chaise roulante dans les jardins de l’hôpital ou dans une salle dotée d’une petite scène. Ce moment sensible a changé les rapports habituels entre un acteur et le public.
Emmanuel Demarcy-Mota a imaginé d’exporter ces Consultations poétiques à la mairie du XIII ème arrondissement de Paris, dans la salle d’attente où ont lieu la vaccination contre le covid, attenant à la belle salle des fêtes.  Deux comédiennes assises à une table y proposent de passer cette attente en écoutant un texte au choix des gens en vingt à trente minutes. Une autre manière, pour le plus grand plaisir de ce public, d’introduire l’art dans la vie de la cité et de réinventer l’action culturelle. En espérant retrouver bientôt le charme de nos théâtres endormis depuis trop longtemps…

Jean Couturier

Mairie du XIIIe arrondissement.
www.theatredelaville-paris.com/fr/gardons-le-lien/les-consultations  

Derniers petits cadeaux avant l’oubli…

Derniers petits cadeaux avant l’oubli…

 

Les théâtres, cette fois, rouvriraient à la mi-mai… Bien entendu à des conditions spéciales et selon les mesures sanitaires les plus strictes. Et des festivals aussi importants que celui d’Avignon et d’Aurillac In et Off pourraient quand même avoir lieu avoir, si du moins la situation dans deux mois le permet, a aussi soigneusement prévenu le Premier Ministre.  Signe des temps, les petits cadeaux que  Le Théâtre du Blog vous avait signalé depuis le début du confinement le 15 mars l’an passé, commencent à se faire rares… Alors, autant en profiter.

Ludmiala Mikaël dans la mis en scène d'Antoine Vitez

© x Ludmila Mikaël dans la mise en scène d’Antoine Vitez (1987)

D’abord et en attendant, pour la première fois, la troupe de la Comédie-Française interprète Le Soulier de satin de Paul Claudel dans son intégralité.
 «Nous poursuivons, dit Eric Ruf, son administrateur, les lectures d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust mais nous nous lançons en même temps dans celle de La lettre perdue, celle de Don Rodrigue à Prouhèze. Il y a dans ces deux œuvres-monstres, une notion d’impossibilité -la longueur, le fourmillement, l’irreprésentabilité- que seule une période comme celle que nous vivons permet d’affronter. »

 
Les amants imaginés par Paul Claudel se «fuient à la fois et se poursuivent» entre l’Espagne et l’Afrique.

 Les quatre Journées de cette pièce mythique, créée par Jean-Louis Barrault en 1943 à la salle Richelieu de la Comédie-Française donc sous l’Occupation, ont été dirigées successivement par Eric Ruf, Gilles david, Thierry Hancisse et Christian Gonon dans le cadre du programme Théâtre à la table, jusqu’au samedi 15 mai.


On peut revoir la  Première journée et la Deuxième journée en replay sur YouTube et en podcast sur Soundcloud. 
Et les précédentes émissions de Quelle Comédie avec en invités Éric Ruf et Clément Gaubert, les directeurs artistiques puis Ludmilla Mikaël et Didier Sandre. En replay sur Facebook, YouTube et podcast sur Soundcloud

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Ce samedi 8 mai, Troisième journée avec l’épopée tragique de la Lettre à Rodrigue  et ses ultimes retrouvailles avec Prouhèze, sous la direction de Thierry Hancisse  en direct à 20 h 30 sur le site de la Comédie-Française…

Mais aussi une évocation  sur la création de la pièce, sous l’Occupation et Un nouveau défi, entretien Clément Gaubert, réalisateur des captations des Théâtres à la table.

Liturgie équestre de Laurent Portes

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Ce documentaire  (2009) de cinquante deux minutes  montre ce somptueux spectacle de l’Académie équestre et  nous dévoile les coulisses de sa création  dans la majestueuse abbatiale Saint-Ouen à Rouen, lieu unique du patrimoine haut-normand. Face aux grandes orgues, extraordinaire décor et support musical pour les œuvres de Bach, Prokofiev, Messiaen… Ici, Bartabas a réuni autour de lui les écuyers de l’Académie équestre de Versailles, l’organiste Vincent Dubois et le chanteur basque Beñat Achiary. Que du bonheur…
Ne ratez pas ce court spectacle, sans doute un des plus réussis de Bartabas…

MK 2 Curiosity

Philippe du Vignal

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