Entropie, chorégraphie de Léo Lerus, musique de Gilbert Nouno et Léo Lérus

Entropie, chorégraphie de Léo Lerus, musique de Gilbert Nouno et Léo Lérus

© J. Couturier

© J. Couturier

Une création de cinquante-cinq minutes avec une parfaite communion de la danse de la musique et de la lumière. Sur le plateau nu de la salle Gémier, Léo Lérus est entouré de trois danseurs, Ndoho Ange, Maeva Berthelot et Shamel Pitts. Il a dansé pour Wayne McGregor, la Batsheva Dance company et la LEV Dance company, des troupes à la «physicalité» réputée.

La musique vient peu à peu envahir le corps des artistes, d’abord à un rythme très lent puis associée à des fulgurants mouvements asynchrones. Le gwoka est un genre musical né en Guadeloupe dont la base rythmique est le tambour. Lors des «léwoz», des rassemblements populaires nocturnes, le public forme un cercle avec, en son centre, des danseurs qui font irruption et donnent vie à cette musique.

Nous en découvrons ici un équivalent et l’énergie comme l’engagement des quatre  interprètes est impressionnante, qu’ils soient en solo, en duo, en groupe. Ils sont aussi parfois spectateurs les uns des autres. Le rythme accompagné de constantes variations lumineuses jusqu’à l’obscurité renforce l’aspect rituel et intime de cette chorégraphie. A découvrir…

Jean Couturier

Spectacle joué à Chaillot-Théâtre national de la Danse, 1 place du Trocadéro, Paris ( XVI ème) les 27 et 28 mai. T. : 01 53 65 31 00, les 27 et 28 mai. theatre-chaillot.fr/fr/saison-2020-2021/entropie
Reprise au Carreau du Temple, Paris au festival June Events. www.atelierdeparis.org/junevents/

 

 


Archive pour 1 juin, 2021

Didę, chorégraphie de Marcel Gbeffa, mise en scène de Sarah Trouche

Didę, chorégraphie de Marcel Gbeffa, mise en scène de Sarah Trouche

«Didę» : Debout, lève-toi en fon et yoruba, les langues parlées au Bénin et au Nigéria. Interprétée par cinq artistes béninois issus de la danse traditionnelle, urbaine ou contemporaine, la pièce s’inspire du gèlèdé, une cérémonie réservée aux hommes qui, masqués, se fondent avec une divinité féminine. Mais Didę s’éloigne de son modèle originel pour devenir une performance où l’univers de l’artiste Sarah Trouche se confronte à la culture africaine.

DIDE (Sarah Trouche, Marcel Gbeffa 2020)

© Patrick Berger

« On ne peut pas travailler au Bénin sans prendre en compte la pratique du vaudou, dit-elle. Je me suis rapprochée de la divinité Aido waido qui m’a amenée jusqu’aux cérémonies gèlèdé où les hommes rendent hommage à cette déesse mère. »

Marcel Gbeffa, directeur artistique du Centre chorégraphique Multicorps à Cotonou s’est joint à elle pour construire un parcours initiatique où chaque danseur compose un personnage face à d’immenses masques d’acajou: des têtes surmontées de tentacules serpentines. Peu à peu, les figures mystérieuses de Sarah Trouche, portées solennellement par les danseurs, vont envahir le plateau. «Les interprètes esquissent une statuaire en marche, dit la sculptrice. J’ai eu la sensation d’un musée en déplacement, pèlerinage ou exode… » 

En ouverture, elle invite quelques spectateurs à une déambulation silencieuse autour du plateau, avant qu’Orphée Georgah Ahéhéhinnou, Didier Djéléhoundé, Arouna Soundjata Guindo, André Atangana, Bonaventure Sossou et Marcel Gbeffa ne leur emboîtent le pas. Au fur et à mesure de la danse, leur gestuelle évolue : d’abord virils et conquérants, ils vont adoucir leurs mouvements, traversés par l’énergie d’une trentaine de masques tutélaires féminins qui finiront par les apprivoiser.

 La musique de Viktor Benev alterne nappes sonores monochromes et percussions, accompagnant la mutation des corps masculins vers un état plus serein. L’alliance des pratiques contemporaines et traditionnelles, la rencontre entre artistes européens et africains trouve ici une juste expression.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 29 mai à l’Atelier de Paris dans le cadre de June Events, à la Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes et navette gratuite. T. :  01 41 7417 07.
info@atelierdeparis.org
June Events 2021 continue jusqu’au 5 juin au Carreau du Temple.

 

 

Jaana Felicitas : portrait d’une magicienne

Jaana Felicitas : portrait d’une magicienne

Cette interprète de danse contemporaine a été longtemps l’assistante de Topas, le célèbre illusionniste allemand. En voyageant à travers le monde et en voyant des spectacles de magie, elle est tombée de plus en plus amoureuse de cet art et a commencé à faire des tours de close-up. Par la suite, elle a créé un numéro : La Chaise volante… qui flotte dans les airs. Cette artiste travaille contre les lois de la physique et cette simple chaise en la suivant dans chacun de ses mouvements prend alors vie. Jaana Felicitas peut aussi produire de la glace à mains nues… Aujourd’hui, elle se consacre entièrement à la magie. «Quand j’ai dit à Topas que je voulais maintenant en faire en solo, il m’a tout de suite soutenu et je lui serai toujours très reconnaissante de m’avoir aidé à devenir une artiste à part entière. J’ai ensuite gagné ma première compétition aux Pays-Bas en 2019 où j’étais allée avec Nikolai Striebel, un ami manipulateur de Stuttgart. Depuis, nous travaillons ensemble et nous nous entraidons pour réaliser de nouveaux numéros. La communauté magique de Stuttgart est ouverte et créative. J’ai donc beaucoup de chance d’en faire partie et il y a de nombreux collègues formidables à qui je peux demander de l’aide. »

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Depuis, Jaana Felicitas fait de la magie de scène combinée à la danse et se produit en Allemagne et en Europe dans des festivals, concours mais aussi des théâtres. «J’aime surtout le travail de Miguel Munoz et celui d’Etienne Saglio et Raphaël Navarro: bien sûr, cela me parle, parce qu’il y a beaucoup de danse dans leurs créations. J’aime par-dessus tout le mouvement dans la magie mais pour être honnête, je l’aime surtout comme forme d’art et me sens donc attirée par les numéros musicaux. Je peux donc profiter aussi bien d’une routine de close-up, que d’un effet de mentalisme bluffant.

Elle reconnaît venir d’un monde différent, celui de la danse contemporaine et a été fortement influencée par Pina Bausch, la célèbre chorégraphe allemande de Wuppertal disparue il y déjà onze ans. Mais aussi, et entre autres, par des icônes de la danse pop comme Michael Jackson. Quel conseil donerait-elle à un débutant? «Je pense qu’il est très utile de fréquenter la communauté de la magie et les réseaux sociaux. Et de travailler avec des personnes qui peuvent vous conseiller sur la façon de vous développer dans le monde du spectacle. »

Jaana Felicitas a l’impression qu’il y a quelque chose de nouveau à explorer chaque jour et adore les différents styles et idées qui émergent. «Internet  a été  de plus en plus important ces dernières années et il semble que cela a presque créé un nouveau genre de magie. Et que, parfois les idées sur de nouveaux numéros viennent d’autres domaines de ma vie. La culture qui m’entoure est celle qui m’inspire le plus. L’art est aussi souvent une réflexion sur une réalité très subjective et personnelle. A part cela, j’aime l’escalade et la randonnée: elles se marient parfaitement…


Sébastien Bazou

Interview réalisée le 20 mai.

 https://jaanafelicitas-magic.com/

 

 

 

L’Acteur du Nord, de Mohamed el Khatib et Jacques Bonnaffé

L’Acteur du Nord, de Mohamed el Khatib et Jacques Bonnaffé

On prenait son billet au théâtre pour aller voir Phèdre de Racine avec la Berma. Mais cet avec ne saurait faire de l’acteur un ornement, un «plus», l’exécutant d’un théâtre mental qui existerait avant lui et auquel il est prié de prêter son corps. L’image dont le spectateur se souviendra est faite de ce corps-là, de toute sa vie. Soyons simples : nous n’allons pas voir L’Acteur du Nord  « avec » Jacques Bonnaffé, mais créant devant nous L’Acteur du Nord. Et ce serait vrai, même s’il l’avait joué trois cent fois.

Mohamed el Khatib travaille sur la limite du théâtre, sur le la zone de contact intime entre la personne de l’acteur et ce qu’il fait sur scène. Il cherche le court-circuit qui, nécessairement, lâche une puissante étincelle: comment la vérité de l’acteur, son vécu fait « théâtre“ pour un public, paradoxalement d’autant plus qu’il travaille sur ce qui lui est personnel et unique.

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Pour ces Portraits, il a choisi un dispositif simple et ludique. Il expose d’abord au public le fonctionnement et les consignes du jeu: l’acteur recevra en temps réel une enveloppe contenant le texte qu’il va donc découvrir et qu’il lira directement au public, à cru, à chaud, comme on voudra. Il a droit à trois digressions, pas une de plus. Alors l’acteur-l’actrice peut entrer en scène et jouer le jeu, ou pas.

L’auteur veille au grain, comme en tout cas il l’a fait l’autre soir, remettant Jacques Bonnaffé sur les rails d’une consigne qu’il avait largement outrepassée. Mohamed el Khatib a choisi des acteurs connus du public : Eric Elmosnino, l’Acteur fragile, Nathalie Baye, avec qui il a déjà mené des lectures et Benoît Poelvoorde. Cette notoriété ajoute une nouvelle dimension à la réception du « portrait ». Le comédien n’arrivera donc pas sur un terrain vierge mais s’inscrira sur la représentation que, déjà, le spectateur se fait de l’acteur ou de l’actrice.

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Dispositif compliqué? Avec Jacques Bonnaffé, parler de l’acteur du Nord est de l’ordre du pléonasme, tant on le reconnaît dans Paris-Nord, Cafougnette ou les poèmes de Jean-Pierre Verheggen, repères dans son immense carrière. L’improvisateur virtuose, doté d’un solide humour et d’un inextinguible amour des mots, pilier poétique de France-Culture, n’a pas peur de l’exercice et nous ravit.

Attendons les prochains portraits en direct et les délices de l’acteur en péril. C’est à dire en pleine création, que le public reçoit, ressent, incorpore. Et l’on comprend -un peu- comment, pourquoi, le théâtre stimule la pensée. Plus qu’une affaire de contenus à transmettre, c’est organique.

Paradis,texte et mise en scène de Sonia Chiambretto, en collaboration avec Yoann Thommerel

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Cette pièce a plusieurs points de rencontre, avec l’Acteur du Nord. D’abord, la poésie, avec sa puissance politique, y occupe une place centrale et Sonia Chiambretto, comme Mohamed el Khatib, travaille sur un théâtre du réel, documentaire et politique où elle se met directement en jeu. Le tout encadré par un dispositif rigoureux. Pour autant, ces spectacles ne vont pas sur la même voie et n’engagent pas de la même façon les acteurs et le public. Présente sur scène au pupitre, côté jardin, l’auteure est la narratrice d’un fait réel dont elle a été témoin et qui a donné naissance à l’écriture de Paradis.

Au festival des Correspondances à Manosque, la ville est pleine d’estrades et micros, d’autrices et auteurs, de pots, d’échanges. Et pourtant, pas un micro ne s’ouvre à un jeune Syrien venu transmettre le message de son frère poète, message relayé au Moyen-Orient par des milliers d’internautes mais ignoré poliment dans notre pays. Voilà un fait réel, politique et qui renvoie d’un coup la «littérature» à ses fantômes évanescents. Et pourtant, de cette rencontre, que peut faire une autrice, sinon écrire? Transmettre, faire passer la poésie du «Che Guevara de l’Orient» devenu le «Che Guevara de l’Internet.» Traduire, d’une langue qu’elle ne connaît pas avec Google pour seul outil et avec ce que cela donne de râpeux et d’étrange. Ada Harb et Rami Rkab, arabophones, viennent au secours de ce dialogue impossible avec leur propre histoire d’exilés mais la langue traduite reste comme étrangère.

Il y a beaucoup de récits adressés au public et Sonia Chiambretto matrice de ce qui se passe sur le plateau, occupe la position «innocente» de la narratrice. Le jeu est ici réduit au minimum : même Marcial Di Fonzo Bo et Pierre Maillet en témoins de Jéhovah -métonymie de l’Europe chrétienne ?- s’en tiennent à des figures à deux dimensions. Modestie voulue face à l’ampleur des faits et des questions posées? Toute la vie du spectacle se concentre sur l’écran où apparaît un enfant, dialoguant avec ces fantoches mais plus présent qu’eux et où surtout s’impose finalement la figure et le chant du poète. Ainsi, d’écho en écho, nous revenons à la source qu’il a fait résonner chez Sonia Chiambretto.

La boucle est bouclée, selon un cheminement juste et logique. Il ne manque aucun élément d’information ni aucune étape du processus. L’émotion même a sa place dans les récits de ces déboutés du droit d’asile qui finissent tous par:«Excusez-moi». Et pourtant, nous sommes en manque de théâtre, là, ici et maintenant. Dommage, même si c’est fait exprès. Mais on n’invente pas facilement un geste théâtral aussi fort que celui du poète s’emparant du prêche du vendredi, pour appeler au soulèvement.

Christine Friedel

Spectacles vus à Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta Paris (XX ème). T. : 01 42 55 74 40. Réservations: 01 42 55 55 50.
Prochainement à la Comédie de Caen (Calvados).

 

 

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