Un homme de plus, texte, mise en scène et interprétation de Louis Mallié
Un Homme de plus, texte, mise en scène et interprétation de Louis Mallié
Un soldat a capturé un homme responsable de la mort de ses compagnons de section. Mais seul dans un désert, il en arrive à voir cet ennemi presque comme un frère d’armes, une sorte de double qu’il hésitera finalement à tuer. Louis Mallié parle beaucoup de combat, tortures, service de la nation et se demande ce que signifie: être en guerre et vouloir torturer et/ou tuer quelqu’un d’autre? «Quels sont les mensonges qui font d’un homme « banal », un tortionnaire ? (…) Après tout, un homme de plus, ou un homme de moins : quelle différence? » (…) « Toute votre civilisation est un plateau en or tenu en l’air par des cadavres! Si vous ne tuiez pas, comment vivriez-vous? Aie au moins la décence, l’humilité, l’honnêteté intellectuelle d’admettre que toute civilisation est une guerre contre le vivant. De fait, tuer cet homme, c’est la civilisation. Tuer cet homme, c’est la grandeur de l’humanité. »
Sur le plateau nu, une chaise, les vêtements civils qu’il enlève au début et qu’il remettra à la fin pour retourner à sa vie de musicien. Après avoir enfilé entre temps, un treillis militaire… Le texte a, par moments, mais par moments seulement, quelques fulgurances mais ce jeune auteur de vingt-neuf ans qui dit avoir lu Hanna Arendt, parle de la guerre sans l’avoir faite: heureusement pour lui. Mais désolé, cela se sent. Il y a déjà une soixantaine d’années, de très jeunes «appelés du contingent» pour faire le service militaire, partaient en fait pour l’Algérie et ne revenaient pas toujours de cette guerre coloniale qui ne disait pas son nom. Les politiques la nommaient alors hyprocritement: maintien de l’ordre, c’est à dire élimination sans état d’âme pour garder l’Algérie Française des indépendantistes. Ainsi en témoigne dans un livre qui sera bientôt publié post-mortem, J. C., un jeune officier sorti de Saint-Cyrde vingt-trois ans seulement! que ses supérieurs avaient chargé comme le personnage de ce monologue, de commander une section. Il raconte la réalité d’un terrain qu’il ne connaissait pas du tout quand il lui fallait protéger ses hommes et en même temps, anticiper sur les tirs d’en face. Et ce témoignage, recueilli longtemps après, fait froid dans le dos… Bien entendu, il n’est pas nécessaire d’avoir participé à une guerre pour en parler mais difficile d’entrer dans ce texte un peu sec et qui a un côté universitaire malgré les bonnes intentions de l’auteur à qui on pardonnera le charabia de sa note d’intentions (sic): «Je souhaitais créer une scène immersive, portée par la pluridisciplinarité artistique. » Tous aux abris! Louis Mallié a heureusement pour lui une très bonne diction. Oui, mais… il n’est ni acteur ni mime! Et cela se voit. Il aurait fallu qu’il soit dirigé par un metteur en scène et non par lui-même. Ce qui nous aurait sans doute épargné un ton souvent monocorde, des criailleries et une gestuelle très approximative… Autrement dit, il y a encore du travail. A suivre…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 26 juin, La Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, Paris (XVIII ème).