L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, d’après le scénario d’Éric Rohmer, mise en scène de Thomas Quillardet
L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, d’après le scénario d’Éric Rohmer, mise en scène de Thomas Quillardet
Dans une clairière du Parc floral au Bois de Vincennes, au pied d’un arbre, Julien Dechaumes (Guillaume Laloux), maire P.S. de Saint-Juire, un village en Vendée, nous accueille d’un salut républicain avec un tract à son effigie. Nous sommes en juin 1992 et il vient d’être battu aux élections départementales qui connurent un raz de marée de la Droite.
Le jeune homme, loin de se décourager, ambitionne de moderniser sa commune, minée par l’exode rural et la désertification, en construisant un centre culturel et sportif ultra-moderne «mais respectueux de l’environnement »… Au grand dam de l’instituteur (Florent Cheippe) qui y voit un manœuvre politicarde et refuse qu’on défigure le paysage et sacrifie les arbres… Un combat idéologique s’engage auquel se mêlent la fiancée du maire, intello parisienne type (Malvina Plégat) et une journaliste à la recherche d’un scoop (Clémentine Baert)…
Les oiseaux chantent, le garde-champêtre déboule à bicyclette, le pré est en fleurs et l’herbe sent bon… Dans cette ambiance bucolique, les spectateurs, assis sur des bottes de foin, goûtent la finesse du texte d’Éric Rohmer, à l’aise sur un terrain qui ne lui était pourtant pas familier. Thomas Quillardet en a condensé les dialogues et, sans trahir la continuité narrative, met en valeur la qualité théâtrale et l’acuité dialectique de la dramaturgie rohmérienne. Les bons mots, bien dosés, offrent une légèreté à ce débat qui aurait pu être indigeste et nous percevons aussi le caractère prémonitoire des questions sociétales posées dans le scénario, surtout depuis que le covid est passé par là.
Le spectacle, prévu avant cette crise, a dû être reporté. Dans ces circonstances, les propos de chacun des personnages sont d’une étonnante actualité et la chanson qui clôt le film, entonnée ici par la troupe, est dans l’air du temps: «Nous vivrons tous à la campagne/Parmi les champs et les prairies/Tout en étant chef de bureau/Comptable ou informaticien/Plus besoin d’aller au boulot/ Avec la voiture ou le train.»
Eric Rohmer envisageait, avec vingt ans d’avance, le poids du discours écologique dans la vie politique et la récupération qu’en font les partis de tout bord comme dans la campagne électorale actuelle. Il donne le dernier mot à une petite fille (Liv Volckman) anticipant ainsi l’engagement de la jeunesse d’aujourd’hui pour sauver la Planète.
Avec ses comédiens, tous excellents, Thomas Quillardet s’impose comme metteur en scène, tout en restant dans le droit fil de l’original. Ne manquez pas ce bol d’air ! Au théâtre de la Tempête, ce spectacle d’une heure trente est couplé avec la reprise d un diptyque créé avec talent en 2017 par la même équipe. Sous le titre emprunté à Rimbaud Où les cœurs s’éprennent, il rassemble Les Nuits de la pleine lune et Le Rayon vert d’Éric Rohmer (voir Le Théâtre du Blog). Une adaptation riche d’inventions théâtrales et qui distille avec grâce les atermoiements amoureux des protagonistes.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 20 juin, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes et navette gratuite. T. : 01 43 28 36 36.
Le 2 juillet, Festival de Châteauvallon (Var) ; 7 Juillet, Festival Par Has’art, Noisiel (Seine-et-Marne); 9 Juillet, Théâtre de Chelles (Seine-et-Marne); 18 juillet, Le Moulin du Roc, Niort (Deux-Sèvres) ; 24 juillet, Lieux Publics, Marseille (Bouches-du-Rhône).
Du 19 au 21 août, Festival Eclat-Les Rencontres d’Aurillac (Cantal).