Plaidoirie pour vendre le Congo de Sinzo Aanza, mise en scène d’Aristide Tarnagda

Plaidoirie-pour-vendre-le-Congo-®ry-Barbot7-5

© Ry Barbot

Plaidoirie pour vendre le Congo de Sinzo Aanza, mise en scène d’Aristide Tarnagda

Dans une atmosphère surchauffée et un brouhaha, se tient une réunion du comité du quartier populaire Masina à Kinshasa. En débat, la proposition du gouvernement d’indemniser les familles qui ont perdu un parent tué lors d’une bavure de l’armée. On compte soixante-trois morts. Mais quel est le prix de ces vies? Que vaut un mort enfant et son avenir, un mort adulte et ses responsabilités, un vieux et sa sagesse, un bébé dans le ventre de sa mère, une mère portant un enfant, un mort illettré, un mort qui a fait des études? Comment mettre d’accord une religieuse catholique, une pharmacienne affairiste, un boucher, un pasteur, un flic, un tenancier d’hôtel mal famé  ? Le chef du comité est dépasssé.

«Un mort sur lequel on met un chiffre, c’est de la boucherie, pensons plutôt au deuil, dit le boucher.» «Mettez-vous à la place des morts, quelle serait leur décision? demande un autre conseiller.» Le policier propose que l’argent aille à des projets collectifs. Dans cette cacophonie, survient la vedette du quartier: il frime et compte les « like » sur son smartphone… «Je propose que nous vendions le pays, réclamons notre part du business», lance l’artiste. Et chacun de lui emboîter le pas… Mais, au fond, que veut le peuple? «On n’est pas là pour vendre les morts mais pour demander réparation. On veut de l’argent. »

Dans ces calculs macabres, l’auteur ne perd jamais le sens de l’humour ni de la provocation. La tragédie de ces gens sur lesquels on a tiré est prétexte à une comédie impitoyable qui donne voix à tout un chacun dans sa diversité, mais sans jugement moral. Un procès à la sauce pimentée, de l’Etat congolais, du colonialisme, du néo-colonialisme, le rire en prime…

Tout au long de la pièce, le dehors et le dedans s’interpénètrent: dans le mur de paille colorée barrant la scène, s’ouvre un guichet à travers lequel les habitants s’adressent au comité de quartier. Leurs discussions sans fin mêlent avis du conseil et réactions du Kinois de la rue. Le bruit de voix enregistrées renforce l’effet de foule et ce chœur sonore et agité, derrière le décor à clairevoie, témoigne d’un pays bien vivant. Dans une langue de haute tenue, imagée et cocasse, les paroles vives de ces personnages exubérants alternent avec des récitatifs poignants, moments de pure lyrisme narrant le destin d’une petite vendeuse de pain ou d’autres figures populaires.

Les intermèdes musicaux de Daddy Mboko avec guitare acoustique et chant en lingala, viennent calmer le jeu. Sous la houlette d’Aristide Tarnagda , Ibrahima Bah, Serge Henri, Safourata Kabore, Nanyadji Kagara, Ami Akofa Kougbenou, Hilaire Nana, Halima Nikiema, Rémy Yameogo s’emparent avec bonheur de ce texte bien charpenté. De nationalité différente: Congo, Tchad, Burkina, Côte-d’Ivoire, France, ils réussissent en épousant l’accent congolais, à ancrer la langue de l’auteur dans la vie de son pays.

«J’ai trouvé un poète à servir, dit le metteur en scène, directeur artistique du festival Les Récréâtrales de Ouagadougou où il a créé cette pièce en 2020. « On va rire jusqu’aux larmes, des larmes de nos pays. Des commotions de nos démocraties (…) Rire du laid, afin qu’espère le beau et le rêve.»Après un début assez confus où le spectacle peine à trouver son rythme et sa cohésion, la pièce prend ensuite toute sa dimension grâce à une écriture incisive et poétique et qui, malgré le thème, ne verse jamais dans le pathos ou le lamento.

A voir aussi: Que ta volonté soit Kin, pièce plus ancienne de Sinzo Aanza, également mise en scène par Aristide Tarnagda avec certains des acteurs de Plaidoirie pour vendre le Congo, et présentée dans le cadre d’Africa 2020. Cette programmation  africaine de grande ampleur était initialement prévue sur toute la saison 2020-2021…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 4 juin au Théâtre Jean Vilar, 1 place Jean Vilar, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). T. :01 53 53 10 60. En partenariat avec le festival d’Automne à Paris dans le cadre d’Africa 2020.

Que ta volonté soit Kin,  les 17 et 18 juin, Comédie de Caen, Caen (Calvados) ; les 22 et 23 juin, Le Grand T à Nantes (Loire-Atlantique) et du 30 juin au 10 juillet, Odéon-Ateliers Berthier, Paris (XVII ème).

https://www.saisonafrica2020.com/fr

 

 

 


Archive pour 10 juin, 2021

Plaidoirie pour vendre le Congo de Sinzo Aanza, mise en scène d’Aristide Tarnagda

Plaidoirie-pour-vendre-le-Congo-®ry-Barbot7-5

© Ry Barbot

Plaidoirie pour vendre le Congo de Sinzo Aanza, mise en scène d’Aristide Tarnagda

Dans une atmosphère surchauffée et un brouhaha, se tient une réunion du comité du quartier populaire Masina à Kinshasa. En débat, la proposition du gouvernement d’indemniser les familles qui ont perdu un parent tué lors d’une bavure de l’armée. On compte soixante-trois morts. Mais quel est le prix de ces vies? Que vaut un mort enfant et son avenir, un mort adulte et ses responsabilités, un vieux et sa sagesse, un bébé dans le ventre de sa mère, une mère portant un enfant, un mort illettré, un mort qui a fait des études? Comment mettre d’accord une religieuse catholique, une pharmacienne affairiste, un boucher, un pasteur, un flic, un tenancier d’hôtel mal famé  ? Le chef du comité est dépasssé.

«Un mort sur lequel on met un chiffre, c’est de la boucherie, pensons plutôt au deuil, dit le boucher.» «Mettez-vous à la place des morts, quelle serait leur décision? demande un autre conseiller.» Le policier propose que l’argent aille à des projets collectifs. Dans cette cacophonie, survient la vedette du quartier: il frime et compte les « like » sur son smartphone… «Je propose que nous vendions le pays, réclamons notre part du business», lance l’artiste. Et chacun de lui emboîter le pas… Mais, au fond, que veut le peuple? «On n’est pas là pour vendre les morts mais pour demander réparation. On veut de l’argent. »

Dans ces calculs macabres, l’auteur ne perd jamais le sens de l’humour ni de la provocation. La tragédie de ces gens sur lesquels on a tiré est prétexte à une comédie impitoyable qui donne voix à tout un chacun dans sa diversité, mais sans jugement moral. Un procès à la sauce pimentée, de l’Etat congolais, du colonialisme, du néo-colonialisme, le rire en prime…

Tout au long de la pièce, le dehors et le dedans s’interpénètrent: dans le mur de paille colorée barrant la scène, s’ouvre un guichet à travers lequel les habitants s’adressent au comité de quartier. Leurs discussions sans fin mêlent avis du conseil et réactions du Kinois de la rue. Le bruit de voix enregistrées renforce l’effet de foule et ce chœur sonore et agité, derrière le décor à clairevoie, témoigne d’un pays bien vivant. Dans une langue de haute tenue, imagée et cocasse, les paroles vives de ces personnages exubérants alternent avec des récitatifs poignants, moments de pure lyrisme narrant le destin d’une petite vendeuse de pain ou d’autres figures populaires.

Les intermèdes musicaux de Daddy Mboko avec guitare acoustique et chant en lingala, viennent calmer le jeu. Sous la houlette d’Aristide Tarnagda , Ibrahima Bah, Serge Henri, Safourata Kabore, Nanyadji Kagara, Ami Akofa Kougbenou, Hilaire Nana, Halima Nikiema, Rémy Yameogo s’emparent avec bonheur de ce texte bien charpenté. De nationalité différente: Congo, Tchad, Burkina, Côte-d’Ivoire, France, ils réussissent en épousant l’accent congolais, à ancrer la langue de l’auteur dans la vie de son pays.

«J’ai trouvé un poète à servir, dit le metteur en scène, directeur artistique du festival Les Récréâtrales de Ouagadougou où il a créé cette pièce en 2020. « On va rire jusqu’aux larmes, des larmes de nos pays. Des commotions de nos démocraties (…) Rire du laid, afin qu’espère le beau et le rêve.»Après un début assez confus où le spectacle peine à trouver son rythme et sa cohésion, la pièce prend ensuite toute sa dimension grâce à une écriture incisive et poétique et qui, malgré le thème, ne verse jamais dans le pathos ou le lamento.

A voir aussi: Que ta volonté soit Kin, pièce plus ancienne de Sinzo Aanza, également mise en scène par Aristide Tarnagda avec certains des acteurs de Plaidoirie pour vendre le Congo, et présentée dans le cadre d’Africa 2020. Cette programmation  africaine de grande ampleur était initialement prévue sur toute la saison 2020-2021…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 4 juin au Théâtre Jean Vilar, 1 place Jean Vilar, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). T. :01 53 53 10 60. En partenariat avec le festival d’Automne à Paris dans le cadre d’Africa 2020.

Que ta volonté soit Kin,  les 17 et 18 juin, Comédie de Caen, Caen (Calvados) ; les 22 et 23 juin, Le Grand T à Nantes (Loire-Atlantique) et du 30 juin au 10 juillet, Odéon-Ateliers Berthier, Paris (XVII ème).

https://www.saisonafrica2020.com/fr

 

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...