Solaris d’après le roman de Stanislas Lem, adaptation et mise en scène de Pascal Kirsch
Solaris d’après le roman de Stanislas Lem, adaptation et mise en scène de Pascal Kirsch
Dans les vapeurs d’un «océan gélatineux qui stabilise la planète», figuré ici par une grande coupelle blanche flottant au-dessus du plateau, une équipe d’astronautes en orbite autour de Solaris essaye de percer l’énigme de cet étrange corps céleste à l’intelligence «au-delà des limites de la connaissance humaine ». L’océan est capable de répliquer une infinité de formes terriennes : musiques symphoniques inouïes, clones de végétaux ou d’être humains…
Malgré l’effort des scientifiques pour établir un contact avec cette vitalité extra-terrestre, Solaris ne répond pas. Ils décident de bombarder la planète qui développe alors une stratégie de déstabilisation des humains. En sondant leur psyché et matérialisant leurs fantasmes, elle les met face à leurs propres défaillances. Kris, nouveau venu à bord de la station spatiale, en fera les frais: une créature artificielle, semblable à sa femme qui s’est suicidée il y a des années, apparaît pour lui faire revivre une culpabilité enfouie… Chaque membre de l’équipage est tourmenté par son propre «visiteur», façonné par Solaris à partir de souvenirs douloureux.
Le Polonais Stanislas Lem (1924-2006) écrit cette histoire en 1961, en pleine guerre froide, alors que l’Union soviétique a envoyé le premier homme dans l’espace. C’est l’année des missiles de Cuba et la menace d’une guerre nucléaire. Mais aussi celle de la construction du mur à Berlin… Celle aussi du procès d’Eichmann à Jérusalem, en écho à celui de Nuremberg où le nazisme, mal absolu, se dévoilait à la face du monde. L’écrivain transcrit les angoisses qui traversent ce milieu du XX ème siècle dans un récit où l’homme est aux prises avec ses propres peurs et d’abord avec les forces destructrices qui sommeillent en chacun de nous. Ce que révèle Solaris: «Nous n’apprendrons sans doute rien sur l’océan, dit l’un des scientifiques, mais alors, sur nous!»
Comment adapter au théâtre ce roman, après le beau film d’Andreï Tarkovski et celui de Steven Soderbergh qui connut lui, un demi-échec? Pascal Kirsch relève le défi avec succès. L’impressionnant décor de Sallahdyn Khatir, et la création lumières de Nicolas Ameil y sont pour beaucoup. Ils nous propulsent au cœur de l’intrigue, sur cette lointaine planète située près d’Alpha et du Verseau et gravitant autour d’étoiles jumelles. La musique vibratoire de Richard Comte, jouée en direct, en interaction avec les comédiens, contribue au climat particulier qui règne dans la station spatiale, au sol instable, fait de moellons disjoints. Acteurs et spectateurs baignent dans un espace sonore omniprésent. Il s’agit pour le compositeur « d’induire une manière d’écouter, de jouer sur la perception du temps et de l’espace, de rendre palpable, physique, cette musique des sphères, par un jeu de timbres et de texture. »
Les comédiens, en tension permanente, électrisent cette fable métaphysique qui nous parle aujourd’hui du sabotage de notre Planète par les Terriens. Cet « océan pensant » nous apparaît comme la conscience de la Nature, plus forte que la malignité des humains… «Est-ce que nous devons partout nous rendre avec cette énorme puissance de destruction à bord de nos navires, afin de briser tout ce qui est contraire à notre façon de comprendre ? écrivait Stanislas Lem dans L’Invincible.»
Le récit aurait gagné à être condensé et parfois clarifié mais ce spectacle de deux heures trois quart nous plonge dans une histoire fascinante qui redonne à la science-fiction ses lettres de noblesse…
Mireille Davidovici
Le spectacle a été joué du 4 au 12 juin, Théâtre des Quartiers-Manufacture des Œillets Centre Dramatique National, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). T. : 01 43 90 11 11.
Du 1er au 3 juillet, MC 2, Grenoble (Isère).
Solaris, traduit du polonais par Jean-Michel Jasienko, est publié aux éditions Gallimard collection Folio SF.
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