La nouvelle saison du Théâtre National de Strasbourg

 La nouvelle saison du Théâtre National de Strasbourg

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Après de longs mois de silence, le théâtre reprend vie en accueillant le public. Avec un plaisir non dissimulé, Stanislas Nordey a évoqué sa prochaine et dernière saison à la tête du T.N.S (elle débutera le 25 septembre). Huit années passées comme directeur et artiste, il quittera ses fonctions au terme de son deuxième mandat en  2022.

En cette fin de crise sanitaire, il tient à remercier les institutions publiques: «Nous avons été très bien accompagnés et tous les spectacles qui ont été suspendus, seront visibles à 90%. Neuf d’entre eux seront des reports. « Chat échaudé craint l’eau froide », comme dit le vieux proverbe, je précise que cette présentation de saison se fera en deux fois : une première pour la période de septembre à janvier 2022 puis nous annoncerons en novembre prochain, celle qui ira de février à juin 2022. Face à une éventuelle quatrième vague de la covid, mieux vaut éviter que cette seconde période ne soit annulée ! »

Dans les nouveautés et les résolutions astucieuses : plus d’abonnement annuel mais une carte d’adhésion donnant droit à un tarif préférentiel pour une large et riche programmation. «Après ces mois d’isolement, dit Stanislas Nordey, il peut y avoir une sorte de boulimie! » Rien que douze propositions pour le premier volet de la saison puis treize pour le second.  Soit vingt-cinq spectacles en tout au lieu de seize habituellement !

Et trois pièces (des reports de la saison 20-21 annulée) ont été ou seront à l’affiche dont : Mithridate de Jean Racine, mise en scène d’Éric Vigner qui a été jouée jusqu’au 8 juin. Puis jusqu’au 29 juin Au bord de Claudine Galea, mise en scène de Stanislas Nordey. Et Inflammation du verbe vivre, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad, qui avait dû être annulé en raison de la covid. Suivront les spectacles des élèves de l’Ecole du T.N.S. :Asséchés de Timothée Israël et Toutes leurs robes noires de Claudine Galea, mise en scène d’Antoine Hespel.

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©x Dominique Reymond

Stanislas Nordey n’a pas manqué de réaffirmer l’importance de certains principes esthétiques et politiques du T.N.S.: la création dans La Maison même, de onze spectacles pour 2021-2022 ! Avec toujours la nécessité de privilégier le contemporain comme par exemple, de mettre en lumière l’écriture de jeunes auteurs et la venue d’artistes associées. Citons pour cette nouvelle saison l’excellente actrice qu’est Dominique Reymond. Mais encore l’écrivaine associée, Marie NDiaye, avec Les Serpents, distribution Hélène Alexandridis, Bénédicte Cerutti et Tiphaine Raffier dans une mise en scène de Jacques Vincey, spectacle créé à Tours l’an passé (voir Le Théâtre du Blog) et Chère Chambre de la jeune autrice et metteur en scène Pauline Haudepin, «Un texte onirique, une exploration de nos personnalités diverses » aime à préciser Stanislas Nordey.

Pour l’ouverture de saison, la Russie est à l’honneur avec Le Passé qui regroupe plusieurs œuvres de l’écrivain Léonid Andreïev (1871-1919) et qui nous invite à une réflexion sensible et politique à partir de « la réapparition d’un monde disparu ».

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Puis Rothko, untitled #2, qui convoque aussi le temps. Mais à l’inverse ! Il s’agit là du temps présent et de sa vibration, celle de l’instant et de ses ondes sensorielles. Face à l’oeuvre d’art, comment traduire sur scène, le ressenti, l’émotion. Ici,  c’est à travers une forme esthétique différente, la peinture, celle de Mark Rothko (1903-1970), né en Russie puis exilé aux USA , génie de la profondeur des couleurs, expressionniste de l’abstrait, que cette sensation du temps va se révéler et entrer en correspondance avec l’affect et le regard du spectateur : « La vibration de l’ici et maintenant de la peinture par la mise en résonance des corps, du sens et du son en un précipité chimique et poétique. » Une création singulière, performance dansée/oratorio/exposition que nous offre l’artiste et l’actrice Claire Ingrid Cottanceau et le compositeur Olivier Mellano, rejoints par la chorégraphe Akiko Hasegawa.

 Suivra  Nous entrerons dans la carrière de Blandine Savetier, d’après Le Siècle des lumières d’Alejo Carpentier et la vie de Jean-Baptiste Belley. Avec Hilda, mise en scène d’Elisabeth Chailloux, Marie NDiaye raconte comment l’aliénation peut survenir: Madame Lemarchand n’a pas l’intention d’exploiter Hilda, ni même de la regarder comme sa bonne. Cette femme « de gauche » veut éduquer sa servante, la former à la chose politique, lui apprendre à penser, mais  va se heurter à la résistance d’Hilda, inexprimée mais sourdement hostile…

Avec Condor, mise en scène par Anne Théron,  Frédéric Vossier, a écrit une pièce dont le thème est l’opération Condor en 1975, sous le pouvoir des dictatures en Amérique latine. Quarante ans après, deux personnages aux univers antagonistes se retrouvent…

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Ce qu’il faut dire, Stanislas Nordey en découvrant l’écriture de Léonora Miano, a été touché par la dimension politique de sa langue et du récit : « Cette littérature bouscule les mots et les récits forgés par une Europe conquérante et dénoue le langage de la colonisation et du capitalisme, pour retrouver le fil de l’humain et du poétique. Le texte est très fort, notamment quand l’autrice parle de l’identité des personnes noires en Europe».

Deux amis, la pièce écrite pour Charles Berling et Stanislas Nordey, de et montée par  Pascal Rambert, met en scène des artistes, Charles et Stan. Ils remontent Les quatre Molière (1978) d’Antoine Vitez: Le Misanthrope, L’École des femmes, Tartuffe et Don Juan.

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©x Le Ravissement de Psyché deWilliam Bouguereau (fragment))

Chère Chambre de Pauline Haudepin sera mise en scène par l’autrice, « que nous retrouvons aussi en tant qu’actrice, précise Stanislas Nordey, dans le spectacle de Nous entrerons dans la carrière ». Ensuite, une pièce de Bernard-Marie Koltès, Quai-Ouest, montée par Ludovic Lagarde. Suivra, Coeur instamment dénudé de Lazare, auteur-metteur en scène à l’art théâtral bigarré, à la fois poétique et musical. Dans cette pièce, Lazare réinvente le mythe de Psyché. Artiste associé, il a entre autre, initié le programme : Troupe Avenir.  

Enfin, les deux derniers spectacles de cette première période. Biface. Expériences au sujet de la conquête du Mexique 1519-1521, un spectacle conçu et réalisé par Bruno Meyssat. Sans être un théâtre documentaire à proprement dit, et malgré sa construction à partir de témoignages historiques, la pièce relate davantage deux manières d’être au monde à travers la conquête du Mexique par les Espagnols et la rencontre entre les Aztèques et Espagnols.

Et Le Dragon du journaliste et dramaturge russe Evgueni Schwartz (1896-1958), mise en scène de Thomas Jolly, présente un récit dramatique, proche du conte, teinté de fantastique. Troisième pièce de l’auteur (1944), elle sera aussitôt interdite. Et pour cause, à son tour, cette oeuvre interroge la condition humaine sous l’emprise d’un régime autoritaire. Comment chacun de nous est-il prêt, ou non, à s’engager dans la résistance et à ne pas succomber à la fatalité. «Quel dragon faut-il chasser en nous ?« 

 

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©x Jean-Pierre Vincent

Si la création contemporaine demeure une priorité au T.N.S. le théâtre des anciens n’est pas oublié. Ni nos contemporains récemment disparus et qui ont marqué de leur talent l’art du théâtre. Le regretté et magnifique metteur en scène et directeur d’institutions théâtrales Jean-Pierre Vincent(1942-2020) fut et reste pour Stanislas Nordey l’une de ces figures inscrite à jamais dans le théâtre du XXème. et XXIème. siècle. «Sa disparition est pour moi, très dure; il a été mon professeur, confie Stanislas Nordey. Un hommage joyeux! et sous réserve de l’évolution de la Corona,  sera rendu au T.N.S. le 20 septembre prochain, à celui qui  fut aussi un grand directeur d’institutions comme le Théâtre des Amandiers à Nanterre, la Comédie-Française et le T.N.S… ». La dernière création de Jean-Pierre Vincent, L’Orestie, date de 2019 : Trois ans de travail avec les élèves du TNS groupe 44,  spectacle présenté avec succès au Festival d’Avignon 2019 dans le cadre du IN. Puis un autre projet devait prendre corps au TNS, Antigone, mais le sort en décida autrement… Ce Salut, vivant et bigarré, sera l’occasion de revenir sur l’oeuvre de Jean-Pierre Vincent, d’aller à la rencontre de ceux qui ont travaillé avec lui ou l’ont accompagné, et de partager, d’entendre des témoignages venus d’ici et d’ailleurs, de découvrir encore et toujours son oeuvre. Cet hommage sera en résonance avec ce mot : La transmission, geste qui était de première importance pour ce grand homme du théâtre. Autres affinités entre Jean-Pierre Vincent et Stanislas Nordey : l’exigence d’un théâtre politique , «Cette demi-saison a une tonalité politique, souligne-t-il »,  un art du théâtre à l’écoute de la cité et des bruits du monde. L’éducation artistique, les lycéens citoyens, La Revue Parages, dirigée par Frédéric Vossier, avec deux ou trois numéros par an, certains généralistes et des monographies, comme celles de Claudine Galea, Pascal Rambert, Falk Richter ou prochainement celle de Marie NDiaye… sont autant d’actions menées au sein du TNS, dignes et représentatives d’un théâtre engagé et en présence du politique et du social, de l’intime ou/et de l’universel.

 

 

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« Je suis heureux de ces huit années passées au T.N.S. Il est temps de passer le relais à d’autres. » Stanislas Nordey, ne cache pas sa jouissance de retrouver une certaine forme de liberté, et dans des conditions harmonieuses :  » La Maison va bien : c’est apaisant de la quitter ainsi. Tout est très bien parti pour une succession pensée, concertée et une nomination avant les élections présidentielles.» Par ailleurs, Stanislas Nordey a dit fermement qu’il ne sera pas candidat à la succession d’Olivier Py à la direction du festival d’Avignon.

Une belle année théâtrale s’annonce et son directeur est confiant.  Même si, dit-il, « il y a toujours des risques mais nous sommes là aussi pour accompagner les pièces qui peuvent connaître un semi-échec. Ce sont des objets frais et fragiles, pas du réchauffé! »

 

Elisabeth Naud

 

Présentation de saison 2021-2022 au Théâtre National de Strasbourg.

 

 

 

 

 

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