Faith, Hope and charity, texte et mise en scène d’Alexander Zeldin (en anglais surtitré en français)

Faith, Hope and charity (Foi, Espérance et Charité), texte et mise en scène d’Alexander Zeldin (en anglais, surtitré en français)

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La troisième partie de la trilogie Inégalités, dont le titre reprend la bien connue triade de Saint-Paul, se passe dans un triste foyer pour exclus dans une ville anglaise. Ici, ni foi, ni espérance, quant à la charité… La scénographie hyper-réaliste de Natasha Jenkins est aussi réussie que celle du second volet Love, une pièce que nous avions découverte sur ce même plateau et que nous avions beaucoup appréciée (voir Le Théâtre du Blog).

Même univers, même personnages ou presque  Et même dispositif que pour Love: la scène et la salle non séparées, sont éclairées par des tubes fluo blanc et cette lumière crue renforce encore la pauvreté du lieu aux murs sales et dont le toit fuit. Dans le fond, derrière un passe-plat, une petite cuisine où officie une grosse dame africaine qui a le cœur sur la main et qui, du mieux qu’elle peut, prépare des déjeuners avec ce qu’elle récolte en dons de conserves et pâtes. Et les exclus et de la société capitaliste viennent dans une salle aux pauvres tables et aux chaises en plastique noir, se réchauffer et manger quelque chose, en faisant sagement la queue… Pour Noël, il n’y a pas de sapin, juste une pauvre guirlande en papier: « Happy Christmas » accrochée au mur de la cuisine et des nappes rouges sur les tables. Mais il y a quand même du gâteau au chocolat… 

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Le public, comme pour Love, est disposé tri-frontalement avec quelques rangées de sièges sur les côtés de la scène, donc au même niveau que les personnages. Belle idée qui renforce encore l’intimité avec les plus pauvres et les plus exclus de la société capitaliste anglaise mais qui tiennent à garder un minimum de dignité. Il y a des dessins d’enfants punaisés sur un tableau en liège. Et des chaises, des tables que Mason, un jeune bénévole va installer.
Et douze personnages passent: ils forment un groupe auquel nous nous attachons. Ils disent de temps à autre, quelques paroles banales et tous ces gens que la vie a durement touché, n’en peuvent plus. Ils ont des gestes lents comme s’ils voulaient économiser leur énergie pour essayer de survivre.

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Quelques acteurs, cela se sent, n’ont jamais fait de théâtre et/ou ont aussi été des S.D.F. Dans cette descente aux enfers, personne n’a trop envie de parler et les dialogues sont donc  limités à l’essentiel. Comme si ces exclus n’avaient plus guère confiance en la parole des autres, surtout celle des politiques et de ceux qui pourraient les aider. Et, dans les silences -très parlants!- il y a une expression du mouvement fabuleuse signée Marcin Rudy. Ici, le moindre geste, quelquefois à peine perceptible, est signifiant. Un travail d’orfèvre.

Il y a ici Hazel dont le fils est en prison. Mason lui est en voie de réinsertion, comme on dit. Et Tharwa, sa fille Tala, le jeune Anthony  et Bernard, un homme voûté plus très jeune qui a dû autrefois être un beau garçon. Silencieux et triste, il a de longs cheveux longs gris qu’il ne doit pas souvent laver. Et comme il n’habite pas loin, il vient souvent, le foyer est aussi sa maison et il le connaît bien.
Beth, une marginale la quarantaine, qui a une vie mouvementée et qui se bat avec les services sociaux pour avoir la garde de son petit fils, une femme,  foulard sur la tête, avec sa petite fille. Deux émigrés africains… Une jeune fille…

Mais ce dernier refuge où ils peuvent aller, même s’il est sinistre, d’une certaine manière, leur appartient. A la presque fin, il a été inondé et ils mettent dans de grands cartons le matériel de cuisine et les pauvres choses qu’ils peuvent emporter. Pathétique…
De toute façon, le lieu a été vendu par la mairie et ils doivent le quitter mais réunis dans une chorale que dirige Masel, ils vont essayer avec une séance de chant en public, de sensibiliser l’opinion et d’empêcher la fermeture de « leur » foyer, même s’il est plus que sérieusement menacé.
Où iront-ils? Nous sentons un immense désespoir chez ces femmes et ces hommes humiliés une fois de plus, et ici collectivement.  Admirablement interprétés par Lucy Black, Tia Dutt, Llewella Gideon, Tricia Hitchcock, Dayo Kolesho, Joseph Langdon, Shelley McDonald, Michael Moreland, Sean O’Callaghan, Bobby Stallwood, Posy Sterling, Hind Swareldahab. Tous sans exception très crédibles et le jeune metteur en scène, nouvel artiste associé de l’Odéon, les dirige de façon remarquable.

Quelques petits bémols: un sur-titrage souvent trop rapide comme la dernière fois et un scénario et un dialogue qui ne sont pas tout à fait à la hauteur de celui de Love mais sinon, quelle même intelligence dans une expression hyper-réaliste pas facile à maîtriser!
Avec des images simples et fortes et une scénographie exemplaires, Alexander Zeldine a su tirer la sonnette d’alarme! Les chiffres en Grande-Bretagne font froid dans le dos: 20% de la population soit quatorze millions de personnes étaient reconnues comme vivant dans la pauvreté il y a trois ans et avec le covid, cela n’a pas dû s’arranger! 75.000 enfants vivent dans des foyers d’accueil et depuis dix ans, le gouvernement a opéré des coupes sombres dans les prestations sociales…
Un ami français, ancien professeur de musique en Angleterre, nous disait avec tristesse il y a peu: «Si tu veux connaître la future situation des hôpitaux en France, traverse la Manche et tu verras, c’est affreux!» Et déjà, dans un  hôpital de l’Oise, récemment une machine de radiologie est tombée en panne mais ne sera réparée qu’en septembre… « En attendant, dit un des médecins, allez vous faire faire une radio dans le privé et revenez nous voir. »  Happy Christmas…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 26 juin, Théâtre de l’Odéon-Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris (XVII ème). T. : 01 44 85 40 40.

 

 

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