Tiens ta garde par le collectif Marthe
Tiens ta garde par le collectif Marthe
Une salle d’armes classique, tapissée de fleurets et de masques. Dans ce lieu austère, se déroule un stage d’auto-défense féministe qui va rapidement bousculer l’ordre établi et faire bouger les murs.
Leçon n° 1: «Désapprendre à ne pas se battre» car savoir se battre est un élément essentiel de la lutte des femmes. Et le collectif Marthe n’y va pas à fleurets mouchetés… Pour tenir ce pari, Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui ont pris des cours de wing-chun, un ancien art martial chinois: «Au fur et à mesure des ateliers, disent-elles, nous avons pris confiance en notre capacité de résistance. Nous avons appris à travailler la fuite, l’ancrage, le poids, l’élaboration de différentes tactiques.»
Fortes de ce viatique, elle s’attaquent bille en tête aux racines du mal: le mâle sous tous ses avatars, familiaux ou héroïques. D’abord à l’australopithèque qui a refusé aux femmes l’usage des armes jusqu’aux hommes d’aujourd’hui en passant par Davy Crockett, les révolutionnaires français ou Captain America apparu aux Etats-Unis dans un magazine de B.D. en 1940… La figure du père aussi en prend pour son grade. Elles convoquent aussi leurs modèles : les suffragettes anglaises qui pratiquaient le jujitsu et autres pétroleuses luttant pour le droit de vote des femmes et la défense des opprimés.
Pour ce spectacle, elles se sont inspirées, entre autres écrits féministes, de Se défendre, Une philosophie de la violence d’Elsa Dorlin qui dresse une généalogie de l’auto-défense en prenant appui sur différentes luttes politiques. Leurs recherches et leur entraînement au wing-chun ont donné lieu à une écriture collective, régie par le dramaturge Guillaume Gayet et qui participe d’un théâtre très physique, drôle et intelligent.
Entre les séances d’auto-défense, ancrées dans le réel, se glissent des scènes parodiques où les actrices questionnent la culture masculine dominante à travers l’Histoire, que ce soit en matière de peinture ou quant à la place des femmes dans la société. Nous rions quand elles jouent Nicolas Poussin ou Claude Manet se querellant à propos de la technique du drapé sur le corps féminin. Elles s’en prennent aussi aux tribuns du peuple de 1789 qui les femmes à leur foyer en leur offrant, maigre compensation, Marianne, comme symbole de la Révolution…
Pour cette mise en scène délirante et onirique, Emma Depoid a imaginé une scénographie accompagnant la libération progressive qui s’opère chez les élèves du stage d’autodéfense avec une salle d’escrime escamotable dont les murs s’écartent pour faire place à une aire de jeu s’ouvrant jusqu’aux sombres recoins du plateau.
Le collectif Marthe n’entend pas donner de leçons de féminisme et emploie humour caustique et dérision pour nous faire réfléchir, tout en goûtant le plaisir d’un jeu théâtral pétillant. Il nous offre un spectacle coup de poing qui, malgré quelques longueurs dans la deuxième partie, a de quoi réjouir le public. Jeune pour la plupart, il jubile et s’y reconnait. Il faut aller découvrir ce travail généreux et plein d’audace…
Mireille Davidovici
Du 23 au 26 juin, Théâtre de la Cité internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIV ème). T. : 01 43 13 50 50.
Du 29 juin au 2 juillet, Théâtre Dijon-Bourgogne (Côte-d’Or). Le 20 octobre, Festival des Femmes, Liège et le 23 octobre, Festival des Libertés, Bruxelles (Belgique).
Du 1 au 5 février, Théâtre du Point-du-Jour, Lyon (Rhône) ; les 8 et 9 février, Théâtre de l’Union, Limoges (Haute-Vienne); les 15 et 16 février, Domaine d’O, Montpellier. (Hérault);.
Les 24 et 25 février, Théâtre Joliette, Marseille (Bouches-du-Rhône).
Le 1er mars, Le Théâtre, Mâcon (Saône-et-Loire) et le 8 mars, Théâtre 61, Alençon (Orne).