Comme la mer, mon amour, texte, mise en scène et interprétation de Boutaïna El Fekkak et Abdellah Taïa

Comme la mer, mon amour, texte, mise en scène et interprétation de Boutaïna El Fekkak et Abdellah Taïa

 

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Dix-neuf ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Et elle avait interrompu brutalement leur histoire passionnée d’amitié-amour. Pour lui, gay, elle était l’unique femme de sa vie mais pour elle, un frère joueur à qui elle pouvait tout confier, ses amours hétéros, ses pensées, ses questions, dans un joyeux corps-à-corps, « comme la mer », à Salé, au Maroc. Et puis cette rencontre à Paris et ces retrouvailles auxquelles il faudra du temps : lui saigne encore de cet abandon inexplicable et elle, bourgeoise guindée, reste muette et « désolée ». Ils vont se retrouver dans la joie des films égyptiens qu’ils aimaient tant, là-bas.

Cette trouvaille emmène avec eux le spectateur. Musiques sucrées, couleurs douçâtres et sentimentalisme kitsch consolent, apaisent, avec humour et sans illusions. Merveilleuses machines à remonter le temps. Elle et Lui vont pouvoir se raconter, se heurter, danser « comme la mer », toujours. Ils se seront donné le droit d’être sensibles, émus, et même sentimentaux sans honte ni ridicule et nous le public, nous leur en saurons gré.

Avec plus de gravité, elle pourra déployer toute la branche de son histoire qu’elle avait coupée dans le vif. Histoire de sa famille, avec la mort de son père, favori du Pouvoir et de la chance, brusquement déchu et dépouillé, de sa rupture à elle avec le Maroc, trouvant refuge et appui auprès d’un étranger. Entre eux, la vie peut reprendre, avec ses mots durs, joyeux et souvent drôles.

Ne racontons pas trop, Boutaïna El Fekkak et Abdellah Taïa le font si bien… Après de premières lectures à Théâtre ouvert, il y a déjà trois ans, le spectacle de a suivi le chemin patient des résidences, entre autres à Lilas en scène et à la Filature de Mulhouse (festival Vagamondes, en janvier dernier), des représentations programmées et déprogrammées. Cette fois, ils ont pu jouer quatre soirs à Théâtre Ouvert et un au Théâtre de Chelles (Seine-et-Marne).

Ne pas manquez ce véritable petit bijou, fait d’une belle écriture précise, ciselée, qui nous met avec générosité face à nos propres émotions mais avec pudeur et sans faiblesse face à l’Histoire et à la politique. Un plaisir « fait maison », inattendu, avec juste ces comédiens-auteurs, un écran de cinéma et une bande-son.

Christine Friedel

Spectacle vu à Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris ( XX ème)

Les 22 et 23 octobre au Théâtre central de La Louvière (Belgique).

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Archive pour 1 juillet, 2021

En attendant les barbares d’après J. M. Coetzee, adaptation et mise en scène de Camille Bernon et Simon Bourgade

En attendant les barbares d’après J. M. Coetzee, adaptation et mise en scène de Camille Bernon et Simon Bourgade

L’auteur sud-africain (81 ans), auteur d’une œuvre importante, avait publié ce roman où on retrouve ses thèmes essentiels pour lui: engagement anti-apartheid et dénonciation du colonialisme, toute puissance de l’appareil d’Etat où les hauts fonctionnaires aux ordres et/ou humiliés, forcés d’obéir et broyés par la mécanique institutionnelle et où l’intimité des individus n’existe plus.

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Ou comment grâce à un système politique très bien construit, l’Etat peut arriver à prendre en étau le destin de milliers de femmes et d’hommes… Pas loin d’un univers kafkaïen où les individus voient leur vie basculer pour les motifs les plus obscurs. Avec au programme, désillusion, torture morale et/ou physique, déchéance mentale… Dans ce roman (1980),  J.M. Cotzee dénonce bien entendu la dictature qui sévissait dans son pays (sans jamais le citer) mais aussi le phénomène souvent sournois de la colonisation comme la France l’a pratiquée en Afrique du Nord mais aussi sur tout le continent africain, selon différentes modalités. Avec, en toile de fond,  l’impossible fusion entre les cultures de communautés dont l’une veut s’imposer de façon sournoise ou très autoritaire à l’autre… Avec toujours aussi quelques exceptions, comme pour mieux justifier une certaine bonne volonté de l’Etat dominateur. Ici, un magistrat dans sur un zone désertique représente l’ «Empire ». Nous sentons tout de suite qu’il est écartelé entre le Pouvoir dont il est le haut représentant -il doit obéir aux ordres venus d’en haut,  et sa vie personnelle! Il est en conflit avec un membre de la police politique venu en inspection sur ce territoire perdu qui fait penser au Désert des Tartares du célèbre roman de Dino Buzzati.

Il a en effet recueilli chez lui une jeune prisonnière d’une tribu nomade (qui mendiait dans la ville ce qui est strictement interdit) dont il est visiblement amoureux. Il va la soigner après les coups qu’elle a subis… Et il tentera de la ramener chez les siens : une très grave faute selon l’Officier  et qui va lui coûter cher. Il sera incarcéré et maltraité avant d’être finalement gracié et libéré. On peut comprendre que ce roman vingt ans après sa parution témoigne d’une réalité socio-politique restée très actuelle et qu’il ait pu séduire de jeunes metteurs en scène: il y a là un vrai scénario et les dialogues ciselés sont écrits avec une grande économie de mots mais parfois teinté d’humour.

Mais voilà, ici la dramaturgie est, disons, très laborieuse et l’excellent Didier Sandre, pratiquement tout le temps en scène, doit se livrer à un monologue sans fin. Il y a heureusement aussi quelques scènes avec l’officier de police politique (le non moins excellent Stéphane Varupenne). Et quelques moments avec Suliane Brahim. L’ensemble, à cause d’une médiocre direction d’acteurs  et d’une mise en scène  cahotante et sans beaucoup de rythme, manque singulièrement de solidité. Ce qui devrait être dur et tragique reste, à part quelques rares moments, d’une sécheresse où ne perce guère d’émotion. La faute aussi à  cette mise en scène affligée d’images vidéo en très gros plan des visages des personnages et recouvrant le jeu des acteurs qui tiennent la caméra… Un des pires stéréotypes du théâtre contemporain. Tous aux abris!  Et pourtant Camille Bernon et Simon Bourgade sortent du Conservatoire national. Que leur y a-t-on appris? Il y a aussi une scénographie bien réalisée mais un peu encombrante et hyperréaliste avec un escalier menant à la petite chambre de l’Administrateur.

Et comment croire une seconde à cette marche sous la neige qui tombe ? Eric Ruf a raison de faire appel à de de jeunes metteurs en scène comme Camille Bernon et Simon Bourgade, ou Léna Bréban qui prépare pour la rentrée un Sans Famille d’après Hector Malot. Mais encore une fois un dramaturge de la Maison de Molière -ou pas- aurait dû cornaquer cette adaptation qui n’a pas du tout la densité et la force du roman de J.M. Coetzee ! Il y a eu dans cette entreprise, un chaînon manquant! Dommage…

Et ces deux heures et quelque où la mise en scène fait du surplace, sont bien longuettes, même avec d’aussi formidables acteurs dans les rôles principaux. Il faudrait aussi qu’un jour cesse cette course à l’adaptation de romans au théâtre, comme si c’était la panacée…

Philippe du Vignal

Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème), jusqu’au 3 juillet.

 

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