Salomé d’après Richard Strauss, mise en scène de Franziska Kronfroth, musique et direction musicale de Roman Lemberg

Salomé d’après Richard Strauss, mise en scène de Franziska Kronfroth, musique et direction musicale de Roman Lemberg

Le Musiktheaterkollektiv Hauen und Stechen co-fondé en 2012 par les metteuses en scène Franziska Kronfoth et Julia Lwowski veut créer un théâtre musical polymorphe. Ses premières créations ont été jouées dans plusieurs maisons d’opéra allemandes et reviennent au Théâtre de l’Athénée à Paris où il avait présenté Notre Carmen. Pour bâtir cette Salomé, les metteuses en scène sont parties de l’opéra du compositeur qui s’était inspiré de la pièce éponyme d’Oscar Wilde, créée au Théâtre de l’Athénée (alors appelé Comédie Parisienne), le 11 février 1896. Mais son auteur était absent en prison à Londres…

Le collectif Hauen und Stechen est revenu au texte de l’écrivain avec un détour par Hérodias de Gustave Flaubert, source du drame anglais mais aussi par la Bible et Moralités légendaires de Jules Laforgue… On retrouve aussi La Tragédie de Salomé, une chorégraphie de l’Américaine Loïe Fuller créée en 1907 dans ce même théâtre. Cette pionnière de l’abstraction dansée est restée célèbre pour sa Danse serpentine. A ce jeu de références multiples, s’ajoutent des textes issus d’un travail dit « d’écriture au plateau »… On pourrait qualifier de cubiste, ce spectacle où les actions se superposent avec une fable réduite à sa plus simple expression, adaptée du livret de Richard Strauss et fidèle à la pièce d’Oscar Wilde. Salomé, belle-fille du roi Hérode, curieuse des prophéties de Jochanaan (Jean-Baptiste) emprisonné par le Tétrarque, convainc le gardien-chef Narraboth, de libérer Jochanaan dont elle se prend de passion, au grand dam de Narraboth qui se suicide… Le prophète est reconduit en prison et Salomé demande sa tête à son beau-père, en récompense d’une danse qu’elle lui a accordée en privé. La jeune femme ne pourra baiser que la tête coupée de celui qu’elle aime… Hérode, terrifié, donne l’ordre de tuer Salomé.

 Ce personnage ici est joué par cinq actrices et chanteuses dont une ogresse géante ou une séductrice jeune première. La scénographie imbrique voiles, tentures ou, en contraste, des éléments de cabaret pop, tubes fluo et projections vidéo. Dans ce décor de bric et de broc, se décomposent et se recomposent des chorégraphies sans aucune grâce orientale, s’apparentent souvent à de la pantomime et les costumes, de style hybride, sont d’une laideur délibérée…. Les séquences se répètent obsessionnellement: soit chantées, dansées, parlées en allemand, français ou anglais. La caméra les relaye en gros plans sur différents supports, en s’attardant sur un infime détail. On évoque la légende de Salomé transposée en drame contemporain où l’exotique côtoie le «grunge» : Narraboth ne se poignarde pas mais avale des barbituriques. Et la mythologie sumérienne trouve une place de choix avec la descente aux enfers de la déesse Ishtar à travers les sept portes et un numéro de cabaret maladroit. On voit aussi la passion du Christ annoncée par Jean-Baptiste…

 «Salomé n’est pas seule ici, disent les metteuses en scène. Ses incantations se multiplient dans les illustres réinterprétations qui explorent les secrets de l’amour et de la mort (…) Dont la lune est le témoin brillant et silencieux. » Elles évoquent aussi le fantôme de Loïe Fuller hantant l’Athénée avec sa danse enveloppée de voiles, et ses serpents… Sur l’air de La Danse des sept voiles, le plus connu de l’opéra, se clôt cette Salomé après une longue séquence de manipulation de la tête coupée du prophète. Le spectacle revisité et plein d’idées mais brouillon, est partiellement sauvé par la musique très inventive de Roman Lemberg qui, avec des sonorités et une facture contemporaines, retrouve les accents romantiques wagnériens de Richard Strauss. Sur scène, au piano, en compagnie de Louis Bona (alto), Ni Fan (percussions) et Max Murray (tuba), le compositeur a su s’adapter à un travail collectif dont le résultat laisse à désirer et  qui n’est pas à la hauteur des ambitions affichées par le collectif Hauen und Stechen.

C’est l’un des derniers spectacles programmés par Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée qui avait orienté ce théâtre de statut privé financé par l’Etat, vers une programmation musicale ambitieuse. Il va quitter ses fonctions après de vaines tentatives auprès de la ministre de la Culture pour que cette salle historique reste dans le théâtre public. Il avait proposé de créer une fondation pour la gérer mais Roselyne Bahcelot en a décidé autrement. Aussi, de guerre lasse et après bien des atermoiements, a-t-il cédé les parts de cette S.A.R.L. à Olivier Mantei et Olivier Poubelle, propriétaires des Bouffes du Nord qui ont promis de garder l’ensemble du personnel et l’esprit du lieu. A suivre…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 29 juin, Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, square Louis Jouvet, Paris (IX ème).

 

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