Peer Gynt, d’après Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène d’Anne-Laure Liégeois

Peer Gynt, d’après Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

Quelqu’un de pas bien intéressant à priori, ce Peer Gynt, un peu mauvais garçon qui donne du souci à sa mère et que le village regarde de travers. Pas entièrement à tort : il est capable, avec ses belles histoires, d’enlever une mariée le jour de ses noces, un acte «énorme ». Et pour quoi ? Pour rien, pour le désir d’un instant.

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Peer est pourtant capable de rencontrer l’amour et de le reconnaître, ce qui le fait fuir… Elle s’appelle Solveig et l‘attendra toute sa vie, la Marguerite de ce Faust sans ambition mais aux désirs sans fin. Il aura tout, l’aventure, le danger: épouser la fille du roi des Trolls et être trollé à vie ! l’exotisme, avec le mystère du Sphinx égyptien, l‘Orient en pacha flirtant avec la danseuse Anitra qui vous croquerait des bijoux comme des bonbons, la super-richesse à l’américaine… Et à la fin ? Il reste à l’éternel adolescent ses mains vides, de nouvelles histoires à raconter, et, au bout de l‘histoire, la vérité de l’amour. Il a de la chance : il est resté « lui-même ». Être soi-même, grande question pour Ibsen, traitée cette fois sous la forme, non plus du drame mais du conte.

La mise en scène d’Anne-Laure Liégeois donne tout de suite son intensité et son rythme à l’épopée de ce Monsieur-tout-le-monde, avec une différence: Peer Gynt réalise, en toute vanité, ce que chacun rêve mais n’ose pas. La scénographie qu’elle a créée avec Aurélie Thomas, nous emmène de monde en monde à la vitesse du rêve : les rideaux tombent l’un après l’autre du fond de scène qui s’ouvrira à la fin, selon le rituel du Théâtre du Peuple, sur une forêt plus magique que jamais. Chaque scène retire le tapis sous les pieds de la scène suivante… Même réactivité avec les lumières de Guillaume Tesson. Une mise en scène concrète, efficace, avec les beaux costumes de Séverine Thiébault faits de bric et de broc, heureusement récupérés et choisis à la hauteur du conte. De belles images à la fois drôles et précises.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Efficace ne veut pas dire facile  Ibsen est bien traité, dans toute son intelligence. On a dit que Peer Gynt était une vision de lui-même, à la fois fortement enraciné dans sa Norvège et errant dans toute l’Europe. Mais c’est aussi l’épopée de l’homme moderne agité, « trollé » par ses désirs et capable de faire un retour en arrière sur sa vie. Comment en montrer le temps? Anne-Laure Liégeois a trouvé une très belle image, le passage de témoin entre un Peer Gynt jeune et le Peer Gynt devenu adulte (enfin, pas vraiment…) aux mains du fils puis du père, Ulysse et Olivier Dutilloy. Bel échange et étonnante vision inversée de la transmission. Eh ! oui, nos enfants nous font parents, aussi…

La transmission, c’est aussi celle de l’équipe (réduite) de comédiens amateurs de Bussang. Amateurs : on devrait dire passionnés, engagés pour le théâtre et, selon la devise du Théâtre du Peuple, « par l’Art pour l‘Humanité ». Pour les plus jeunes, peut-être une entrée dans le métier. Pour d’autres, plonger dans la marmite le temps du spectacle, quitte à prendre un congé et à laisser pour un temps d’autres activités. Quatre semaines de répétition ont suffi pour souder la troupe au complet : scènes d’ensemble ou scènes à deux fonctionnent sans perte d’énergie, dans une coordination parfaite. Que demande le peuple…

Peer Gynt est fait pour le Théâtre du Peuple, on le savait depuis la mise en scène de Philippe Berling en 1996, déjà bien dans ses bottes dès la deuxième « générale » devant un public restreint. Il tiendra tout juillet dans la grande nef du Théâtre du Peuple–Maurice Pottecher (qui mérite plus que jamais ses majuscules). En août, prendront le relais deux mises en scène de Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple : Leurs enfants après eux, du lorrain Nicolas Mathieu (prix Goncourt 2018), avec les étudiants de la 80e promotion de l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, et Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, de Stig Dagerman, qu’il jouera lui-même, avec une création musicale du groupe Fergessen. Voilà de bonnes nouvelles de l’Est ; le voyage en vaut la peine, entre le calme, la verdure et la ferveur de ce temple laïc du théâtre où l’assemblée, le cercle des amateurs et des connaisseurs, a du sens.

Christine Friedel

Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher, 4 rue du Théâtre, Bussang (Vosges). T.03 29 61 50 48

Peer Gynt : du jeudi au dimanche à 15 h, jusqu’au 1er août.
Leurs Enfants après eux : du jeudi au dimanche à 15 h, du 1er août au 4 septembre Notre Besoin de consolation est impossible à rassasier : les week-ends à 12h , du 24 juillet au 4 septembre.

 

 

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