Adieu Michel Dubois

Adieu Michel Dubois

 

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Né en Suisse il y a quatre vint quatre ans, il suivit l’école du Théâtre National de Stsrabourg, alors dirigé par Hubert Gignoux. Il fut ensuite très vite  comédien et assistant du grand Jean Dasté à la Comédie de Saint-Etienne  où il mit en scène entre autres, Andorra de Max Frisch, La double Inconstance de Marivaux, La dernière Bande de Samuel Beckett…

En 1971, Michel Dubois succèdera à Jo Tréhard, directeur de la Comédie de Caen-Centre Dramatique National. Avec son collaborateur Claude Yersin, homme d’une grande culture, il aura le courage – ce qui n’était pas si fréquent à l’époque- de créer des pièces d’auteurs contemporains français comme Jean-Paul Wenzel, Michel Vinaver ou allemands comme comme Botho Strauss avec un tout à fait remarquable Le Temps et la Chambre, Peter Handke, Fassbinder, Kroetz,  Brecht…

Mais il monta aussi par la suite des pièces plus classiques mais souvent peu ou mal connues, de grands dramaturges : Shakespeare, Musset, Gorki, Sophocle, Lenz, Kleist, Strindberg, Mairet, Congreve, Pirandello, Schnitzler, Büchner, Molière et de contemporains très différents les uns des autres  comme Achtenbusch, Duras, Cormann, Agota Kristof, Belbel, G.B. Shaw, …
 Puis, en 97, il dirigea le Nouveau Théâtre de Besançon où  il y travailla avec notre collaboratrice Christine Friedel. Il y mit en scène des auteurs alors peu connus du grand public comme Hrabal, Barker, Witkiewicz mais aussi et toujours, de grands classiques: Ibsen, Pirandello, Shakespeare.
 Michel Dubois présidera aussi le Syndeac  de 91 à 94 et le Centre National du Théâtre de 2002 à 2006. Et il  fut un temps adjoint à la Culture dans l’équipe municipale de Caen jusqu’en 2009. Nous l’avions vu encore assez souvent aux premières du Centre Dramatique National de Caen alors dirigé par Jean Lambert-wild mais il nous avoua être fatigué du théâtre en général et préférer maintenant  faire de la peinture.
Ce très bon mais discret metteur en scène fut pourtant et très injustement, souvent mal considéré par certains critiques.  Loin d’avoir démérité, il aura été un excellent artisan de ce qu’on appela la décentralisation et aura eu le grand mérite de monter des auteurs étrangers dont beaucoup sont maintenant des classiques du théâtre contemporain…

Philippe du Vignal


Archive pour 8 juillet, 2021

Théâtralité de la danse : trente-deuxième édition du festival Arte flamenco à Mont-de-Marsan

Théâtralité de la danse : trente-deuxième édition du festival Arte flamenco à Mont-de-Marsan

 Le syndrome avignonnais prend des allures pandémiques. La technique du comédien s’est imposée à tout le champ social. Dans la sphère politique, bien entendu elle a remplacé la rhétorique et nos gouvernants exploitent dans leurs discours ou leur comportement, les cours de théâtre pour amateurs qu’ils ont suivis dans leur jeunesse. Dans le champ culturel, toutes disciplines confondues,l’art de Terpsichore a fait la part belle aux adeptes de Thalie, misant depuis belle lurette sur la notion hybride de « danse-théâtre ».

L’art dit conceptuel, l’anti-danse ou la non-danse qui prétendent faire performance de tout bois et action, de tout non-événement, usent aussi des vieux trucs de comédien. En transformant les dites « propositions » et lectures de textes, en rituels et  appels à la participation (comme dans les années soixante), redevenus de nos jours, des objets à contempler.

 Le flamenco n’échappe pas à ce mouvement dont nous avons perçu les signes à ce festival, avec dans le off, un avant-programme dit de la « bodega ». Une tendance déjà observée par Caballero Bonald dans La Danse andalouse quand la pratique populaire, devenue spectacle au milieu du XIX ème siècle avec les cafés chantants. « L’attrait empoisonné des planches obscurcit la libre expression d’un art qui n’était pas fait pour être divulgué devant un public profane ».

La résidence de Nicolas Saez à Mont-de-Marsan nous a permis de découvrir la danseuse Léa Linares. Elle soigne particulièrement son look, évoluant d’abord en costume cordouan masculin à taille haute, démarqué de celui de Carmen Amaya dans ses films des années quarante, puis en robe longue d’un rose pâle tirant sur le lie de vin, nous ce qui nous change de la bata de cola et des volants à pois… Et elle finir en complet veston d’homme en jean (pimenté, il est vrai d’un justaucorps noir en résille !), prête à expédier les affaires courantes…

 

© Nicolas Villodre

© Nicolas Villodre

Le danseur Farruquito a eu droit, compte tenu de son statut, à la grande scène des arènes du Plumaçon. Il est apparu flamboyant en veste à paillettes mais dont il ne s’est pas contenté pour briller. Ce virtuose du baile n’en est pas moins homme avec des réflexes d’illusionniste, tics de mime et manières de bateleur.
Contrôle corporel total : il joue sur les contrastes d’expression, les mimiques et sourires, comme sur les efforts musculaires et la dépense d’énergie. Il est lui-même et cet autre qu’il incarne totalement et qui varie à tout instant. Le lendemain de cette remarquable prestation, au moment des tapas, les planches de la bodega étaient réservées aux amateurs, aux semi-pros et aux artistes émergents. Mais aussi aux stagiaires jouant les ménines et aux gentes dames d’un certain âge et d’une autre époque, en robe de deuil, à la recherche d’unisson – idéal esthétique de certains chorégraphes. Ces « élèves de baile avancé » nous ont touché, moins par leur acquis technique, que par leur maladresse…

 Quant à la bailaora Angeles Gabaldón, qui selon nous, a pris pour modèle la Argentina, c’est une experte en matière de palillos. Elle a dansé avec son sourire, avec esprit également et a remplacé les castagnettes par un éventail dont elle joue à merveille. Face au lunaire Rafael Riqueni, la danseuse Rocío Molina se montre multi-facettes.

Rocío Molina © Nicolas VillodreSa danse est plus sage et parait maintenant couler de source; les expressions du visage, trépignements et mudras se sont mis au pas. Elle emprunte du Japon la lenteur, au nô et l’audace, au butô. Elle tire avantage aussi de la scénographie en transformant le tapis de sol en une immense robe de mariée pour une danse serpentine. Et disparaissant  derrière un écran, elle laisse parler la lumière….


Nicolas Villodre

 

Le festival Arte flamenco de Mont-de-Marsan (Landes) a eu lieu du 29 juin au 3 juillet.

 

 

 

 

 

Festival de Marseille 2021 : Laboratoire Poison 3 d’Adeline Rosenstein ; Ils savaient pas qu’ils étaient dans le monde par le groupe Crisis ;

Festival de Marseille 2021

 Jan Goossens, à propos du festival

 « A mon arrivée, en 2016, j’ai défini de nouvelles orientations, dit le directeur : mettre en valeur Marseille à l’image de la Ville, comme territoire de création avec ses artistes, en lien avec le monde méditerranéen.» Il quittera ses fonctions cette année après y avoir imprimé sa marque : «Un changement d’ADN : d’un festival de danse et de diffusion, à une manifestation multidisciplinaire et de création en phase avec le continent africain. »

Pour cette édition, à cause du covid, plus d’un tiers des trente-cinq propositions artistiques sont celles de compagnies implantées ici comme celle du chorégraphe et vidéaste Eric Minh Cuong Castaing, le trio artistique (LA)HORDE, à la tête du Ballet national de Marseille, la jeune Nach qui développe le style krump (voir Le Théâtre du Blog) ou, pour le théâtre, le groupe Crisis… Sont accueillis aussi des artistes bien connus comme Olivier Dubois avec des danseurs et musiciens du Caire, ou Alain Platel… Et, dans le cadre de la Saison Africa 2020, le chorégraphe mozambicain Panaibra Gabriel Canda, les Égyptiens Nasa4Nasa, Selma et Sofiane Ouissi, Malek Sebaï… Pour la première fois, le festival de Marseille, après une première salve du 17 juin au 11 juillet, reprendra fin août…

«Venant du Théâtre Royal Flamand de Bruxelles, j’avais l’habitude des territoires compliqués, dit Jan Goossens. Et comme nous n’avons pas de lieu propre, il a fallu nouer des partenariats.» 15 structures accueillent les 35  propositions artistiques de cette édition : dont le MUCEM, La Vieille Charité, le Théâtre de la Criée, La Friche de la Belle de Mai, le Théâtre de la Joliette ou le KLAP-Maison de la danse… Jan Goossens laisse à son successeur dont la nomination est imminente, le soin de continuer sur la voie de la diversité. Il va rejoindre sa Belgique natale pour préparer la candidature de Bruxelles-Capitale européenne de la Culture 2030. Mission qu’il mènera en parallèle avec le festival Dream City, une biennale de création urbaine dans la Medina de Tunis, initiée par l’association Art Rue qui, depuis 2007, investit l’espace public pour proposer des interactions entre les différentes populations, y compris les gens de passage.. « 

Ils savaient pas qu’ils étaient dans le monde par le groupe Crisis

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© Pierre-Gondard

Sur scène, quelques plots et briquettes de bois épars… Maxime Lévèque et Nolwenn Peterschmitt les assemblent en petits monticules et pans de mur, à mesure qu’ils plongent leur regard sur diverses architectures du monde. A commencer par la gare monumentale d’Anvers aux volumes démesurés, édifiée à l’époque où Léopold ll s’appropriait le Congo. « Il avait besoin d’une architecture à la mesure de sa colonie ! »

Leur exploration s’appuie sur la démarche de la philosophe Marie-Josée Mondzain : elle se demande, dans Le Commerce des regards, Qu’est-ce que voir ? Que nous disent les images, comment apprendre à voir les messages qu’elles délivrent ? . Il s’agit pour les acteurs de déchiffrer le monde sous la surface des choses et des lieux, et d’en dégager les signifiants.

Après plusieurs voyages  à Jéricho, Bruxelles, Tel Aviv, Hébron, le duo s’est focalisé sur Wadi Fukin, un village palestinien coincé au fond d’une vallée, entre deux colonies israéliennes en Cisjordanie. Sur des superficies identiques, le village compte 1.168 habitants contre 56.750 chez les colons. Rapport de force inégal souligné par des immeubles dressés, telles des fortifications, à flanc de montagne et dominés par un mirador.

L’architecte israélien Sharon Rotbard a étudié cette «architecture d’occupation», caractéristique de son pays et similaire à celle du Goulag. Nolwenn Peterschmitt et Maxime Lévèque décryptent, à travers l’habitat, photos et données à l’appui, les mécanismes de colonisation des territoires. Deux parcours croisés, à la fois personnels et documentaires, tout en finesse et humour.

Le groupe Crisis, fondé par Hayet Darwich, Laurène Fardeau et Nolwenn Peterschmitt, est basé à Marseille et rassemble des comédiens et danseurs autour de projets documentaires où ils interrogent le monde. Nolwenn Peterschmitt s’embarque pour un spectacle de danse qu’elle construira à partir de la danse de Saint-Guy, une épidémie qui se développa notamment à Strasbourg au XlV ème siècle. Cette maladie infectieuse du système nerveux central se traduit par des gestes incontrôlés.
Un groupe à suivre…

Laboratoire Poison 3 d’Adeline Rosenstein

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© Pierre-Gondard_

 Après la série Décris-ravage, sur la question de la Palestine (prix de la Critique 2014 et prix SACD 2016), la metteuse en scène-comédienne et auteure genevoise, installée en Belgique depuis 2008, s’est lancée dans un nouveau projet documentaire Poison 1,2,3. Un triptyque issu de plusieurs résidences dans la cité phocéenne. «Un spectacle né du constat qu’on ne parvient plus à produire, en tout cas depuis les lieux de production artistique. C’est une opposition ferme et collective contre le système mais avec  une résistance minée par notre habitude de la débrouille, de la négociation, chacun de son coté. » Selon elle, aujourd’hui, les puissants sont plus forts et on a beau ruser pour saper le système, bien souvent le système nous dévore. Des compromis, à la trahison, il n’y a qu’un pas : le Pouvoir a ses stratégies comme l’arme psychologique, la propagande, la corruption…

Le poison, c’est la traîtrise distillée à petites doses au sein des groupes rebelles. Un chemin où l’on fait un pas, puis un autre et où finalement, on se retrouve de l’autre bord. Adeline Rosenstein se livre à une brillante analyse des rapports de force, en évoquant des luttes de libération emblématiques : la Résistance française, la Guerre d’Algérie et la décolonisation du Congo… A partir de témoignages, enquêtes historiques, documents d’archives, elle met en scène des situations concrètes où elle décortique les différentes postures qu’on adopte face à l’ennemi et comment il réplique. On voit ainsi d’anciens héros de la Résistance française, devenus tortionnaires en Algérie. Ou comment Patrice Lumumba est arrivé au pouvoir et comment ses compagnons de lutte, soudoyés par les Belges, l’ont fait assassiner…

Avec une formation de clown avec Pierre Dubey à Genève, l’artiste a appris la puissance du langage corporel. A la complexité de l’Histoire, elle répond par la simplicité d’une dialectique implacable et invente un théâtre de petits gestes où les acteurs entrent avec légèreté dans la peau de ces héros, traîtres ou demi-sel, en adoptant des attitudes plus parlantes que les mots. Ils composent des sortes de clichés instantanés, pris sur le vif de l’Histoire. Des photomontages amusants et instructifs. Nous nous délectons de cette intelligence pétillante qu’ils mettent à la gloire des combattants de la liberté et où l’érudition côtoie humour et émotion. Une vraie découverte.

 Mireille Davidovici

Spectacles vus le 3 juillet à la Friche de la Belle de mai ( Marseille).

Festival de Marseille du 17 juin au 11 juillet, et du 24 au 28 août 17, rue de la République Marseille (IIème) T. : +33 (0)4 91 99 00 20 ; info@festivaldemarseille.com

 Ils savaient pas qu’ils étaient dans le monde du 10 au 13 novembre,Le Colombier, Bagnolet (Seine-Saint-Denis)

Laboratoire Poison, les 13, 14 et 15 octobre, Halles de Schaerbeek, Bruxelles. Les 18, et 19 octobre, Théâtre Dijon-Bourgogne Dijon (Côte-d’Or) et les 21 et 22 octobre, Festival Sens Interdit, Lyon (Rhône).

 

La Ronde, d’Arthur Schnitzler, adaptation et mise en scène de Natascha Rudolf

La Ronde d’Arthur Schnitzler, adaptation et mise en scène de Natascha Rudolf

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De bras en bras, la prostituée rencontre le soldat, qui rencontre la femme de chambre, qui rencontre le jeune Monsieur… L’auteur expérimente non sans amertume le jeu entre fonctions sociales et attraction sexuelle. Évidemment, sa pièce fit scandale dès sa publication en 1903 et  fut censurée l’année suivante. Il fallut attendre 1920 pour la voir sur scène. Bien sûr, le docteur Schnitzler -laryngologue comme son père- soigna actrices et cantatrices et fut salué par Sigmund Freud. La Ronde nous concerne toujours, nous intrigue et garde sa force subversive.

Natasha Rudolf n’illustre pas la galerie de personnages sociaux de La Ronde. En toute rigueur et avec la virtuosité qu’elle demande à Fanny Touron et Arnaud Chéron, elle concentre l’attention sur le signe minimal de la fonction et du pouvoir social de chacun. Pas besoin de costumes 1900 ; la détresse de la prostituée dont l’ insistance maladroite dit assez son besoin d’amour et de pain. Tout comme la lassitude du soldat et l’ambivalence de ses désirs : une femme, peut-être, mais surtout le repos.
Et ainsi de suite: la femme de chambre résiste au soldat: que deviendra-t-elle si elle est chassée par ses patrons ? Mais elle cède quand même à l’obscure attraction du sexe et à l’espoir de l’amour. La femme mariée n’avouera pas un écart, son mari amoureux et fidèle ira voir ailleurs dans le déséquilibre perpétuel et le jeu de quilles renversées faisant tourner cette ronde. Arthur Schnitzler ne se prive pas non plus de la satire et épingle ainsi un écrivain qui croit sa modeste et joyeuse partenaire attirée par sa célébrité alors qu’elle en ignore tout… Sic transit gloria mundi…

En deux gestes et un drap, les comédiens passent d’un monde à l’autre, déroulent une sociologie précise et les malentendus de la relation amoureuse. Surtout ils vont à l’essentiel, à l’obscur objet du désir, à ce que le sexe impose, à cette attraction troublée de répulsion et cette chute brutale de l’ « animal triste». Arthur Schnitzler n’est ni tendre ni léger, même si, comme dans  une nouvelle, Mademoiselle Else , « L’air est comme du champagne ». D’une extase sans douceur, mélancolique, naît pourtant, encore et toujours, un nouvel élan vital et le fantôme puissant de l’amour.

De la première rencontre, à la boucle finale, Fanny Touron et Arnaud Chéron mènent la danse, prennent tous les risques en sportifs de haut niveau. Chapeau et merci à eux pour leur performance souvent grave et parfois drôle…

Christine Friedel

Présence Pasteur, 13 rue du Pont-Trouca (Avignon, ( Vaucluse) à 12h30 et à 15h10T. : 07 89 74 20 05 et 04 32 74 18 54

 

 

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Penthésilé.e.s Amazonomachie, conception et mise en scène de Laëtitia Guédon, texte de Marie Dilasser

Penthésilé.e.s Amazonomachie, conception et mise en scène de Laëtitia Guédon, texte de Marie Dilasser

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Peut-être faut-il une bataille à mort pour que les anciens adversaires puissent renaître. Laëtitia Guédon et Marie Dilasser sont parties d’un mythe étrange : le combat entre Achille et les Amazones, ces femmes sans hommes, sinon pour procréer de nouvelles générations de femmes sans hommes. Mais une passion dévorante ravage leur reine et Achille. Absorber l’autre, le dévorer, se l’incorporer, c’est toute l’affaire: violente! Après un long processus et bien des secousses, conflits et règlements de comptes, elle pourra  sans doute s’apaiser.

Penthésilée meurt avec l’écho des chiens et le galop fou de sa jument. Cérémonie funèbre, transe : le passage à une autre forme de l’être est tout entier dans ce mouvement. Et il faut le chant double -chant de gorge trouvé dans ses racines inuites et voix de tête- de Marie-Pascale Dubé pour amener le spectateur à s’en approcher. Il faut que sa vibration, sa basse continue résonne longtemps pour qu’enfin la voix de Lorry Hardel puisse parvenir à la parole articulée.

Apparaît un Achille muet et empêché. Ses questions et courtes phrases s’écrivent sur les images du cyclorama. Jusqu’à ce que la danse lui soit permise, où il peut laisser entrer en lui et s’exprimer l’esprit du cheval, qu’il partage avec le peuple des Amazones. « Mon peuple, c’était Patrocle». Achille dit n’avoir pas de peuple mais un alter ego.  Mais pas d »alter égales » : tout le travail sera de les trouver en abolissant les limites et les frontières du vivant.

Le spectacle a bougé depuis les intentions initiales de Laëtitia Guédon. La violence non admise, inadmissible, du pouvoir féminin n’est plus au centre et se dégage du « manifeste » de Marie Dilasser, une quête absolue, exhaustive, de l’abolition des sexes (si on se réfère à l’étymologie : couper, séparer, de la perméabilité du vivant :«Je ne suis pas plus importante qu’une plante» mais en commençant par l’élimination de toutes les violences faites aux femmes. Une longue liste comprenant celles économiques, symboliques, et les pesanteurs d’un passé surtout machiste. L’écolo-féminisme est un des aspects de ce règlement de comptes, parfois très concret, souvent cru et brutal, et empesé de termes abstraits et explicatifs… Un terrain dangereux au théâtre.

Le texte de Marie Dilasser est « trop» : d’abord comme amazonomachie: une guerre à mort entre femmes et hommes (le F est avant le H dans l’alphabet) et aussi dans sa volonté d’exhaustivité. Le spectacle lui-même ne ressemble à rien de connu. Les vidéos panoramiques de Benoît Lahoz se succèdent, en fondu enchaîné, évocatrices et poétiques. Le ciel se végétalise, les villes s’envolent en fumée –mémoire de la guerre de Troie- la mer se noie. On y voit passer un temps incertain.

À l’ouverture et à la fin du spectacle,il y a un pont musical entre la partition originelle de Marie-Pascale Dubé et les chants funèbres, baroques ou populaires (on pense aux recherches de Giovanna Marini) portés par Sonia Bonny, Juliette Budet, Lucile Pouthier et Mathilde de Carné, impeccables interprètes et comédiennes. Ce chœur, arrivé tard dans la tragédie -mais en est-ce vraiment une?- accompagne avec son chant de deuil, l’immense tâche de transformation proposée par l’auteure.

Dans le titre Penthésilé.e.s, l’orthographe inclusive trouve une nouvelle fonction : révéler le féminin caché dans le faux neutre qu’est le masculin, celui qui  l’emporte mais aussi mener au dépassement du genre, pour arriver à un nous largement ouvert, à construire. Cela ne se fera pas sans règlements de comptes, et rudes, ni sans courir le risque d’y perdre la raison, le temps de parvenir à une toute nouvelle vision du monde. Rien que cela. Il fallait oser.

Christine Friedel

Tinel de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon (Gard) à 16 h, les 7, 8, 10, 11, et 13 juillet.

Les 17 et 18 novembre, Théâtre des Îlets, Centre Dramatique national de Montluçon.

Les 24 et 25 novembre, Comédie de Colmar, Centre dramatique national Grand Est Alsace.

Du 30 novembre au 2 décembre, Comédie de Caen, Centre Dramatique National de Normandie (Calvados).

Du 14 au 16 décembre, MAC-Scène Nationale de Créteil (Val-de Marne)

Le 13 janvier 2022 à la Faïencerie-Scène conventionnée de Creil (Oise)

Les 28 et 29 janvier à Tropiques Atrium-Scène Nationale de Martinique

Les 4 et 5 février à l’Archipel Scène Nationale de la Guadeloupe

Du 6 au 22 mai au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes.

 

 

 

 

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