La Ronde, d’Arthur Schnitzler, adaptation et mise en scène de Natascha Rudolf

La Ronde d’Arthur Schnitzler, adaptation et mise en scène de Natascha Rudolf

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De bras en bras, la prostituée rencontre le soldat, qui rencontre la femme de chambre, qui rencontre le jeune Monsieur… L’auteur expérimente non sans amertume le jeu entre fonctions sociales et attraction sexuelle. Évidemment, sa pièce fit scandale dès sa publication en 1903 et  fut censurée l’année suivante. Il fallut attendre 1920 pour la voir sur scène. Bien sûr, le docteur Schnitzler -laryngologue comme son père- soigna actrices et cantatrices et fut salué par Sigmund Freud. La Ronde nous concerne toujours, nous intrigue et garde sa force subversive.

Natasha Rudolf n’illustre pas la galerie de personnages sociaux de La Ronde. En toute rigueur et avec la virtuosité qu’elle demande à Fanny Touron et Arnaud Chéron, elle concentre l’attention sur le signe minimal de la fonction et du pouvoir social de chacun. Pas besoin de costumes 1900 ; la détresse de la prostituée dont l’ insistance maladroite dit assez son besoin d’amour et de pain. Tout comme la lassitude du soldat et l’ambivalence de ses désirs : une femme, peut-être, mais surtout le repos.
Et ainsi de suite: la femme de chambre résiste au soldat: que deviendra-t-elle si elle est chassée par ses patrons ? Mais elle cède quand même à l’obscure attraction du sexe et à l’espoir de l’amour. La femme mariée n’avouera pas un écart, son mari amoureux et fidèle ira voir ailleurs dans le déséquilibre perpétuel et le jeu de quilles renversées faisant tourner cette ronde. Arthur Schnitzler ne se prive pas non plus de la satire et épingle ainsi un écrivain qui croit sa modeste et joyeuse partenaire attirée par sa célébrité alors qu’elle en ignore tout… Sic transit gloria mundi…

En deux gestes et un drap, les comédiens passent d’un monde à l’autre, déroulent une sociologie précise et les malentendus de la relation amoureuse. Surtout ils vont à l’essentiel, à l’obscur objet du désir, à ce que le sexe impose, à cette attraction troublée de répulsion et cette chute brutale de l’ « animal triste». Arthur Schnitzler n’est ni tendre ni léger, même si, comme dans  une nouvelle, Mademoiselle Else , « L’air est comme du champagne ». D’une extase sans douceur, mélancolique, naît pourtant, encore et toujours, un nouvel élan vital et le fantôme puissant de l’amour.

De la première rencontre, à la boucle finale, Fanny Touron et Arnaud Chéron mènent la danse, prennent tous les risques en sportifs de haut niveau. Chapeau et merci à eux pour leur performance souvent grave et parfois drôle…

Christine Friedel

Présence Pasteur, 13 rue du Pont-Trouca (Avignon, ( Vaucluse) à 12h30 et à 15h10T. : 07 89 74 20 05 et 04 32 74 18 54

 

 

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