Penthésilé.e.s Amazonomachie, conception et mise en scène de Laëtitia Guédon, texte de Marie Dilasser

Penthésilé.e.s Amazonomachie, conception et mise en scène de Laëtitia Guédon, texte de Marie Dilasser

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Peut-être faut-il une bataille à mort pour que les anciens adversaires puissent renaître. Laëtitia Guédon et Marie Dilasser sont parties d’un mythe étrange : le combat entre Achille et les Amazones, ces femmes sans hommes, sinon pour procréer de nouvelles générations de femmes sans hommes. Mais une passion dévorante ravage leur reine et Achille. Absorber l’autre, le dévorer, se l’incorporer, c’est toute l’affaire: violente! Après un long processus et bien des secousses, conflits et règlements de comptes, elle pourra  sans doute s’apaiser.

Penthésilée meurt avec l’écho des chiens et le galop fou de sa jument. Cérémonie funèbre, transe : le passage à une autre forme de l’être est tout entier dans ce mouvement. Et il faut le chant double -chant de gorge trouvé dans ses racines inuites et voix de tête- de Marie-Pascale Dubé pour amener le spectateur à s’en approcher. Il faut que sa vibration, sa basse continue résonne longtemps pour qu’enfin la voix de Lorry Hardel puisse parvenir à la parole articulée.

Apparaît un Achille muet et empêché. Ses questions et courtes phrases s’écrivent sur les images du cyclorama. Jusqu’à ce que la danse lui soit permise, où il peut laisser entrer en lui et s’exprimer l’esprit du cheval, qu’il partage avec le peuple des Amazones. « Mon peuple, c’était Patrocle». Achille dit n’avoir pas de peuple mais un alter ego.  Mais pas d »alter égales » : tout le travail sera de les trouver en abolissant les limites et les frontières du vivant.

Le spectacle a bougé depuis les intentions initiales de Laëtitia Guédon. La violence non admise, inadmissible, du pouvoir féminin n’est plus au centre et se dégage du « manifeste » de Marie Dilasser, une quête absolue, exhaustive, de l’abolition des sexes (si on se réfère à l’étymologie : couper, séparer, de la perméabilité du vivant :«Je ne suis pas plus importante qu’une plante» mais en commençant par l’élimination de toutes les violences faites aux femmes. Une longue liste comprenant celles économiques, symboliques, et les pesanteurs d’un passé surtout machiste. L’écolo-féminisme est un des aspects de ce règlement de comptes, parfois très concret, souvent cru et brutal, et empesé de termes abstraits et explicatifs… Un terrain dangereux au théâtre.

Le texte de Marie Dilasser est « trop» : d’abord comme amazonomachie: une guerre à mort entre femmes et hommes (le F est avant le H dans l’alphabet) et aussi dans sa volonté d’exhaustivité. Le spectacle lui-même ne ressemble à rien de connu. Les vidéos panoramiques de Benoît Lahoz se succèdent, en fondu enchaîné, évocatrices et poétiques. Le ciel se végétalise, les villes s’envolent en fumée –mémoire de la guerre de Troie- la mer se noie. On y voit passer un temps incertain.

À l’ouverture et à la fin du spectacle,il y a un pont musical entre la partition originelle de Marie-Pascale Dubé et les chants funèbres, baroques ou populaires (on pense aux recherches de Giovanna Marini) portés par Sonia Bonny, Juliette Budet, Lucile Pouthier et Mathilde de Carné, impeccables interprètes et comédiennes. Ce chœur, arrivé tard dans la tragédie -mais en est-ce vraiment une?- accompagne avec son chant de deuil, l’immense tâche de transformation proposée par l’auteure.

Dans le titre Penthésilé.e.s, l’orthographe inclusive trouve une nouvelle fonction : révéler le féminin caché dans le faux neutre qu’est le masculin, celui qui  l’emporte mais aussi mener au dépassement du genre, pour arriver à un nous largement ouvert, à construire. Cela ne se fera pas sans règlements de comptes, et rudes, ni sans courir le risque d’y perdre la raison, le temps de parvenir à une toute nouvelle vision du monde. Rien que cela. Il fallait oser.

Christine Friedel

Tinel de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon (Gard) à 16 h, les 7, 8, 10, 11, et 13 juillet.

Les 17 et 18 novembre, Théâtre des Îlets, Centre Dramatique national de Montluçon.

Les 24 et 25 novembre, Comédie de Colmar, Centre dramatique national Grand Est Alsace.

Du 30 novembre au 2 décembre, Comédie de Caen, Centre Dramatique National de Normandie (Calvados).

Du 14 au 16 décembre, MAC-Scène Nationale de Créteil (Val-de Marne)

Le 13 janvier 2022 à la Faïencerie-Scène conventionnée de Creil (Oise)

Les 28 et 29 janvier à Tropiques Atrium-Scène Nationale de Martinique

Les 4 et 5 février à l’Archipel Scène Nationale de la Guadeloupe

Du 6 au 22 mai au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes.

 

 

 

 

 

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