Festival d’Avignon: Les Détaché.e.s de Manon Thorel, mise en scène de Yann Dacosta, Stéphanie Chêne et Manon Thorel
Festival d’Avignon 2021
Les Détaché.e.s de Manon Thorel, mise en scène de Yann Dacosta, Stéphanie Chêne et Manon Thorel
Entre Jean et sa mère, le silence. Ils ne se sont pas vus depuis douze ans. Lui est en prison, elle, enfermée dans un corps défait. Et quand les mots surgissent, ce ne sont que ressentiments. Après cette visite éprouvante, la pièce bascule trente-deux ans en arrière, avant la naissance du fils tant désiré mais si mal aimé. Un couple ordinaire juste un peu taiseux, sans les mots pour dire l’amour ni la colère. Autour des parents de Jean, gravitent une tante et un oncle qui essayent d’aider sans succès puis bientôt la petite amie de Jean devenu adolescent.
La pièce est née dans le cadre d’une résidence de la compagnie Le Chat Foin à la prison de Cherbourg. Yann Dacosta a réuni une équipe d’artistes venant du théâtre et de la danse, pour mener des ateliers d’écriture auprès des détenus. Leurs histoires sont la matière de la pièce et ont été mises en forme par Manon Thorel. Cette comédienne-autrice a su, à partir des textes recueillis et d’improvisations, trouver une langue simple et trouée, où les rares mots échangés coupent comme des couteaux dans la chair des personnages.
Faute de paroles, la mise en scène privilégie le jeu des corps qui se transforment au fil du temps. Un moment de séduction s’exprime par un pas de deux, chorégraphié par Stéphanie Chêne. La colère devient un cataclysme qui ravage l’appartement…. La dépression se lit sur le visage et dans les postures de la mère (Aurélie Edeline) et la brutalité dans le corps du père. Martin Legros joue un double rôle et se métamorphose en un oncle décontracté et amical. Bryan Chivot est un Jean polymorphe : de petit garçon timide et mignon, il devient un être renfermé puis un jeune homme emporté. Au comble de la détresse, quand sa petite amie le quitte, il se disloque et s’effondre. On ne le verra pas commettre l’irréparable.
Intense, sobre, impitoyable, une tragédie familiale nait sous nos yeux en une spirale qui engloutit les êtres. Cette jeune et talentueuse compagnie rouennaise a trouvé la juste distance et dans un style très affirmé, proche de l’hyperréalisme, nous offre un spectacle poignant d’une heure et demi. Ce spectacle est à voir et fera son chemin.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 29 juillet, au Onze, 11 boulevard Raspail, Avignon.
Les 24 et 25 février, Le Tangram, Evreux (Eure).
Le 1er mars, Maison de l’Université, Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime) ; le 3 mars Espace culturel François Mitterrand, Canteleu (Seine-Maritime); le 8 mars, La Renaissance, Mondeville (Calvados) et le 11 mars, Le Rayon Vert, Saint-Valéry-en Caux (Seine-Maritime).
Le 7 avril, Scène Nationale de Dieppe (Seine-Maritime).