Festival d’Avignon Opa de et par Mélina Martin
Opa, de et par Mélina Martin
Elle se déplace comme une danseuse classique, à petits pas et sur pointes, ce qui contraste avec son physique baraqué. Mais ne vous y trompez pas, elle n’est pas une ballerine ordinaire et elle va vite se métamorphoser et nous surprendre d’un bout à l’autre, en incarnant Hélène de Troie. Un contre-emploi, pensons-nous, quand elle dit: «Je suis la plus belle femme du monde !» Mais elle s’engouffre dans ce personnage et cette histoire antique dont elle nous offrira plusieurs versions. De l’enlèvement et du viol par Pâris, ou du coup de foudre et de l’idylle amoureuse, entre ces deux maux, il faut choisir le moindre. Et le public approuve.
La voilà donc voguant vers Troie, toute enamourée… Puis valsant sur une musique grecque dans une robe de mariée contemporaine. Belle et imposante. Mais combien de temps supportera-t-elle d’être une épouse béate enfermée dans cette image mythique ? Mélina Martin endosse ce rôle avec une puissance physique bouleversante. Mêlant mythe et réalité, en grec et en français, elle interroge le statut de la femme d’aujourd’hui à travers l’Hélène d’Homère : « A travers elle, j’ai envie de questionner sur scène le pouvoir de l’apparence physique. Je m’identifie à elle, non pas physiquement, mais parce que j’ai peur d’être moi aussi enfermée dans une image belle, lisse, douce et passive.»
Et c’est le cri déchirant d’Hélène en même temps que le sien, qu’elle pousse comme pour se délivrer de ce personnage mais aussi de sa propre enveloppe charnelle… Cri de colère ou de déploration ? Les deux, pour redonner à ses sœurs leur dignité. Pourtant, il n’y a rien ici d’un manifeste féministe. Avec fantaisie, humour, extravagance et une poésie déglinguée, l’actrice instaure une complicité chaleureuse avec les spectateurs, franchissant allègrement le quatrième mur.
Née à Lausanne et d’origine gréco-suisse, Mélina Martin a joué avec des metteurs en scène confirmés comme Christiane Jatahy, Anna Lemonaki et Romeo Castellucci (Democracy in America)… Avec ce solo impertinent et puissant, créé à l’Arsenic de Lausanne en 2018, elle remporte les suffrages du public. Opa fait partie de la Sélection suisse en Avignon qui présente aussi La Collection (voir Le Théâtre du blog).
Mireille Davidovici
Jusqu’au 26 juillet à 18 h 30, ( jours pairs), Le Train bleu, 40 rue Paul Sain, Avignon