Festival d’Avignon Hymne de Lydie Salvayre, mise en scène et jeu d’Isabelle Fruleux
Festival d’Avignon
Hymne de Lydie Salvayre, mise en scène et jeu d’Isabelle Fruleux
Jimi Hendrix, étoile fulgurante du jazz, joua au festival de Woodstock, l’hymne des Etats-Unis Star-Sprangled Banner (La Bannière étoilée) mais en le recomposant avec des sons discordants d’une violence insoutenable. La guerre du Viet Nam fait alors rage, la contestation est à son zénith au pays où l’on vient de marcher sur la lune. C’est à partir de cet acte artistique et libertaire que Lydie Salvayre construit la biographie de celui qui brûla les planches et sa vie : « Il fut ce 18 août 1969 l’audace même. Il s’empara de l’Hymne et le retourna. Il eut ce front. Il prit ce risque. » Il mourra un an après vingt-sept ans.
Isabelle Fruleux porte à la scène ce texte incisif et rythmé où l’auteure raconte à travers un destin tragique à la fin des utopies des années soixante. Elle a, dit-elle, été emportée par « la bonne dose d’oxygène » de cet Hymne salutaire : «Je me laisse envoûter par son éloge au musicien, mais c’est une critique acerbe de notre temps qui circule dans ces lignes, un refus radical de se soumettre à l’ordre établi .»
Sur scène, dans les beaux costumes de Coline Dalle, elle incarne un personnage multiforme : narratrice ou en prologue figurant la grand-mère cherokee de Jimi Hendrix avec, mêlés au texte de la romancière, l’histoire du Chemin des larmes: la déportation de milliers d’Indiens dans les années 1830 par le président Andrew Jackson. Déployant une crinière afro dans la lumière qui monte, elle nous conte, avec justesse et grâce, la légende de l’illustre gaucher, sa guitare, et sa démesure mais aussi ses blessures intimes et sa part d’ombre… Chanteuse et comédienne, elle déploie son talent sur des airs de Jimi Hendrix, arrangés par le virtuose cubain Filipe Cabrera qui a joué avec les plus grands du jazz. A la basse, il forme avec le guitariste Vladimir Médail un remarquable duo. Et nous entendons Star Sprangled Banner dans plusieurs versions, de la plus classique à la plus déjantée…
Installée à Bordeaux, Isabelle Fruleux a baptisé sa compagnie Loufried, en hommage à Lou Andrea Salomé qui marqua sa première création : Dans le regard de Lou. Chanteuse et comédienne, elle donne, dans ses performances, une large place à la littérature et à la musique : « Quand je choisis un texte, il faut que j’entende une musique en le lisant .» Son dernier spectacle, Frères migrants, d’après le pamphlet anticapitaliste de Patrick Chamoiseau, avait été programmé dans le In d’Avignon en 2017 et a beaucoup été joué. Il faut découvrir cet Hymne délicat, sensible et porteur de révolte.
Mireille Davidovici
du 10 au 14 juillet à 13 h 15, Chapelle du Verbe Incarné, 21 rue des Lices, Avignon T. : 04 90 14 07 49.