Droit de visite d’Alexandra Badea
Droit de visite d’Alexandra Badea
Ce monologue, distribué entre cinq comédiens -ou comédiennes pour sa version féminine- entraîne le spectateur face à face avec un individu multiple représenté par ces interprètes. L’autrice, pendant le confinement du printemps 2020, a voulu écrire sur l’enfermement.
Entre les murs d’une prison, un personnage auquel nous venons rendre visite. Cinq étapes, cinq parloirs pour entendre les fragments de la vie d’un jeune taulard et plonger dans son intimité. Sans jamais dévoiler la nature exacte du délit qui l’a conduit ici, il livre ses états d’âme à son interlocuteur et tisse une relation affective avec lui : «Tu me trouves défaitiste, non ? Nihiliste? Pessimiste? /Sombre?/Mélancolique?/Je me trouve enfin lucide et serein./ Il y a des moments comme ça. »
En s’emparant de ce texte rythmé, chaque acteur nous regarde les yeux dans les yeux et nous ne pouvons nous soustraire aux flots de mots qu’il nous délivre. Selon sa personnalité et la partition qui lui est attribuée, cet être multiple oscille entre agressivité et tendresse envers son visiteur, colère et résignation quant à sa situation. Mais, pour conclure, il se sent plus apaisé et assume son crime: « Et j’ai aussi enfin compris la différence entre un coupable et un responsable./Le premier souffre en silence et se noie dans ses propres lamentations./Le deuxième essaie de réparer quelque chose, à commencer par ses propres blessures. Maintenant, je deviens enfin responsable.»
Les actrices et acteurs âgés de moins de vingt-huit ans, issus ou non d’une formation d’art dramatique, ont été recrutés anonymement à partir d’une vidéo où ils donnaient lecture du texte d’Alexandra Badea. Parmi les huit cents candidats visionnées par l’autrice et son assistante Madalina Constantin, une cinquantaine a été auditionnée et dix ont été engagés par le Théâtre de la Colline qui veut donner ses chances à des jeunes venus de tous horizons. Conçue pour cinq spectateurs, cette pièce d’une heure a voyagé à Paris dans des salles des fêtes, associations, foyers et devrait être reprise à l’automne. Une expérience singulière qui ne peut laisser indifférent…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 17 juillet, au Centre social La 20ème Chaise, 38 rue des Amandiers ,Paris (XX ème).
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