Visions d’Eskandar, texte et mise en scène de Samuel Gallet

Visions d’Eskandar, texte et mise en scène de Samuel Gallet

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Le collectif Eskandar dirigé par Samuel Gallet, a imaginé  une sorte d’oratorio  à la limite du théâtre et de la musique, avec comme interprètes Caroline Gonin, Jean-Christophe Laurier, Pierre Morice  et  avec aussi, sur le plateau les musiciens Mathieu Goulin (violoncelle, piano, machines, voix) et Aëla Gourvennec (contrebasse, machines, voix).  Avec des lumières très réussies signées Adèle Grépinet..
Mickel, architecte,  travaille sur des projets de villes plus durables dans un monde au bord d’une catastrophe politique, sociale et écologique, ce dont il a bien conscience. Un jour de canicule, il a un malaise cardiaque dans une piscine municipale et va entrer dans un coma profond et faire l’expérience d’une mort imminente.

Un fiction historique… Il se retrouve alors dans un monde parallèle, celui d’Eskandar, une ville complètement détruite, Eskandar, où il va rencontrer d’autres personnes comme un homme souffrant d’une grave amnésie et Everybody la caissière de la piscine. Il va malgré tout essayer de revenir à la vie…. Samuel  Gallet à partir d’une scénographie très simple mais rigoureuse de Magali Murbach, a conçu cette apocalypse programmée, teintée de cauchemar, qui ouvrirait quand même sur un avenir possible pour une humanité désorientée.

Ce court spectacle (une heure) d’une rigueur absolue n’évite pas une certaine sécheresse et un manque de sensibilité dans son approche des personnages et des longueurs vers la fin mais bon, vaut le coup d’être vu. On ne dira jamais assez que le théâtre contemporain a besoin aussi d’expérimentations comme celles-ci. Le Off d’Avignon semble avoir pris le relais du In dans ce domaine (à part Sujets à vif et la D.R.A.C de  Normandie a bien fait d’aider ce collectif caennais qu’il faudra suivre…

Philippe du Vignal

Une autre vision de ces Visions…  

A la suite d’un malaise cardiaque dans une piscine municipale, Mickel, architecte, plonge dans un coma profond et fait une expérience de mort imminente : « (…) Et Mickel s’enfonce dans les profondeurs du coma / Comme on enfonce dans une terre chaude et calme / Secrète obscure et silencieuse ». Visions et sensations s’emparent de son être, un autre monde prend forme, une ville détruite apparaît : Eskandar. 

Nom identique à celui de la compagnie, symbolique et en résonance avec la méthode de travaille et de  réflexion du Collectif. Partir pour ou à la recherche d’Eskandar, est un véritable projet de la troupe. Le texte s’inscrit dans un triptyque autour de cette ville imaginaire, ce spectacle en est le troisième volet. Chaque épisode raconte une histoire indépendante qui a lieu dans la cité : La Bataille d’Eskandar, Bonus Track et Visions d’Eskandar.   

Dans le récit, ce nom imaginaire, Eskandar, fait voyager notre esprit. Soudain les villes mythiques de Palmyre ou Samarcande se profilent, mais aussi un itinéraire intérieur en compagnie de Mickel. Dans cet univers existentiel, un homme amnésique : « Basile – Edouard – Marius – Alix – Guillaume – Maël –Alban – Abel – Elios – Arnaud – Thomas – Gildas – Blaise – Lazare- Egon – Clément – Ian – Wilfried – Amaury. Je ne sais plus qui je suis. J’ai oublié mon nom ».

Une succession de prénoms comme pour figurer chacun de nous et sous le flux de l’énumération, à travers le rythme des mots,  prendre corps avec l’homme amnésique ! Everybody, prénom de la caissière d’une piscine municipale qui un jour de canicule, a donné son ticket d’entrée (sans issue ? fatal)  à Mickel. Génial là encore le choix du nom du personnage, comme si, il sous-entendait le double fantasmé de la caissière, mais aussi le signifiant du double de tout le monde et personne ! Toutes ces figures types,  désorientées, viennent à la rencontre de l’Architecte et peuplent son cerveau. La mise en scène sobre de Samuel Gallet comme la scénographie astucieuse de Magali Murbach, les lumières de Adèle Grépinet et Martin Teruel, créent une théâtralité subtile : les cabines de rechange stylisés, réduites à des portes-manteaux améliorés sont par exemple une formidable idée. Toute cette ingéniosité, et cette inventivité ouvrent à l’esprit des spectateurs, divers chemins et espaces intimes, culturels ou sociaux et invitent le public à suivre ce parcours hors-norme, introspectif et très vivant ! 

Nous sommes surpris par une habile dramaturgie qui, riche de plusieurs disciplines artistiques, donne la part belle à l’imaginaire et à l’émotion. La dimension dionysiaque si vitale au théâtre prend vite le pas sur le rationnel. Une belle journée d’été en ville et l’envie d’aller se baigner à la piscine, contexte assez banal, laissent place avec finesse à un climat dramatique surprenant, drôle parfois, passant du  quotidien au plus extraordinaire ou au plus catastrophique. Un monde parallèle se dessine et vient en écho du nôtre, certes pas détruit mais plongé dans un chaos politique et socio-économique.

Rêve, abstraction, couleurs, sons… tout un bouquet d’impressions qui nous touche. Ce spectacle à la fois théâtral et musical, est d’une grande poésie sensorielle : « La piscine se reflète dans le ciel /Avec tous les nageurs qui flottent au milieu des nuages /Sous le regard attentif ou endormi /Impossible de savoir précisément à cause des lunettes noires/ Sous le regard énigmatique du gros maître-nageur». Visions d’Eskandar nous interroge avec un regard sans détour sur notre présent, notre destinée mais aussi  nos choix de vie.

Membres du Collectif, Mathieu Goulin et Aëla Gourvennec, contrebassiste et violoncelliste se joignent à la parole textuelle, et sont eux-mêmes personnages de cet ailleurs doté de langues surprenantes: téléphone, contrebasse, machines, voix vocales….  « La musique, dit  Samuel Gallet, prend le pas sur l’aporie de la parole pour exprimer peut-être cet enchevêtrement dont chaque vie est faite nous situant à la fois en nous et hors de nous. »

Dans ce spectacle, réel et rêve s’entrelacent et re-construisent, ré-inventent un monde. Il invite le public à cheminer à sa guise dans un univers qui lui échappe et dont  pourtant  nous nous sentons tous proche un jour ou l’autre. A la fin , le texte reprend une partie du début et les derniers mots seront donnés au maître-nageur: «Je trouve cela scandaleux de mourir. Je voudrais pouvoir enjamber cette époque comme on enjambe un cadavre ou un ennemi qui agonise sur un champ de bataille. Sauter par-dessus cette époque d’un bond et que l’époque riche commence maintenant. Maintenant. MAINTENANT. » Mickel est-il revenu du pays des lointains?

Loin d’un tableau théâtral naïf ou excessif sur notre temps, ce spectacle est orchestré avec perspicacité dans son ensemble : composition du texte, mise en scène et jeu des comédiens, interprétation des musiciens, bande-son…  Il donne une approche lucide, à la fois éthique et politique, sur les ruines prochaines ou en filigrane de notre Occident. A la sortie, encore sous l’émotion nous chancelons, entre urgence du présent et vision de l’avenir …

Elisabeth Naud

 

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  • 3 commentaires

    1. mireilled dit :

      Cher Philippe Duvignal et chers lecteurs,

      Je tiens à réitérer mon appréciation positive sur le spectacle « Visions d’ Eskandar ». Mais aussi à préciser que je n’ai point été « très impressionnée ». Le spectacle m’a intéressée, il a de réelles qualités poétiques et scéniques, et ce avec très peu de moyens.
      La dramaturgie n’a rien de prétentieux me semble-t-il, mais elle n’est pas toujours en effet à la hauteur de ces objectifs. Certes cette pièce peut-être envisagée comme un travail de recherche, mais tout a fait présentable dans le cadre du Off, et je comprends et respecte l’enthousiasme éprouvé par le public à la sortie de sa première !

      Bien cordialement
      Elisabeth Naud

    2. Merci de votre message,
      J’ai vu le spectacle à sa première à Avignon donc j’ai eu compte-tenu des circonstances une certaine indulgence mais ne suis pas tout à fait sur la même longueur d’onde que notre amie Elisabeth Naud qui, elle, a été très impressionnée…
      C’est un travail tout à fait respectable de recherche… qui ne m’a pas touché et qui n’aurait sans doute pas dû être présenté à un large public.Cela dit,celui du off réputé pour sa gentillesse, le matin du 6 juillet où j’y étais, a beaucoup applaudi.
      En fait, il manque à cette fiction une sensibilité réelle, comme si son auteur n’avait pu, ou su, aller jusqu’au bout de ses intentions; bref, je crois que le plus grave défaut de ce spectacle est aussi une dramaturgie assez prétentieuse et, même s’il y a de belles images héritées entre autres de Bob Wilson, on est loin du compte et je comprends que vous vous soyez ennuyé et que vous ayez été déçu…

      bien à vous

      Philippe du Vignal

    3. Bahloul dit :

      Bonjour,
      une fois n’est pas coutume, je ne suis pas sur la même longueur d’onde que vous.
      Je n’ai pas vu le spectacle, mais j’ai lu ce texte invraisemblable. Je pourrais dire que : «  la piscine se noie pour une fiction sans queue ne tête ».
      Samuel Galet est édité ? Je me demande bien pourquoi ? C’est tout simplement un mauvais dramaturge qui a des relations.
      Marre de l’entre-soi ! Excusez ce coup de gueule, mais je n’en peux plus de tous ses privilégiés sans talent.
      Bien à vous,
      Daniel Bahloul Druelle

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