Festival d’Avignon La Dernière Nuit du monde de Laurent Gaudé, mise en scène de Fabrice Murgia
Festival d’Avignon
La Dernière Nuit du monde de Laurent Gaudé, mise en scène de Fabrice Murgia
Le metteur en scène et l’écrivain avaient déjà collaboré et depuis, gardé l’envie de construire un projet ensemble. Et ils sont tombés sur 24/7 Le Capitalisme à l’assaut du sommeil, un essai du philosophe Jonathan Gary qui montre comment la pression sociale pousse l’homme à raccourcir ses nuits en grignotant sur son sommeil. A partir de là, Laurent Gaudé a écrit un conte moral en forme de dystopie.
Bientôt une pilule sera mise sur le marché et permettra de dormir quarante-cinq minutes par vingt-quatre heures, sans être fatigué. Gabor, enthousiaste, trouve les bons arguments publicitaires pour cette révolution planétaire. «Tout cela, c’est le monde de demain. Car l’enjeu est là, étaler l’activité du jour pour créer du travail… Peupler la nuit pour désengorger le jour .»
On va fêter l’abolition de la nuit quand il apprend que Lou, la femme qu’il aime, a été blessée dans une manifestation du mouvement Nuit Noire et « ne passera pas la nuit ». Tout bascule alors: ce qui devait pour lui ouvrir une ère nouvelle, devient une catastrophe intime, sociale et écologique.. Les humains seront débordés par cette «nuit qui déborde ».
La Dernière nuit du monde, avec pour sous-titre : Monologue peuplé, donne une voix à de nombreux personnages. Mais ici la pièce est juste incarnée par le metteur en scène qui joue Gabor, et par Nancy Nkusi (en alternance avec Nadine Baboy), sa fiancée lointaine qui parle au micro avec lui derrière la vitre d’un studio d’enregistrement.
Gabor, fébrile, attend la dernière nuit et cette fiancée lui apparaît en gros plan sur grand écran où d’autres personnages se manifestent virtuellement : la directrice de Gabor, la cheffe rebelle des Samis de Laponie, des journalistes de la télévision… La vidéo, omniprésente, peuple la nuit avignonnaise d’images mouvantes aux couleurs artificielles, traitées avec des filtres rouge ou bleu, à en faire oublier les arbres et les voûtes du cloître…
Ici, la fable, bien que d’actualité, se perd sans nous capter. Le jeu survolté de Fabrice Murgia peine à convaincre et Nancy Nkusi, à la belle prestance et à la voix envoûtante, reste dans la pénombre… Malgré l’élégance sophistiquée du décor géométrique signé Vincent Lemaire et d’images vidéo léchées, cette histoire nous a paru invraisemblable.
Centrée sur le couple Gabor/Lou, elle passe sans doute à côté des enjeux philosophiques et sociétaux portés par les autres personnages, réduits ici à des images filmées. Nous avons connu Laurent Gaudé mieux inspiré : la science-fiction ne semble pas être son rayon et son texte est noyé dans trop d’artifices visuels et sonores. Dommage…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 13 juillet au Cloître des Célestins, Avignon.
Les 31 août et le 1er septembre, Théâtre de Liège, les 3 et 4 septembre, L’Ancre, Charleroi (Belgique) et du 14 au 18 septembre, Théâtre Wallonie-Bruxelles, Bruxelles ( Belgique).
Les 12 et 13 octobre Tonelhuis, Anvers (Belgique) ; du 21 au 24 octobre, Centro Dramatico Nacional, Madrid (Espagne).
Le 1er mars, Théâtres en Dracénie, Draguignan (Var) ; le 8 mars, Cultuurcentrum Brugge, Bruges et les 11 et 12 mars, La Louvière-Central, La Louvière (Belgique). Les 16 et 17 mars, Scène nationale d’Albi (Tarn) et le 24 mars, Théâtre de Namur, Namur (Belgique) ;
Du 10 au 14 avril, Théâtre national de Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique) ;
Le texte est publié chez Actes-Sud.