Festival d’Avignon: Sosies de Rémi De Vos, mise en scène d’Alain Timár (à partir de quatorze ans)

Festival d’Avignon

Sosies de Rémi De Vos, mise en scène d’Alain Timár ( à partir de quatorze ans)

©-Barbara Buchmann

©-Barbara Buchmann

Des personnages criants de vérité comme toujours ceux de l’auteur et que l’on jurerait avoir rencontrés dans ce quartier où ils vivent tous sans doute depuis un bon moment. Il y a ainsi Bernard qui s’est rebaptisé Bernie, (sans doute pour faire américain! )Puis Little Johnny Rock, un vrai nom de scène… Une scène où il rêve de chanter un jour, sans trop y croire lui-même.  Depuis qu’il a perdu sa femme, ce roi des paumés  préfère vivre seul et passe son temps à débiter des maximes faussement philosophiques…

Momo, dit Le Guinz, est lui une vague -mais très vague réplique- de Serge Gainsbourg et n’a jamais un sou en poche. C’est Biche, son épouse en surpoids évident comme on dit poliment, qui fait des ménages pour rapporter un peu d’argent à la maison (remarquable Christine Pignet). Ils ont un fils Jean-Jean qui est au chômage depuis un moment et qui ne fait pas grand chose pour trouver du travail… Accablé par la vie que mènent ses parents, il  veut tout plaquer et s’enfuir très loin mais sans savoir où,  pour échapper à la médiocrité qu’il va devoir encore longtemps supporter s’il reste là.
Et il y a Kate, une jeune zonarde en treillis qui a rencontré Bernie lors d’un karaoké… Elle voudrait comme lui, commencer à chanter pour sortir de la vie misérable où elle s’est enfoncée sans espoir…Et ses rapports avec Jean-Jean rencontré lui aussi par hasard, sont loin d’être simples; ces jeunes marginaux ont des comptes à régler avec la société mais aussi avec eux-mêmes…Comme Kate, tous ces personnages imaginés par l’auteur ont, pour dénominateurs communs: une scolarité sans doute défectueuse, pas ou très peu d’argent mais aussi une grande solitude. Ils rêvent d’une vie non pas luxueuse -ils sont assez lucides- mais juste un peu plus confortable pour échapper enfin à la misère qui les a déjà atteints. C’est cela que nous raconte Rémi De Vos en une heure et demi, avec lucidité mais aussi bienveillance envers ces cinq paumés.

 L’excellente première scène est un morceau d’anthologie et va devenir une scène-culte dans toutes les écoles de théâtre: cela se passe entre le père et la mère puis Jean-Jean, leur fils qui entend le déroulement de leur vie sordide avec effroi: nous nous vous la révélerons pas car  elle fonctionne de surprise en surprise…  Que découvre ce pauvre Jean-Jean déjà affublé d’un prénom ridicule qu’il ne supporte plus. Il ressort de là, cassé, anéanti par une telle médiocrité sur fond de sexe et de misère personnelle. Les dialogues de Rémi De Vos sont d’une rare qualité telle qu’on ne la retrouvera pas toujours ensuite, mais qu’importe, il y a, entre autres, des scènes très fortes entre les jeunes Kate et Jean-Jean, aussi drôles qu’émouvantes: Victoire Goupil est exceptionnelle de vérité, comme l’est aussi John Arnold, en rocker du pauvre, désabusé et revenu de tout mais qui croit encore un peu en son étoile, s’il arrive à chanter dans un café minable. Cette épave se permet de donner des leçons sur sa carrière à  Kate la paumée qui l’écoute avec attention, comme si son salut ne pouvait venir que de ce papy qui se prend pour un artiste…qu’il ne sera jamais. C’est à la fois pitoyable et tellement juste…

Alain Timár dirige très bien ses acteurs mais aurait dû éviter ces changements de meubles et d’accessoires permanents qui cassent parfois un peu le rythme sur ce grand plateau et la scénographie qu’il a lui-même conçue n’est pas toujours du bois dont on fait les flûtes…Mais bon, nous avons un tel plaisir à entendre ces personnages bruts de décoffrage joués par ces acteurs que cette heure et demi passe très vite malgré quelques longueurs dans le texte. Si un jour, ce spectacle est joué près de chez vous, n’hésitez pas…

Philippe du Vignal

Théâtre des Halles, Avignon,  à 19 h, jusqu’au 27 juillet.

 

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