Yitzhak Rabin : Chronique d’un assassinat, conception et mise en scène d’Amos Gitai

Yitzhak Rabin : Chronique d’un assassinat, conception, films et et mise en scène d’Amos Gitai
 
Pour trois soirées exceptionnelles (programmées par le Théâtre de La Ville), une belle et importante distribution s’est imposée sur le plateau du Châtelet avec : Le Choeur Accentus, les musiciens : Schani Diluka et Guillaume de Chassy au piano, Alexey Kochetkov au Violon, Bruno Maurice à l’accordéon, Louis Sclavis, à la clarinette et quatre actrices-témoins : Sarah Adler, Nathalie Dessay qui offre ici également ses talents de cantatrice, Irène Jacob, Rachel Khan.
Dans un geste collectif et engagé, cet ensemble musicale et théâtral,  va sous la direction d’Amos Gitai, remonter le cours de l’Histoire et de la violence effroyable avec laquelle les forces nationalistes se sont toujours opposées au projet de paix entre Israéliens et Palestiniens.   
Le 4 novembre 1995, un immense espoir sombre dans la tragédie. Au coeur de cette effroyable histoire, un homme Yitzhak Rabin, premier ministre de 1974 à 1977, puis de 1992 à sa mort, auquel on doit un projet d’une extrême complexité: rétablir la paix entre Israël et la Palestine. Mission héroïque à laquelle il a consacré, envers et contre tout, sa vie d’homme politique et de citoyen. Le premier accord d’Oslo signé avec Yasser Arafat, le 13 septembre 1993, ratifiant une reconnaissance réciproque des deux peuples, sous l’égide de Bill Clinton -on se souvient de cette poignée de main historique entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin- annonçait une promesse de paix en devenir et un réel futur, encourageant, pour le Proche-Orient.
C’est chez lui, à la télévision, qu’Amos Gitai, artiste proche du premier ministre, apprend la tragique nouvelle : l’attaque criminelle portée sur le chef d’État. Traumatisé, traversé par le chagrin, et tétanisé, il ne sait comment répondre à l’horreur de cet acte et à la disparition de ce grand homme politique et ami. Ce n’est que quelques années plus tard, qu’il trouvera, en tant que poète et citoyen engagé, enfin un chemin libérateur et militant en créant ses « Chroniques d’un assassinat ».
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La pièce commence avec le Kaddish de Maurice Ravel, suivi d’extraits de War Requiem de Benjamin Brittenle Dies Irae et le Lacrimosa de, Gustav Mahler, et des extraits de Das Lied des Erde (Le Chant de la Terre)  et de Der Abschied...  mais aussi Mad Rush de Phil Glass,  et autres sublimes moments musicaux… Ici, la forme théâtrale, proche du documentaire fait appel à différents arts du spectacle, au cinéma et à la vidéo.

 

 

À l’image de ses précédentes Chroniques, Amos Gitai, cinéaste, agit dans le processus de mise en scène, à la fois comme un bâtisseur (il est architecte de formation) et un chef d’orchestre. Il ne manque pas, avec une habileté sans pareil, de rassembler et d’accorder avec théâtralité, les diverses disciplines artistiques et champs poétiques… En avant-scène, une grande table rectangulaire de conférence ou réunion (dessinée par le metteur en scène lui-même). Les protagonistes féminines, ensemble ou tour à tour, y prennent place et s’adressent face-public : nous éprouvons soudain le sentiment fort de faire réellement partie du contexte dramatique, plus de quatrième mur ! Chacune des quatre femmes, extraordinaire de vérité, se fait l’interprète de plusieurs et mêmes voix.  Trois voix, celles de Leha (épouse d’Yitzhak Rabin), du Témoin, et de l’Historienne. La polyphonie renforce la tension terrible,  puis l’horreur de cet assassinat, et du conflit Israélo-palestinien. Cette pluralité permet un éclairage plus objectif, une analyse plus approfondie et juste sur ces deux pays en état de guerre. 

Parmi les nombreux moments forts, celui de la projection de la vidéo juste après Le Prélude en Si mineur BWV 855A de Jean-Sébastien Bach, arrangé par Alexandre Siloti, avec deux pianos, et comme interprètes : Shani Diluka et Guillaume de Chassy. Une profonde émotion se fait ressentir dans la salle. Puis subitement, le piano se tait et le public découvre ces images incroyables de vie et d’espoir, du Rassemblement pour la paix…  Mais le sort en décida autrement…Et malgré la surprise d’un accueil immense sur le lieu du Rassemblement à Tel-Aviv. L’épouse d’Yitzhak Rabin témoigne: «Nous étions stupéfaits. La foule était gaie, chaleureuse et  rayonnante d’enthousiasme. » Le soir du 4 novembre 1995, après son discours, place des Rois, le premier ministre s’apprête à monter dans la voiture qui l’attend pour le raccompagner, lui et son épouse Leah. Brusquement plusieurs coups de feu: C’est Yitzhak Rabin qu’ on assassine !

Ce nouveau spectacle du cycle des « Chroniques » saisissant d’émotion et de clairvoyance, dérangeant, est interdit en Israël. Ne surtout pas chercher à éveiller les consciences ! Composé d’images d’archives, de témoignages et diverses documents scientifiques et politiques, d’extraits de littérature et de pièces de théâtre, notamment Jules César de William Shakespeare, cette dernière chronique, porte en elle assez de richesses intellectuelles et populaires, historiques, musicales pour embarrasser le pouvoir en place. 

Si pour Amos Gitai, l’art ne change pas le réel, il y contribue et peut nous faire réfléchir. La création plastique et poétique, permet de donner corps à la mémoire, d’actualiser le passé. « Tout acte créatif est une tentative de reconfigurer notre rapport au réel. Articuler certains événements, en mots, en images, aide à affronter les démons » (propos recueillis par Odile Quirot, mai 2021) 

Il n’y a pas de hasard. L’existence de ce grand politique a croisé celle du talentueux cinéaste  engagé lui aussi.  Entre eux, une profonde estime  et une confiance sans faille s’étaient instaurées. Cette rencontre a marqué Amos Gitai à jamais ! Lui, artiste et démocrate, défenseur du respect des libertés individuelles et sociales et de la paix en ce monde.

Pour ce poète et artiste, un engagement éternel : ne jamais abandonner et faire vivre la mémoire et le projet de pacification d’Yitzhak Rabin. D’une grande beauté mais d’une violence parfois insoutenable, cette pièce programmée à Paris seulement trois jours en raison de la crise sanitaire, est une œuvre documentaire, magnifique et poignante mais aussi un geste politique fort qui nous concerne tous… Il faut espérer que ce spectacle œuvrant pour une Terre plus pacifique sera  prochainement rejoué  ! 

 Elisabeth Naud 
 
Spectacle  vu le 1 er juillet et programmé par le Théâtre de la  Ville, joué au Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet, Paris (I er).
 
 

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