Festival d’Avignon: Les Détaché.e.s de Manon Thorel, mise en scène de Yann Dacosta, Stéphanie Chêne et Manon Thorel

Festival d’Avignon 2021

Les Détaché.e.s de Manon Thorel, mise en scène de Yann Dacosta, Stéphanie Chêne et Manon Thorel

 

© Pascal Gely

© Pascal Gely

Entre Jean et sa mère, le silence. Ils ne se sont pas vus depuis douze ans. Lui est en prison, elle, enfermée dans un corps défait. Et quand les mots surgissent, ce ne sont que ressentiments. Après cette visite éprouvante, la pièce bascule trente-deux ans en arrière, avant la naissance du fils tant désiré mais si mal aimé. Un couple ordinaire juste un peu taiseux, sans les mots pour dire l’amour ni la colère. Autour des parents de Jean, gravitent une tante et un oncle qui essayent d’aider sans succès puis bientôt la petite amie de Jean devenu adolescent.

La pièce est née dans le cadre d’une résidence de la compagnie Le Chat Foin à la prison de Cherbourg. Yann Dacosta a réuni une équipe d’artistes venant du théâtre et de la danse, pour mener des ateliers d’écriture auprès des détenus. Leurs histoires sont la matière de la pièce et ont été mises en forme par Manon Thorel. Cette comédienne-autrice a su, à partir des textes recueillis et d’improvisations, trouver une langue simple et trouée, où les rares mots échangés coupent comme des couteaux dans la chair des personnages.

Faute de paroles, la mise en scène privilégie le jeu des corps qui se transforment au fil du temps. Un moment de séduction s’exprime par un pas de deux, chorégraphié par Stéphanie Chêne. La colère devient un cataclysme qui ravage l’appartement…. La dépression se lit sur le visage et dans les postures de la mère (Aurélie Edeline) et la brutalité dans le corps du père. Martin Legros joue un double rôle et se métamorphose en un oncle décontracté et amical. Bryan Chivot est un Jean polymorphe : de petit garçon timide et mignon, il devient un être renfermé puis un jeune homme emporté. Au comble de la détresse, quand sa petite amie le quitte, il se disloque et s’effondre. On ne le verra pas commettre l’irréparable.

Intense, sobre, impitoyable, une tragédie familiale nait sous nos yeux en une spirale qui engloutit les êtres. Cette jeune et talentueuse compagnie rouennaise a trouvé la juste distance et dans un style très affirmé, proche de l’hyperréalisme, nous offre un spectacle poignant d’une heure et demi. Ce spectacle est à voir et fera son chemin.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 29 juillet, au Onze, 11 boulevard Raspail, Avignon.

Les 24 et 25 février, Le Tangram, Evreux (Eure).

Le 1er mars, Maison de l’Université, Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime) ; le 3 mars Espace culturel François Mitterrand, Canteleu (Seine-Maritime); le 8 mars, La Renaissance, Mondeville (Calvados) et le 11 mars, Le Rayon Vert, Saint-Valéry-en Caux (Seine-Maritime).

Le 7 avril, Scène Nationale de Dieppe (Seine-Maritime).


Archive pour juillet, 2021

Festival d’Alba 2021

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© La Cascade

Festival d’Alba 2021

Ce bourg ardéchois accueille depuis des décennies un festival d’été qui, programmé par ses directeurs successifs, a fait revivre le site exceptionnel d’un théâtre antique réaménagé petit à petit. En 2009, le Département en a confié la direction à la compagnie Les Nouveaux Nez qui venait d’ouvrir La Cascade, Pôle national des Arts du Cirque, à Bourg-Saint-Andéol. Le festival s’est donc orienté vers cette discipline populaire qui a le vent en poupe. Non content d’investir les ruines bucoliques,  il s’égaye aussi dans huit espaces du cœur du village, à une prairie au bord de l’eau, et aux contreforts d’un pic rocheux… « On prend les lieux comme ils sont, avec le moins d’éclairages et de technique possibles dit Marie-O Roux, la secrétaire générale. Les spectateurs peuvent déambuler d’un lieu à l’autre à la découverte d’Alba-la-Romaine. Parmi ses 1.200 habitants, une centaine de bénévoles, à l’entrée du parking, à la billetterie ou à l’accueil des artistes chez eux… Sans eux, ce festival ne pourrait  exister et ils viennent en appui d’une équipe de soixante professionnels mobilisés pour une vingtaine de spectacles pendant une semaine, du matin au soir. » Cette année, le public est au rendez-vous malgré les restrictions sanitaires et l’absence des guinguettes et soirées musicales festives.  Pour les deux tiers, il vient des environs et  les spectacles sont à des prix modestes ou gratuits.

La Cascade a entamé des travaux à Bourg Saint-Andéol dans une chapelle désaffectée, un espace d’entraînement quotidien des artistes qui ouvrira ses portes fin 2022. La compagnie de clowns Les Nouveaux Nez  pourra ainsi accueillir dans son sillage de jeunes circassiens sortant des écoles. Dix à quinze d’entre eux ont déjà prévu de s’installer autour du Pôle.  « Trente ans de route ont défilé, dit Alain Reynaud, cofondateur de la compagnie  en 1991 et directeur de La Cascade. Une histoire humaine et artistique autour du personnage du clown, un lien à la transmission et au quotidien de l’artiste, au territoire et à ses habitants, inspirateurs de toute cette ouverture…  »

Pour illustrer ses propos, il mêle les générations et les disciplines dans Le Cabarêve des établissements Félix Tampon, baptisé d’après son nom de clown, Félix. « Il y a trente ans, je sortais du Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne, c’est donc tout naturellement que j’ai intégré, dans l’utopie des Etablissements Félix Tampon, de jeunes artistes sortant eux aussi de cette  école. Après ce spectacle d’une heure quarante, nous  avons pu aussi assister, en une journée, à des propositions de divers formats.

Gadoue par Le Jardin des Délices

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© La Cascade

Une piste blanche, un  jongleur dans un élégant costume bleu marine, manie une boule immaculée avec tact. Mais attention, nous prévient-on, il y a, au milieu de ce plateau d’argile, une flaque. Et vlan! Evidemment, malgré tous ses efforts, la balle va y tomber et l’homme va essayer à grands renforts de contorsions de ne pas salir ses habits … Peine perdue, il va bientôt mettre le pied dans la matière gluante, puis s’y vautrer non sans plaisir jusqu’à devenir une statue blanchâtre aux postures bizarres. Et triturer la boue pour modeler des formes.  Pour la plus grande joie du public, complice de cette transgression pendant une demi heure.

La compagnie Le Jardin des Délices, créée par Nathan Israël (jongleur) et Luna Rousseau ( metteuse en en scène) s’est fait connaître avec L’Homme de boue, solo dans l’argile (2014) une hybridation des arts, avec un travail sur la matière.  Cette nouvelle pièce constitue avec l’Homme de v

boue, le  diptyque Argile.

Cirque et Pique  par la compagnie Mister Alambic

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© La Cascade

Elles ne font pas que piquer, les puces de Jonathan Giard : Svetlana aux poumons d’acier récupérée sur un trompettiste de l’Armée rouge à Moscou ; gonfle un ballon et Elisa aux pattes de fer peut marcher sur un fil ou tordre une petite cuillère ! Comme par magie, ces insectes savants sortent de leur boite ou de leur flacon pour des performances étonnantes, commentées avec humour par leur dresseur. Son manager, Stéphane Pelliccia lui donne la réplique.

Ils sont pétillants d’invention et amusent la galerie d’un ton sérieux pendant vingt minutes. C’est court et efficace.

 

La Peur au ventre un solo pour fils de cascadeur par la Compagnie Toi d’abord

Comment peut on être cascadeur quand on est aussi maladroit ? Jacques, cascadeur de père en fils, pour ne pas devenir la honte de la famille, va faire devant nous un saut de la mort à moto à travers un cerceau enflammé. Pour conjurer la peur, il s’attaque à ce projet ambitieux mais difficile. Il met en place un dispositif précaire fait de matériaux de récupération mal assemblés. Tout foire, bien entendu : comme c’est drôle, les bévues des autres ! Les préparatifs traînent un peu en longueur et peuvent agacer mais nous sommes quand même récompensés d’avoir attendu près d’une heure pour voir la cascade finale. 

Le Cabarêve des établissements Félix Tampon, direction artistique d’Alain Reynaud et mise en scène d’Eric Louis

Les  clowns Félix et Fritz présentent cette revue échevelée.  L’un, Alain Reynaud,  meneur de jeu responsable, l’autre, Heinzi Lorenz toujours  à côté de la plaque, rêveur et inattendu. Un duo comique bien rôdé et d’une grande finesse, rejoint par une diva italienne (Isabelle Quinette, danseuse et chanteuse) et un travelo sur le retour Patachtouille (Julien Fanthou) qui chante des goualantes en escarpins  plumes et paillettes. Ce sont les quatre Nouveaux-Nés historiques, dans des numéros débridés ou parodiques mais jamais vulgaires.

Les jeunes recrues du C.N.A.C. ont, pour certains, adapté leur prestation à cette veine comique. Souple, élégant, Ricardo Serrao Mendes danse avec ses balles jaunes au rythme de la musique de Guilhem Fontes qui joue tout au long de la pièce, souvent sur un piano à roulettes.Juri Bisegna, fait voler des chapeaux d’une main experte malgré son air maladroit.  Sacha Ribeiro imite des chants de crooners bien connus.

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Fritz s’envoie en l’air

Les filles sont plus classiques : Cannelle Maire manie avec grâce  la roue allemande et à la corde volante et Vassiliki Rossillion se détache, impérieuse dans le ciel provençal. Captivante au point que Fritz tente de l’imiter et s’envoie en l’air en costume d’Ecossais. Surprenante prestation qui résume l’esprit de la pièce.

Cela peu parfois paraître décousu mais ce beau moment de théâtre trouve son point d’orgue  avec une parade des artistes, dans les derniers rayons du soleil qui tombent sur ce site poétique.

Mireille Davidovici

Festival d’Alba, du 9 au 14 juillet, Alba-la-Romaine (Ardèche).

La Cascade-Pôle national des arts du cirque, avenue de Tourne, Bourg-Saint-Andéol (Ardèche).

Le Cabarêve des établissements Félix Tampon , du 2 au 4 décembre la Roche Jaudy (Côtes-d’Armor). programmation du Carré Magique, Pôle National Cirque.
Le 4 mars,  Scène 55,  Mougins (Alpes-Maritimes).

 Gadoue : du 15 au 17 juillet, Les Impatiences du Festival Résurgence,  Lodève (Hérault) . Le 8 juillet, festival  ArtAir au Puy de-Dôme (Puy-de-Dôme)  et le 27 juillet, Gonesse (Val-d’Oise)

Le Procès Eichmann à Jérusalem d’après Joseph Kessel, adaptation et mise en scène d’Ivan Morane

Festival d’Avignon 2021

Le Procès Eichmann à Jérusalem d’après Joseph Kessel, adaptation et mise en scène  d’Ivan Morane

Le Procès Eichmann à Jérusalem d’après Joseph Kessel, adaptation et mise en scène  d’Ivan Morane dans actualites

© Thomas Bouvard

 Les articles du romancier journaliste écrits pour  France-Soir restent d’une étonnante acuité.Il décrit avec minutie le tribunal  et la mise en scène de ce procès, avec tous ses protagonistes : juges, avocats, journalistes… et bien sûr l’accusé. Ivan Morane, sobre, face à une cage de verre blindée vide, nous fait revivre pendant une heure trente, les instants les plus intenses de cet événement : « J’ai été happé par la théâtralité de ces articles. Comme si je redécouvrais tout ! »

Et c’est comme nous y étions : tel un reporter à sa table de travail, le comédien se fond dans l’écriture de Joseph Kessel qui décortique à la loupe, comme on observe un insecte, le comportement, devant ses juges, de celui qui envoya  à la mort six millions de juifs. L’horreur évoquée tout au long du procès laisse le criminel froid qui s’émeut seulement quand on met en cause sa professionnalité : il n’a fait qu’obéir au mieux…
Joseph Kessel ausculte la personnalité de ce criminel au fur et à mesure du procès,et en mesure la responsabilité.  Et Ivan Morane nous fait partager sa froide indignation. Il nous emmène dans la  Jérusalem de 1961, avec, en fond sonore, la voix d’un rescapé des camps :Shelomo Selinger auteur de Nuit et Lumière), celle d’Eichmann enregistrée lors des interrogatoires et des Kol Nidrei (chant des morts) de Max Bruch et Arnold Schoenberg ou Le Galérien de Maurice Druon chanté en russe par le père du metteur en scène Serge Messberg.

Nous connaissons l’histoire mais avec cette chronique, illustrée par une bande-son émouvante et discrète et jouée à la perfection, sans aucun pathos, Ivan Morane rend hommage à toutes les victimes de la shoah et aussi à une partie de sa famille, disparue à Auschwitz en 1942. En particulier à son arrière-grand-père  « Abraham Lazare Bersniak qui mourut de chagrin fin 1942 après la mort en déportation de trois de ses neuf enfants ». Il sait nous transmettre  grâce aux mots d’un grand auteur l’indignation pure devant les crimes impardonnables d’Adolf Eichmann, pendu en 1962 par un bourreau volontaire.   Un spectacle indispensable pour se rafraîchir la mémoire.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 11 juillet, Théâtre des Halles , Avignon, à 19 h  T. : 04  a32 76 24 51

 

Festival d’Avignon Lamenta, chorégraphie de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen

Festival d’Avignon

Lamenta, chorégraphie de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen.

© Christophe  Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Une création née du croisement de plusieurs cultures. En partenariat avec les ballets C de la B, les chorégraphes ont découverts en Palestine une danse traditionnelle la « dabkeh » dont ils se sont inspirés pour  Badke. Jouée avec succès au festival de Kalamata en Grèce, cette pièce a contribué à de nouvelles rencontres. Ils ont été invités à découvrir des danses  traditionnelles festives et des musiques ancestrales de la région montagneuse de l’Épire. Et Lamenta est né de  ce coup de foudre. 

Les miroloi, lamentations chantées pour un enterrement, un mariage ou l’exil d’un proche sont partition d’où émerge une succession de tableaux dansés mais dont la lisibilité n’est pas évidente pour le néophyte. Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen ont travaillé avec neuf danseuses et danseurs  de différentes régions grecques. Tous formidables par leur engagement et leur énergie,  ils frappent le sol, se battent la poitrine et claquent des mains, dans un rythme constant. Sans répit, emportés dans une folle farandole. 

Les chorégraphes soulignent : « Le plateau est vide. Nous ne voyons principalement que des corps. C’était un désir esthétique et symbolique mais aussi un objectif financier : consacrer tout  notre budget aux interprètes plutôt qu’à la scénographie. » Le travail de lumière sophistiqué de Begoña Garcia Navas sculpte les corps dans ce bel espace de jeu, qu’est la cour minérale de l’université d’Avignon. Les costumes noir et blanc de Peggy Housset rappellent certaines créations du japonais Yõji Yamamoto. Un spectacle exigeant que l’on pourra découvrir prochainement en France…

Jean Couturier

Festival d’Avignon, jusqu’au 15 juillet, à 22 h, Cour minérale de l’université

 Le 17 juillet, Théâtre Paul Eluard, Bezons (Val-d’Oise).
Du 13 au 15 octobre, Le Maillon-Théâtre de Strasbourg (Bas-Rhin).
Les 13 et 14 décembre, La Villette Paris (XIXème).
Le 5 mai, festival Passages, Arsenal Cité Musicale, Metz (Moselle). 

Festival d’Avignon Perfidia, texte et interprétation de Laëtitia Pitz, collaboration artistique d’Alain Chambon

Festival d’Avignon

Perfidia, texte et interprétation de Laëtitia Pitz, collaboration artistique d’Alain Chambon

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Très simplement, une famille se construit devant nous, se défait et se reconstruit. Mieux vaudrait dire : pousse , comme un arbre, elle fait des rejets et surgeons qui survivent ou non, au tronc principal. C’est l’idée classique de l’arbre généalogique, mais ici avec toute sa sève et sa fragilité. Laëtitia Pitz raconte trois générations de femmes et d’hommes. La Guerre n’a pas un visage de femme est le titre d’un roman de Svetlana Alexievitch. Les conflits font les enfants : un Charles, né pendant la seconde guerre mondiale d’une jeune femme de l’Est de la France et d’un bel uniforme gris, puis un Gabriel, lui né d’un autre père.

Vingt ans plus tard, ils feront cette guerre d’Algérie qui ne dit pas son nom et n’en reviendront pas tels qu’ils étaient partis. Que faire de la douceur de vivre, des voisins sous les orangers quand la guerre n’est plus un jeu et que le verger brûle ? Il y aura une fille-mère qui deviendra mère tout court, et une jeune métisse, née dans la joie de la Libération par les Américains et qui se trouvera plus tard, une famille noire dans le grand Sud.

Rien n’est jamais fini, il n’y a pas d »une fois pour toutes » et nous allons savoir de quoi sera fait le lendemain… Et il y a aussi les enfants qui ne naîtront jamais : pas de place pour eux mais un grand vide creusé dans le ventre des femmes par une aiguille à tricoter. Des tragédies mais pas de drame, c’est la vie de tout le monde comme elle va. Et avec une grande et discrète dignité mais aussi un respect des vivants et des morts.

Laëtitia Pitz qui dirige la compagnie Roland Furieux dans le Grand-Est, a choisi les mots les plus simples et les plus exacts, en un flux continu qui engendre sa propre musique. La parole ne s’arrête pas plus que la vie et les générations. L’autrice-actrice « phrase » son récit, en écoute et réactive le rythme propre, en prenant ses élans sur une répétition, sur l’intonation d’un commencement… Avec une gestuelle tout aussi sobre: dans un carré de lumière, elle élève à peine un bras, esquisse une caresse au micro et de nouvelles images affluent. Cette gestuelle, aussi concise que la phrase, s’accorde avec le texte dans une même rythmique et aiguise encore notre écoute…

La thème musical de Perfidia arrivera à la fin et mieux vaut écouter la chanson par Ibrahim Ferrer que par Luis Mariano… Il apporte, et de loin, ce que procurent les chansons populaires: un presque rien mais aussi les grands moments d’émotion d’une vie. Une façon de dire au revoir au public et à tous ces êtres avec qui nous avons passé le temps de leurs histoires : ce n’était pas si grave et c’était si grave! Perfidia, une dentelle mais… en acier, finement ciselée et résistante. À découvrir absolument.

Christine Friedel

La Caserne, 116 rue de la Carreterie, Avignon. À 16 h 15, jusqu’au 26 juillet. Relâche les 13 et 20 juillet. T. : 04 90 33 88 99.

 

Festivla d’Avignon: La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène de Tiago Rodrigues

Festival d’Avignon

La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène de Tiago Rodrigues

Le premier spectacle de chaque édition (la soixante-quinzième cette année!) du célèbre festival, est traditionnellement  présenté dans la mythique Cour d’Honneur, si convoitée par les metteurs en scène pour qui c’est une reconnaissance. Avec un rituel immuable, grande et belle façade du Palais des Papes bien éclairée, envols de martinets, solo historique de trompettes de Maurice Jarre indiquant le proche début de la représentation avec cette année un peu de retard sur l’horaire à cause du certificat QR à montrer à l’entrée. Nous avons apprécié les nouveaux sièges relevables en bois avec avec galette confortable (ce qui n’était pas une luxe!) et le beau plateau, lui aussi refait avec une forme légèrement arrondie. Mais ensuite, quelle catastrophe! Pauvre, pauvre Tchekhov ! Cette mise en scène, assez prétentieuse, a été dirigée par le futur directeur du festival qui avait pourtant réalisé de bons spectacles au Théâtre de la Bastille puis à Avignon dont Antoine et Cléopâtre (voir Le Théâtre du Blog).

Première erreur prévisible et due au seul choix d’Olivier Py: programmer la dernière (1904) et célèbre pièce du grand dramaturge russe -mais des plus intimistes- sur l’immense plateau dans cette magnifique Cour d’honneur. Avec bien entendu, un système de sonorisation sophistiqué mais qui uniformise et amplifie trop les voix et la musique, ce qui pour les dialogues d’Anton Tchekhov tout en nuances, est loin d’être l’idéal. Et tant pis pour ceux qui sont dans les rangs les plus élevés, impossible d’identifier clairement quel est le personnage qui parle. Pourtant le festival ne manque pas de lieux. Cela sonnait un peu comme une cérémonie d’adoubement pour Tiago Rodrigues… Mais pas très juste pour le public!

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Deuxième erreur: une scénographie branchouille et tape-à-l’œil qui fait le plus grand tort à la pièce. Ici, plus de belle maison familiale ouvrant sur une cerisaie. Après tout, pourquoi pas? Des Cerisaies, nous en avons vu de toutes les couleurs et non des moindres comme celles, merveilleuse et mythique, de Peter Brook avec quelques meubles et tapis  ou  celle tout aussi mythique de Giorgio Strehler… avec son petit train d’enfant. Autres temps, autres mœurs… Tt nous ne vous ferons pas le coup d »autrefois c’était quand même mieux. » Mais ici, que vient faire cette bonne centaine de chaises grises et rouges en treillis plastique sagement alignées et que les acteurs vont envoyer en l’air de façon à former un gros tas et que, dans un deuxième temps, ils transporteront et empileront côté jardin ! Une idée vraiment géniale!

Cette scénographie médiocre parasite visuellement tout le plateau et a pour effet attendu, une mauvaise relation entre les personnages que les pauvres acteurs sont obligés d’interpréter le plus souvent face public. Et quand ils ne jouent pas la prochaine scène, ils vont s’asseoir à vue sur des chaises en fond de scène, un procédé hérité de Brecht et devenu un stéréotype du théâtre contemporain, comme les entrées par la salle, ce qui ne semble pas déranger le metteur en scène. Et  Lioubov (Isabelle Huppert) s’adresse à Lopakhine (Adama Diop) chacun assis sur une chaise face public! Quand, à la fin, ce beau plateau retrouvera sa virginité: ils pourront enfin se parler  et logiquement, tout va alors mieux et fait enfin sens mais il aura fallu attendre ce court moment plus de deux heures!

Il y a aussi trois praticables montés sur rail et munis de lampadaires avec lustres à cristaux type 1900 et gros globe lumineux des années soixante, d’une laideur incontestable. Sans doute pour traduire le présent et le passé mais aussi l’inexorable puissance du changement? Ce dont Tiago Rodrigues semble obsédé, puisqu’il répète le mot à quatre reprises dans une courte note d’intention, elle aussi assez prétentieuse. Le metteur en scène a fait installer un autre praticable à roulettes où joue le petit orchestre de Manuela Azevedo (chant et clavier) Helder Gonçalves (batterie) dont la musique -très amplifiée mais pas vraiment intéressante- prend quelque fois la place du texte… Ce qui casse le rythme et ne facilite pas la circulation des acteurs…

«Avec les mots de Tchekhov, le metteur en scène a trouvé un incroyable carburant dramaturgique pour nourrir sa machine théâtrale, briser le quatrième mur et rassembler le public autour des grand défis qui attendant l’aujourd’hui » (sic). Allons-y pour le carburant!  Tiago Rodrigues a le droit de puiser son inspiration dans cette Cerisaie mais … intituler ce spectacle La Cerisaie d’Anton Tchekhov relève de la tromperie sur marchandise et plusieurs dizaines de spectateurs ont abandonné la partie. Cette représentation, très mollement applaudie, a aussi été sifflée, ce qui est très rare dans ce festival. Nous avons connu Tiago Rodrigues mieux inspiré et cette absence de réalisme revendiqué, malgré la bonne traduction d’André Markowicz, ne sert pas du tout la dernière pièce (1904) d’Anton Tchekhov et sans doute sa plus réussie.. Signe qui ne trompe pas: à l’entrée de la Cour d’Honneur, aucun écriteau de gens voulant acheter une place… Le bouche à oreille s’est vite fait!

 On connait l’histoire : une veuve d’une cinquantaine d’années Lioubov vit à Paris. Généreuse mais dépensière et surtout incapable de gérer ses terres.  Son frère, un propriétaire terrien est, lui aussi en faillite. Elle a une fille adoptive de vingt-quatre ans, Varia et une fille « naturelle» de dix-sept ans, Ania. Il y a aussi Trofimov; l’éternel étudiant de vingt-sept ans qui rêve d’une société plus juste
Lioubov est revenue dans la maison de son enfance qui jouxte une cerisaie dans la campagne russe mais lourdement endettée, elle sait au fond d’elle-même qu’il n’y a aucune issue. Lopakhine, un homme d’affaires, fils de moujik, lui recommande plusieurs fois de réaliser une opération immobilière consistant à répartir le terrain de la cerisaie en datchas pour éponger ces dettes. Mais au nom d’une morale personnelle, elle ne peut se résoudre à ce sacrifice et refuse cette solution. Le destin va frapper et la cerisaie sera bien vendue aux enchères. Et ce Lopakhine l’achètera, couronnant son ascension sociale.. Et les cerisiers chers au cœur de Lioubov seront ainsi abattus sans état d’âme. Lioubov a perdu et une veille société disparaît pour faire place à une nouvelle, celle du capitalisme foncier dont Lopakhine est le représentant… Une histoire qui, sous une forme ou sous une autre, a aussi touché nombre de gens marquées par le manque de prévoyance de leurs parents et qui sont obligés de vendre une maison où ils auront passé toute leur enfance, ou leurs vacances. Toute la famille partira ainsi pour Moscou… en oubliant Firs, le vieux serviteur -remarquablement interprété par Marcel Bozonnet- condamné à la solitude et à une mort prochaine.

Mais l’ensemble de la distribution manque d’unité et chaque acteur joue isolément. Ce qui est plutôt gênant! Ici tout est sec sauf à de rares moments. Dans cette Cerisaie, puisqu’elle nous est vendue comme telle, nous ne retrouvons pas ce groupe social russe très soudé de gens obligés de vivre ensemble malgré les querelles,  pendant le long hiver russe,  entre les jeunes et les plus âgés, entre les maîtres et leurs domestiques…
Côté distribution, Isabelle Huppert n’est pas ici la grande Isabelle Huppert et nous avons du mal à croire à son personnage: elle fait à un moment de petits sauts en pantalon large d’un  bleu-vert cru, remet souvent en place ses cheveux balayés par le mistral (Tiago Rodrigues connait pourtant, donc c’était à lui de gérer cela !) Elle semble surtout ne pas être vraiment là, sauf à la fin, quand la cerisaie a été vendue. Là enfin, il se passe quelque chose. Le bel acteur sénégalais Adama Diop que l’on a vu entre autres chez Cyril Teste et Stéphane Braunschweig est, lui, beaucoup plus convaincant. Il incarne bien cette espèce de volonté qu’a Lopakhine de réussir à tout prix, son ascension sociale.

Mais encore une fois cette «mise en scène» participe d’une lecture personnelle, proche du happening ou de la performance mais qui n’aurait jamais du dépasser le travail de laboratoire et jamais non plus être jouée dans la Cour d’honneur.  Bref, Tiago Rodrigues a raté son coup et le spectacle a été très mollement applaudi, voire même sifflé -ce qui est rare au festival d’Avignon- et on aimerait bien savoir ce qu’il aurait pu dire au public très mécontent qui sortait de ces deux heures et demi éprouvantes… Il faut toujours savoir l’écouter et ce soir-là, les commentaires étaient loin d’être tendres: « spectacle vraiment ennuyeux » « pas de rythme »« on n’accroche pas du tout», « Isabelle Huppert très moyenne » «que veut nous dire le metteur en scène? », etc. Et un jeune homme sans doute un apprenti-comédien, trouvait que « c’était du vieux théâtre »… Dur mais assez bien vu: quand on donne des bâtons pour se faire battre, il ne faut pas s’étonner des réactions! Et le public, même s’il ne sait pas toujours exactement pourquoi un spectacle ne fonctionne pas, ressent bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas…

Allez, une petite note d’espoir: jouée à l’Odéon à Paris la saison prochaine donc dans un cadre moins vaste, et peut-être revue et corrigée, cette mise en scène de  La Cerisaie -qui  ne sera jamais un chef-d’œuvre- aura quand même sans doute mûri. Déjà, si Tiago Rodrigues pouvait offrir le cadeau à ses acteurs de les faire jouer sur un plateau nu et sans lampadaires hideux, le spectacle y gagnerait beaucoup.  En tout cas, maintenant qu’il est aux manettes de ce festival mondial, il n’a pas intérêt à poursuivre dans cette voie, s’il veut conserver un public déjà bien vieillissant…  Et il y avait comme d’habitude, très peu de jeunes dans la salle! Olivier Py n’a jamais réussi à les attirer malgré quelques réductions insuffisantes. Employons les gros mots qui fâchent: il est urgent de redonner un souffle plus « populaire » à ce festival. Et le prix des places pour La Cerisaie est dissuasif: 40 € et 30 €, ou plus haut, dans les gradins: 30 et 25 €… Et pour Pinocchio live dont nous parlerons bientôt, prix unique:  30 €. Les affaires sont les affaires, mais quel jeune, même à un tarif réduit, peut se permettre cela? Cela ne semble  déranger ni madame Bachelot ni l’Elysée: comme nous le savons tous maintenant, il suffit, a dit le triste Macron, de traverser la rue pour trouver un boulot et donc d’aller passer quelques jours au festival d’Avignon… Elémentaire, mon cher Lopakhine. Cette catastrophique Cerisaie que vous pouvez vous épargner, est un cas d’école (nous n’avons pas encore vu la version télévisée enregistrée avec une dizaine de caméras le soir où nous l’avons vue  mais elle ne doit pas être plus fameuse) et elle restera comme l’exemple à ne surtout pas suivre…

Philippe du Vignal

Cour d’Honneur du Palais des papes, jusqu’au 17 juillet.

 

 

 

 

Festival d’Avignon: Les Raisins de la colère adapatation du roman de John Steinbeckk mis en scène de Xavier Simonin,

Festival d’Avignon

Les Raisins de la colère, adaptation du roman de John Steinbeck, mise en scène de Xavier Simonin

Ce fameux roman a été publié en 1939, ce qui ne nous rajeunit pas  et son auteur reçut le prix Pulitzer l’année suivante. Cela se passe pendant la grande dépression, juste après le terrible  krach dix ans avant, et finit au début de la seconde guerre mondiale. Des métayers, ces agriculteurs pauvres qui cultivent une terre qui ne leur appartient pas  en échange d’une partie de la récolte, sont la proie d’un système léonin: en cas de grave pépin et/ou de grave sécheresse, ils tombent vite dans la misère la plus noire.
La famille Joad doit ainsi quitter l’Oklaoma et ira à pied et à cheval vers la Californie avec des milliers d’autres, à la recherche d’une meilleur avenir et vend pour survivre le peu de biens qu’il lui reste. Espérant enfin manger à leur faim, elle emprunte la route 66 qui va vers l’Ouest. Désillusion, ces pauvres gens sont trop nombreux et il n’y a pas assez de travail. Ils devront aller vivre dans des camps mais les familles se disloquent, chacun essayant de survivre comme il peut…

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Une triste saga aux nombreux personnages que nous conte le romancier et dont John Ford avait réalisé un film avec Henry Fonda en 1939. Mais depuis rien… «Jamais les ayant-droit n’ont autorisé la moindre adaptation de ce roman au théâtre comme au cinéma mais événement: création mondiale!»   (sic), dit un peu vite et avec une certaine  prétention, l’auteur et unique acteur de ce spectacle… Qui se «propose de restituer cette histoire d’hier qui résonne aujourd’hui comme un présage pour demain. »

Oui, mais voilà, il faudrait se donner les moyens d’adopter à la scène ce roman sans tomber dans un réalisme facile, voire dans l’anecdotique…Avec combien d’acteurs? Solution toute trouvée et facile qui sévit actuellement dans le off!  Un seul : Xavier Simonin qui s’est donc mis lui-même en scène, mais comme il a une diction déplorable, il faut toujours tendre l’oreille pour écouter ce solo trop long et mal construit avec plusieurs fausses fins et pourtant dit au micro (ce qui n’arrange pas les choses!). Et il manque ici comme souvent une véritable dramaturgie et une solide direction d’acteurs… Il y a heureusement un trio de très bons musiciens-chanteurs: Claire Nivard (chant et guitare), Stephen Harrison (contrebasse et chant), Emmanuel Bertrand (guitare, banjo et voix) que l’on écouterait bien encore un moment avec grand plaisir et qui réussit à sauver ce spectacle très ennuyeux d’un naufrage programmé. Allez, une petite lueur d’espoir: à l’extrême fin, Xavier Simonin quand il s’avance sans micro vers le public, devient nettement plus crédible. Mais il est bien trop tard… Seule issue: trouver un dramaturge et un metteur en scène qui pourraient éventuellement donner corps à une adaptation au théâtre…
Vous pouvez donc vous épargner ces Raisins de la Colère. relisez plutôt le roman ou allez voir Sosies de Rémi de Voos au Théâtre des Halles, une pièce bien dirigée par Alain Timar avec d’excellents acteurs et dont nous vous reparlerons.

Philippe du Vignal

Théâtre La Luna, Avignon. T. : 04 90 86 96 28, jusqu’au 30 juillet.

Festival d’Avignon 2021 Normalito, texte et mise en scène de Pauline Sales

Normalito, texte et mise en scène de Pauline Sales

 Un drame ignoré dans ce monde aux multiples sensibilités et aux identités éclatées : celui de l’enfant normal. Un mot que l’on n’ose plus prononcer… Sont vite diagnostiquées toutes les « dys-» qui pourraient entraver santé, scolarité, insertion sociale et bon développement et quoi encore, d’un enfant : dyslexie, dysorthographie ( ???), comme si la vie était entièrement définie par l’école. ..
Sans oublier les H.P., non, pas: hôpital psychiatrique mais Haut Potentiel, de ceux qu’on appelait avant les « surdoués ». Quand la maîtresse propose à chacun d’imaginer un super-héros avec des super-pouvoirs, Lucas dessine Normalito, celui qui rend tout le monde normaux  (sic). S’ensuit une rencontre heurtée qui évoluera vers un duo avec Iris, une fille zèbre ultra-rapide et à rayures. Chacun se fera chouchouter par les parents de l’autre et ils trouveront leur harmonie auprès de Lina ou Alain, la dame-pipi aussi « normale» en femme qu’en homme. Nous comprenons vite qu’il ne s’agit pas de glisser dans la pièce, un thème dans l’air du temps ! A la louche, un spectacle sur cinq dans le off d’Avignon  évoque la question du genre. Mais de trouver le sens réel de l’adjectif normal. Freud disait de la santé mentale, que celui qui peut aimer et travailler est normal dans tous les corps.  Comme le comprendront Lucas et Iris, nos deux olibrius en fugue.

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L’écriture est particulièrement savoureuse avec un cocktail de langage et de logique écoliers, de satire (terme qui signifie en lui même «cocktail), d’inquiétude philosophique et tendresse relevée d’ une pointe de piment.

Cette affaire d’être normaux, ce n’est pas rien aujourd’hui  et chaque fois que l’adjectif pointe son nez, il provoque un petit sursaut, déstabilise et interroge, en même temps qu’il rééquilibre la balance entre universalistes et identitaires.

Les acteurs à transformation Antoine Courvoisier, Cloé Lastère et Anthony Poupard sont précis, intenses, d’une énergie constante et maîtrisée, généreux. Bref, épatants. Avec un style de jeu répondant du tac au tac à l’écriture. Les deux premiers jouent les enfants juste là où il faut, entiers -comme les enfants dans leurs désirs et leurs jeux-, outrant à peine le dessin pour l’indispensable note d’humour adulte. Le tout dans une jeu de portes ultra- fonctionnelle du scénographe Damien Caille-Perret, complice et partenaire régulier de Pauline Sales. Ce Normalito, comme un certain chocolat de notre enfance, convient particulièrement aux sportifs,  malades, intellectuels, vieillards et adolescents. Et qui nourrit sans peser.

Christine Friedel

Le  11, au 11 boulevard Raspail, Avignon, à 9h 45. Jusqu’au 25 juillet, relâche les 12, 19 et 26 juillet. T. : 33(0)4 84 51 20 10.

Les Plateaux Sauvages , Paris
 (XX ème) les 1er et 2 octobre.

Maison du Théâtre-Brest, les 
7 et 8 octobre.

Théâtre de Mâcon, 
du 12 au 14 octobre.

Les Quinconces-L’Espal, Le Mans
 (Sarthe) du 20 au 22 octobre.

Théâtre de Chevilly-Larue, 
16 novembre.

Le Quai des rêves-Lamballe, le 
30 novembre.

Théâtre du Champ au Roy – Guingamp
, les 3 et 4 décembre.

Comédie de Caen
, du 15 au 17 décembre.

Théâtre Jacques Carat, Cachan, les 
18 et 19 février

Scène 6, Alençon ( Orne) le 
25 février.

T.N.G.-Lyon, 
du 10 au 14 mai.

Théâtre Olympia-C.D.N. de Tours
, du 17 au 21 mai.

 

 

 

 

 

 

Anna Halprin (1920-2021)

Anna Halprin (1920-2021)

Il faut saluer le travail d’Anna Halprin, la grande

©x site officiel d'A. HAlprin

©x site officiel d’A. Halprin

chorégraphe américaine récemment disparue, qui a eu des retombées sur tous les arts de la scène. Comme le montre bien une bio signée de son mari Lawrence Halprin (1916-2009) traduite en français et publiée par les éditions belges Contredanse.

Pour Anna Halprin, la danse ne se résume pas aux heureux élus retenus par la postérité comme les Américains Martha Graham, Doris Humphrey, Charles Weidman, etc. mais doit obéir aux «nécessités primitives exprimant des forces vitales»… Une conception de l’art pas totalement idéaliste dans la mesure, où elle s’appuie sur les lois de la «physiologie du corps humain», en accord avec l’enseignement qu’elle reçut de Margaret H’ Doubler, une biologiste, universitaire et grande pédagogue. Elle était aussi très attentive à l’environnement, anticipant ainsi sur les mouvements écologistes actuels.

 A la suite d’Isadora Duncan, Anna Halprin réussit à faire sortir la danse de son carcan vestimentaire mais aussi de son réduit théâtral, comme les danseurs «labaniens» ont pu le faire dans la période Monte Verità. Pour elle, en Californie au bord de l’océan, la danse supposait le plein air : son mari architecte lui fit construire un plateau sans cadre de scène sous les séquoias. Un théâtre de verdure qui induisait une relation nouvelle à l’espace et plongeait « les danseurs dans les sons et autres éléments naturels ». Cette «nouvelle scène », pour reprendre le terme du Bauhaus, a vu se succéder entre autres : Merce Cunningham, Min Tanaka, Meredith Monk, Simone Forti, Trisha Brown, Yvonne Rainer, Eiko et Koma… Avec des exercices qu’elle nomme «expériences dans l’environnement extérieur», Anna Halprin voulait revenir aux sources de la création, mais sans ignorer les «problèmes de la vie quotidienne, psychologiques ou physiques, tant collectifs que personnels». Selon elle, en quittant la scène, la danse rejoint la vie.

 Birds of America or Gardens without Walls (1960) ou Five Legged Stool (1962), Parades & Changes (1965), que nous avions vu en 2011, une pièce restituée par Anne Collod à La Villette. Ces chorégraphies ont une incontestable valeur: Anna Halprin attachait la même importance à son travail pédagogique qu’à ses créations. Le film de Ruedi Gerber, Anna Halprin : Le Souffle de la danse (2010) en détaille les exercices pratiques, notamment des improvisations en studio et surtout, en bord de mer. L’indispensable documentaire de Jacqueline Caux, Out of Boundaries (2004) montre les aspects de cette longue vie vouée à la danse, menacée par une cancer à deux reprises : « Auparavant, dit-elle, je consacrais ma vie à l’art mais ensuite, j’ai dédié mon art à la vie ». Une partie de son travail, et non la moindre, porte sur l’art-thérapie auprès de malades en phase terminale, cancéreux ou ou atteints par le sida.

L’influence d’Anna Halprin aura été considérable, d’abord sur les musiciens qui, à l’instar des danseurs, ont adopté son principe de tâches (tasks) et renoncé au solfège. Comme sur les artistes et gens de théâtre qui font dans le «performatif». (Daria, Sa fille fut aussi comédienne) Et bien sûr, des grandes figures de la Judson Church. Nous avions assisté à la reprise de sa Planetary Dance, en 2012, un canon collectif inspiré de la danse des étoiles, joyeusement animé par plusieurs chorégraphes français dont les maîtres de cérémonie, Amy Swanson et le regretté Fabrice Dugied. Cet événement en plein air, dans un parc du XII ème à Paris, nous avait téléporté dans les années hippies…

 Nicolas Villodre

 

Adieu Michel Dubois

Adieu Michel Dubois

 

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Né en Suisse il y a quatre vint quatre ans, il suivit l’école du Théâtre National de Stsrabourg, alors dirigé par Hubert Gignoux. Il fut ensuite très vite  comédien et assistant du grand Jean Dasté à la Comédie de Saint-Etienne  où il mit en scène entre autres, Andorra de Max Frisch, La double Inconstance de Marivaux, La dernière Bande de Samuel Beckett…

En 1971, Michel Dubois succèdera à Jo Tréhard, directeur de la Comédie de Caen-Centre Dramatique National. Avec son collaborateur Claude Yersin, homme d’une grande culture, il aura le courage – ce qui n’était pas si fréquent à l’époque- de créer des pièces d’auteurs contemporains français comme Jean-Paul Wenzel, Michel Vinaver ou allemands comme comme Botho Strauss avec un tout à fait remarquable Le Temps et la Chambre, Peter Handke, Fassbinder, Kroetz,  Brecht…

Mais il monta aussi par la suite des pièces plus classiques mais souvent peu ou mal connues, de grands dramaturges : Shakespeare, Musset, Gorki, Sophocle, Lenz, Kleist, Strindberg, Mairet, Congreve, Pirandello, Schnitzler, Büchner, Molière et de contemporains très différents les uns des autres  comme Achtenbusch, Duras, Cormann, Agota Kristof, Belbel, G.B. Shaw, …
 Puis, en 97, il dirigea le Nouveau Théâtre de Besançon où  il y travailla avec notre collaboratrice Christine Friedel. Il y mit en scène des auteurs alors peu connus du grand public comme Hrabal, Barker, Witkiewicz mais aussi et toujours, de grands classiques: Ibsen, Pirandello, Shakespeare.
 Michel Dubois présidera aussi le Syndeac  de 91 à 94 et le Centre National du Théâtre de 2002 à 2006. Et il  fut un temps adjoint à la Culture dans l’équipe municipale de Caen jusqu’en 2009. Nous l’avions vu encore assez souvent aux premières du Centre Dramatique National de Caen alors dirigé par Jean Lambert-wild mais il nous avoua être fatigué du théâtre en général et préférer maintenant  faire de la peinture.
Ce très bon mais discret metteur en scène fut pourtant et très injustement, souvent mal considéré par certains critiques.  Loin d’avoir démérité, il aura été un excellent artisan de ce qu’on appela la décentralisation et aura eu le grand mérite de monter des auteurs étrangers dont beaucoup sont maintenant des classiques du théâtre contemporain…

Philippe du Vignal

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