L’Akademie der Künste Arbeit am Gedächtnis – Transforming Archives (Travailler la mémoire, transformer les archives)
L’Akademie der Künste
Arbeit am Gedächtnis - Transforming Archives (Travailler la mémoire, transformer les archives)
Une exposition présentée à Berlin jusqu’au 19 septembre réunit treize artistes invités à réfléchir sur la question de l’oubli et/ou de la mémoire dans les sociétés, dites avancées. Traiter la mémoire et de son stockage est au centre de la pratique actuelle : des artistes questionnent les archives, repensent les processus de sélection, scannent les lacunes du dépôt et créent leurs propres archives contre l’oubli. A côté du changement dû au numérique, des récits nationalistes, débats post-coloniaux sur la responsabilité historique etc., les espaces traditionnels de connaissance et de mémoire doivent être défendus et réévalués. Un sujet particulièrement sensible en Allemagne et obsédant comme un leitmotiv. L’idée implicite étant qu’on trouve aussi dans les archives papier, une autre trace : celle de supports, immatériels et matériels et de corps vivants. Plusieurs disciplines sont ici représentées par des artistes et auteurs de plusieurs pays: Miroslaw Balka, Candice Breitz, Ulrike Draesner, Arnold Dreyblatt, Thomas Heise, Susann Maria Hempel, Alexander Kluge, Eduardo Molinari, Matana Roberts, Cemile Sahin, Cécile Wajsbrot, Jennifer Walshe et Robert Wilson.
Tous connus ou reconnus par l’Akademie der Künste qui a déjà travaillé avec eux mais certains en sont devenus membres. Représentant d’œuvres pour la jeunesse, les arts visuels, l’architecture, la musique, la littérature, les arts de la scène, films, médias. Miroslaw Balka est un artiste «multimédias». Ce Polonais de soixante-trois ans a créé une installation à la Tate Modern à Londres: un conteneur noir sur lequel était fixée une rampe rappelant celle des camps de concentration. La photographe et cinéaste Candice Breitz, quarante neuf ans, née en Afrique du Sud, pose la question de la culture qu’offrent les mass medias.
La poétesse et romancière allemande Ulrike Draesner, née en 1962, s’exprime avec des matériaux divers et son dernier livre est dédié à Kurt Schwitters. Arnold Dreyblatt est un compositeur américain que l’on associe souvent au mouvement minimaliste. Il a collaboré avec des artistes du mouvement Fluxus et a contribué à créer le courant musical drone surtout fondé sur des bourdons (drones en anglais) qui utilise utilisant sons,notes et clusters maintenus ou répétés. Et caractérisé par de longues plages musicales avec peu de variations harmoniques
Plus jeune, Susann Maria Hempel, née en 1983 en R.D.A, est une réalisatrice de cinéma dit expérimental. Thomas Heise, soixante six ans, né à Berlin-Est, l’auteur de nombreux films documentaires, est aussi metteur en scène et a écrit plusieurs pièces de théâtre. Alexander Kluge, cinéaste et écrivain, bien connu en France, docteur en droit devint vocat en 1958. Il a été l’ami du philosophe Theodor Adorno qui l’encouragea à s’intéresser au cinéma et le présenta à Fritz Lang dont il devient l’assistant.
En 1962, il est parmi les rédacteurs du manifeste d’Oberhausen annonçant le renouveau du cinéma allemand. Dirigeant l’Institut für Filmgestaltung de l’université d’Ulm, ce pionnier du nouveau cinéma crée en 1963 une société de production et contribua en 1965 à fonder deux ans plus tard, curatorium du jeune cinéma qui financera de nombreuses premières œuvres). Il tourne en 1965 son premier long métrage, Anita G. Primé à Venise qui révélera avec le premier film de Schlöndorff, l’existence d’une Nouvelle Vague en Allemagne: importance du montage, distanciation, refus de tout esthétisme, recours à la voix off et au découpage en chapitres, insertion de séquences quasi documentaires, ironie dans la narration, critique sociale fondée sur une analyse des contradictions des personnages… On lui doit entre autres Les Artistes sous le chapiteau: perplexes (1967), Travaux occasionnels d’une esclave (1973). L’année suivante, avec In Gefahr und grösster Not bringt der Mittelweg den Tod, il associe plusieurs récits et joue avec les mythes politiques et cinématographiques.
La théorie du montage triomphe dans La Patriote (1979). Il a toujours milité pour un cinéma indépendant et a encouragé les essais de film collectif à contenu politique L’Allemagne en automne (1977-78), où les séquences annoncent déjà La Patriote et Le Candidat, (1980), un pamphlet mais surtout une réflexion politique Puis en 1983, il tourne La Force des sentiments après avoir participé à Guerre et paix, un film collectif, avec Heinrich Böll, V. Schlöndorff, Stefan Aust et Axel Engstfeldet en 1986, Informations diverses et un film mi-documentaire, mi-fictionnel L’Attaque du présent sur le reste du temps. Il a publié de nombreux textes, dont Anita G, Stalingrad et des ouvrages sur la théorie du cinéma. Depuis 1988, il se consacre à la réalisation d’émissions culturelles à la télévision.
Eduardo Molinari est un artiste argentin d’une cinquantaine d’années qui créa en 2001 le Walking Archive, un fonds audiovisuel qui interroge les rapports entre les arts, l’histoire et le politique. Matana Roberts, une Afro-américaine née en 1978, est musicienne de jazz et compositrice.. Kurde d’origine, l’Allemande Cemile Sahin, trente et un ans, vise à déconstruire le récit historique en insistant sur la multiplicité des points de vue. Sahin travaille avec des images et des histoires qu’elle met en scène avec des films, photos, sculptures, collages, etc. La Française Cécile Wajsbrot, soixante-sept ans qui à Paris et à Berlin, est romancière essayiste mais aussi traductrice et collabore à Autrement, Les Nouvelles Littéraires et Le Magazine littéraire.
Jennifer Walshe, quarante-sept ans, est une chanteuse et musicienne irlandaise. Enfin, Robert Wilson ,dramaturge, et metteur en scène et réalisateur américain qui avait créé il y a cinquante ans le célébrissime Regard du Sourd est aussi devenu membre en 96 de l’Akademie der Künste qui fait la part belle aux arts de la scéniques, est dotée de plusieurs salles de spectacle dont une boîte noire qui n’a rien à envier à la nouvelle salle Firmin Gémier, au Théâtre National de Chaillot à Paris. Ont surtout retenu notre attention la vidéo de Bob Wilson Kool dancing in my mind, un portrait touchant de Suzushi Hanayagi qui fut notamment sa répétitrice de danse. Maintenant atteinte d’Alzheimer, elle retrouve instinctivement les gestes inscrits dans son cerveau reptilien… Nous avons aussi beaucoup apprécié le travail de réflexion de Thomas Heise sur la mémoire de l’Académie elle-même, après la réunification de l’Allemagne en 1993.
Nicole Gabriel
Académie des arts de Berlin, Pariser Platz 4 · +49 30 200571000