K.O. aux J.O.
K.O. aux J.O.
« Paris 2024 met fin aux espoirs du karaté pour les prochains J.O. », titre le Journal Officiel du sport, qu’est le quotidien L’Équipe. On comprend l’amertume du jeune champion français Steven Da Costa, un des rares médaillés d’or dans la catégorie moins de 67 kg, de cette discipline nippone : « Je me suis entraîné comme un acharné, raconte-t-il. J’ai assumé mon rôle de favori. J’ai rapporté l’or en France. J’ai porté haut le drapeau. J’étais sur un petit nuage. Le réveil fait mal. »
Le journal Marianne estime « qu’en promouvant des sports qui cartonnent sur les réseaux sociaux » tels le breakdance ou le skateboard, Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des J.O. de Paris 2024, se fourvoie à tous les niveaux. »L’art martial qu’est le karaté est sans nul doute un sport de combat dont les coups, en principe, ne doivent pas être portés pour assurer la survie de l’espèce qui s’y adonne. Mais peut-on dire que la breakdance est un sport ? Un art né dans la rue, comme Johnny, urbain – dans tous les sens du terme – et spectaculaire. Le marketing et la communication, pour ne pas dire la propagande politique pré-électorale, le jeunisme des quadras (et plus) à la tête du C.I.O., l’opportunisme qui se manifeste envers la nouvelle catégorie sociologique de la «diversité» ne sauraient limiter les dégâts d’un déficit attendu. Une soixantaine de députés appuient aujourd’hui la requête de Steven Da Costa et la ministre des sports elle-même, Roxana Maracineanu, se dit favorable à la réintégration du karaté dans les sports représentés aux J.O.
Les Jeux, en France, c’est du sérieux. Un baron qui n’était pas en toc, Pierre de Coubertin (1863-1937) les avait relancés. Les sports olympiques, y compris ceux de « l’ère moderne » doivent être nobles avant tout. Le vélib, la trottinette électrique, la course en sac ou à l’échalote, les chaises musicales n’en sont pas, du moins pour l’instant vues comme assez dignes…
Mais le hip-hop, le krump et le voguing, légitimés, concurrencent la danse contemporaine… Obligée de partager avec ces arts venus d’outre-Atlantique, la direction des centres chorégraphiques et, il faut dire aussi –cela a pu avoir son importance dans la décision évoquée– un très large public. A Paris, Bercy, ces dernières années, s’est rempli et a obtenu énormément d’échos dans la presse mais plus par les concours de danse urbaine de « Juste debout » que par ses festivals d’arts martiaux dont la formule date un peu. Quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que l’obsolescence -symbolique ou réelle- d’une discipline est une question qui s’est posée aux organisateurs des J.O. il y a un siècle déjà. Chaque ville peut désormais proposer des «sports additionnels », autrement dit, opposer des disciplines non encore olympiques.
Qu’il s’agisse de pratiques locales, d’activités régionales, compétitions populaires en espérant que ces coutumes atteignent à l’universel. Mais le C.I.O. privilégie la démarche inverse. : tout ce qui a un succès planétaire vaut d’être aux JO, d’où, comme le souligne la presse… Un «choix de sports jeunes, créatifs, spectaculaires et en phase avec leur époque ». Le succès allant au succès, les quadras pensent que les post-adolescents élargiront l’audience des jeux. L’art qu’est la breakdance, s’il est détourné par le C.I.O. pour les raisons évoquées, perdurera-t-il comme discipline? Qui se souvient de sports olympiques, relativement récents mais aujourd’hui disparus des écrans ? Où sont passés les jeux de boules, les courses de ballon, le sauvetage sportif, le cricket, le croquet, le roque, la crosse, le jeu de paume, la pelote basque, la balle-pelote, la canne de combat, le sambo, le korfbal , le glima, le budo, le bowling, le pesapallo, la gymnastique suédoise, le tir à la corde…
Nicolas Villodre
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