Adieu Míkis Theodorákis
Adieu Míkis Theodorákis
La musique grecque est à nouveau en deuil après le décès d’Angélique Ionatos qui avait été l’interprète du célèbre compositeur né le 29 juillet 1925 à Chios, en Egée, dans une famille d’origine crétoise. Il est l’auteur d’une œuvre immense dont plusieurs chansons devenues des classiques comme Une Hirondelle, Sto Perigiali, Kaïmos. Le gouvernement grec a décrété trois jours de deuil national.
Familiarisé dès l’enfance avec la musique sacrée byzantine, il s’intéressa ensuite aux formes et thèmes populaires traditionnels. En 1942, il est arrêté et torturé par les Allemands et sa Chanson du capitaine Zacharias (1939) devient le chant de la résistance grecque. Après la guerre, il reprend des études de composition au Conservatoire d’Athènes, puis à celui de Paris avec Olivier Messiaen de 53 à 54. Il exaltera la culture et le nationalisme grecs à travers son œuvre et son activité politique. Et il sera à nouveau emprisonné de 67 à 70 pendant la dictature des colonels mais cela ne l’empêchera pas d’écrire pour le cinéma.
La popularité de ses musiques pour Zorba le Grec de Michael Cacoyannis (1964) ou de Z de Costa Gavras (1968) ne doivent pas masquer un réel travail de musicien aux ressources très souples et nombreuses, notamment pour Lune de miel de Michael Powell et Emeric Pressburger (1955), Electra et Les Troyennes de Michael Cacoyannis (1963 et 1969) Le Couteau dans la plaie d’Anatole Litvak (1963), Etat de siège de Costa Gavras (1973), Serpico de Sidney Lumet (1974), Iphigénie de Michael Cacoyannis (1977).
Oratorios, symphonies, hymnes, opéras… Il avait foi en la culture populaire et a su ouvrir au grand public la tradition classique et la poésie, par exemple en mettant en musique Axion Esti du prix Nobel Odysseus Elytis ou le Canto General de Pablo Neruda. Il a aussi sorti du ghetto, le rebetiko (le blues grec) et ses instruments traditionnels dont le bouzouki, un héritage de la culture gréco-orientale d’Asie mineure, l’actuelle Turquie.
Malgré ses foucades politiques, coups de gueule et accès de susceptibilité, ce géant chaleureux à la tignasse en bataille s’était hissé au rang de monument national. En revendiquant toujours une farouche indépendance : «Du fait de ma taille, je n’ai jamais pu m’incliner », plaisantait-il. Quand la crise financière frappa la Grèce en 2010, il manifesta contre les mesures d’austérité qu’imposèrent les créanciers du pays : B.C.E, U.E., F.M.I. A la fin de sa vie, il a été plusieurs fois au centre de polémiques à la suite de propos jugés antisémites…
Nektarios-Georgios Konstantinidis