Entretien avec Damien Jalet
Entretien avec Damien Jalet
-Vous expérimentez dans votre nouvelle création Planet Wanderer, plusieurs types de matériaux, en interaction avec les danseurs…
-Oui, le carbure de silicium, un sable noir qui couvre le plateau et le katakurico, une gélatine qui offre une deuxième peau au danseur. Cette fécule de pomme de terre japonaise occupe des cavités sur le plateau où les danseurs se positionnent. Le slime est utilisé à la fin du spectacle et la carbo-glace.
-Avez-vous conçu des tableaux ou l’improvisation prime-t-elle ?
-Avec le scénographe Kohei Nawa, nous sommes partis de la confrontation du danseur avec les matériaux et la gravité. Je ne fonctionne pas de façon rationnelle et tout est venu progressivement. Après l’expérience de Vessel , nous voulions pousser plus loin l’interaction des corps avec les différents matériaux. J’étais au Japon en 2011 pendant le tremblement de terre et cela a changé mon lien au monde. La capacité des habitants à s’adapter m’a fasciné, alors que la nature est tellement vivante et parfois hostile là-bas. Et le thème « enraciner, qui plie mais ne rompt pas »s’est imposé. Dans Planet Wanderer, nous développons « la grande plaine de roseaux », une métaphore de notre monde.
-Quelles ont été les étapes de cette création ?
-Nous avons dirigé deux ateliers à Kyoto avec différents matériaux. Parmi les images crées, nous avons gardé celles qui nous surprennent. Je ne cherche pas à faire une pièce dansée mais plutôt une succession d’états des corps qui incarnent une idée. Pour la séquence du roseau, le danseur a les pieds enfoncés dans le sol, entouré de ce katakurico, matière à la fois solide et liquide, sorte de sable mouvant qui change le rapport à la force gravitationnelle.
La flexibilité du danseur permet de développer un autre langage modifiant le rapport à l’espace et au temps. La chorégraphie dépend de cette balance chimique du matériau. Aujourd’hui, premier septembre, nous sommes dans notre sixième semaine de travail et encore en expérimentation. L’ensemble n’a pas été simple à coordonner avec le Japon, vu l’actualité sanitaire. Nous sommes constamment soumis à des lois que nous n’avons pas choisies…
-Les danseurs ont-ils une figure plus humaine que dans votre précédent spectacle, Vessel ?
-Oui, ils ont un visage et marchent ; ce sont des nomades, en mouvement constant, comme la Terre. Il existe une balance entre cet enracinement et le fait que nous sommes en constant exil. Tous ces éléments sont explorés pendant le spectacle et j’utilise le langage de l’abstraction et la poésie physique, ce qui interroge notre rapport à la terre. Le corps lui-même est constitué de matériaux et en le confrontant à d’autres, nous essayons de révéler quelque chose de notre condition humaine…
Jean Couturier
Du 15 au 30 septembre,Théâtre national de la danse de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris XVI ème. T. : 01 53 65 30 00..
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