La Chienne de ma vie, de Claude Duneton, adaptation d’Aladin Reibel
La Chienne de ma vie de Claude Duneton, adaptation d’Aladin Reibel
Ne pas confondre : il s’agit bel et bien de Rita, la chienne d’enfance du narrateur. Rita, c’est la liberté de l’animal inapte à tout dressage comme ce petit garçon, indocile et joyeux, «Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi ! Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ! ». Entre un père qui garde dans les yeux les morts de la «grande guerre» et une mère exaspérée dans la France paysanne au milieu du vingtième siècle où «tout est à bras et huile de coude » et où c’est quand même une «chienne de vie». Claude Duneton s’en souvient, comme la merveille qu’était l’eau courante, quand on a connu, au mieux, la pompe à bras ou au pire, les seaux à tirer du puits et la glace qu’il faut casser dans sa cuvette le matin pour se laver.
Par la grâce d’un tournage qu’ils ont partagé, Aladin Reibel a rencontré l’auteur. Une vraie rencontre, d’écriture et d’amitié, presque de filiation. Calude Duneton est mort en 2012, à soixante-seize ans. Aurait-il pu faire mieux avec la vie dure où il a grandi ? En tout cas, l’ «alchimiste de la mélancolie» aura toujours su «transformer le plomb de sa tristesse, en or de la rigolade, muer sa détresse et sa neurasthénie en occasions de se boyauter, métamorphoser la dèche en traits d’esprits» écrivait Jean-Claude Raspiengas, dans La Croix, mars 2012). Produit – imprévisible- de la «méritocratie républicaine», Claude Duneton a saisi un destin hors du commun et une œuvre d’amoureux de la langue. Il ne faut pas oublier.
Mise en scène très simple d’Élodie Chanut: table en bois avec toile cirée, rares meubles dépareillés, photos de famille. Aladin Reibel lui donne sa voix, pleine, précise et son allure qui commence à prendre des airs à la Jean Gabin. L’accordéon de Michel Glasko lui répond, d’une mélancolie plus contemporaine. Un beau moment, profond et drôle et une occasion de ne pas oublier ce pays rural et pauvre, qu’on ne reconnaît plus aujourd’hui derrière la P.A.C., les emprunts au Crédit Agricole et une terre aussi menteuse sous le poids des engrais chimiques, que celle du Maréchal Pétain qui prétendait lui, qu’elle ne mentait pas.
Ici, la leçon d’histoire est vive, rapide, sensible, pleine d’un humour qui touche juste, puisque c’est Claude Duneton qui la donne et Aladin Reibel qui la dit. Pour ces soirées-là, le petit théâtre-cabaret qui les accueille, mérite bien son nom : Les Rendez-vous d’ailleurs.
Christine Friedel
Les Rendez-vous d’ailleurs, 109 rue des Haies, Paris (XX ème) les jeudis, vendredis et samedis jusqu’au 27 novembre.
Claude Duneton: La Chienne de ma vie, éditions Buchet-Chastel, 2007. Et deuxième édition, revue et augmentée, de La Puce à l’oreille : anthologie des expressions populaires avec leur origine , Paris, Balland, 2001.