LA LIN LI LA LIN conception et mise en scène de François Lanel

RONCHAY-crédit 07343

© Thomas Desbonnets

LA LIN LI LA LIN, conception et mise en scène de François Lanel

Nous avons souvent vu des spectacles dans des friches industrielles reconverties mais, dans une usine en activité, c’est assez rare. Celui-ci nous invite à découvrir le lin tel qu’on le cultive et le tisse en Normandie. Le pays de Caux, autrefois gros producteur de cette fibre à usages multiples, a vu cette agriculture décliner au fil des ans, comme toute l’industrie textile de la région, écrasée par la concurrence des pays asiatiques…

Le Tissage du Ronchay, aux environs de Dieppe, a résisté et survécu mais au prix de plans sociaux successifs. Depuis 1845, la famille Lardans tisse de père en fils: jute, coton, lin et autres fibres naturelles. L’activité battait son plein jusqu’aux années 1970, notamment avec le jute destiné aux revêtements de sol, sacs et à l’ameublement où il était à la mode. Mais le relais a été pris par l’Inde et le Bangladesh, grands producteurs. L’usine, avec une quarantaine de métiers à tisser à lance Dornier, tourne aujourd’hui au ralenti avec moins de dix ouvriers contre cinquante dans les années soixante-dix. Le dernier gros client qui achetait quinze millions de m2 de toile de jute pour fabriquer du linoléum se fournit maintenant en Asie, condamnant l’usine à vivoter, sinon à fermer ses portes…

Mais Marion Diarra-Lardans n’entend pas baisser les bras: «Nous avons un patrimoine industriel dont j’ai pris conscience et nous, la sixième génération, essayons de le sauver. » Et elle a décidé de se lancer dans le tissage du lin dont la culture renait dans l’Hexagone sur environ 122. 000 hectares dont 60 % en Normandie. Une surface multipliée par deux, en dix ans… La jeune femme a su convaincre son père et son oncle de la faisabilité de ce projet ambitieux. Elle en a parlé à son ami d’enfance, le metteur en scène François Lanel qui a eu l’envie de l’accompagner dans cette aventure. «Il m’a proposé, dit-elle, de profiter du dispositif régional Patrimoine et création pour monter un spectacle dans l’usine en activité. Y faire entrer du public est un pari fou mais fait partie de la relance de l’entreprise et montre que l’entreprise est encore vivante, avec des tisserands au savoir-faire extraordinaire. »

François Lanel, dont la compagnie est basée à Caen, a trouvé les moyens de production, en partenariat avec la Scène Nationale de Dieppe. Fort de son expérience avec des amateurs dans des lieux non théâtraux, il a recruté quatorze volontaires des environs: habitants de la ville et de la campagne, enfants, adolescents, retraités agriculteurs, ouvriers… : «Ils ont tous des histoires où le lin a pris un grande importance et la pièce s’articule autour de son parcours: de la semence au tissage.»

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© CIE L ACCORD SENSIBLE

Il ne veut pas concevoir un théâtre documentaire mais faire entrer les récits des gens en résonance avec l’esprit du lieu: «J’en ai conçu la dramaturgie, comme une partition qui lie des instruments les uns avec les autres : jeu, espace,son, objets…. Le lieu est le décor etdicte la pièce.» Dans un immense hangar sous la lumière glauque de verrières encrassées, des bâches dissimulent de mystérieuses caisses et pièces de machinerie, trouvées dans l’usine et exhumées au fur et à mesure, comme les témoins d’une époque révolue. Cette archéologie participe à la fois des souvenirs des acteurs, collectés et mis en forme, et la mémoire du lieu exploré puis scénographié. La présence des comédiens reste fantomatique et des sons étranges accompagnent leurs déplacements. Par bribes, ils nous livrent quelques souvenirs: le bruit du vent qui caresse les plants de lin: « ça vous fait des vagues bleus, comme la mer » ; les chargements et déchargements, par trois voyages par jour, de vingt palettes de soixante bobines de fil par voyage avec ponctualité exigée !…

Au lointain, les rumeurs d’une petite fête carnavalesque : une chorale cherche le la et la note qui serait celle du lin… La petite voix d’un gamin laisse la cheffe de chœur.. sans voix. Un travail de son et de lumière très élaboré fait vibrer l’espace et ponctue les mots échappés de cette troupe disparate où se détachent quelques personnalités et surtout, celle du lieu…Nous retrouverons les participants à cette création collective dans un documentaire réalisé par Chantal Richard qui a suivi les répétions et capté des moments de paroles de chacun. «Dans ce film qui s’est écrit sans scénario préalable, au fur et à mesure des répétitions, il est question de transmission, de générations mais aussi de situations sociales diverses d’hommes, femmes et enfants face à un monde en mutation », dit la cinéaste. Comme dans tous ses films souvent primés, la cinéaste va au plus près des gens et de leur environnement, ce qui manque un peu dans ce spectacle.

Le théâtre et le cinéma sauveront-ils l’usine ? Marion Lansard se donne un an pour gagner son pari. Mais LA LIN LI LA LIN  nous alerte sur l’existence d’un patrimoine culturel et industriel lié à la filière du lin qui ne demande qu’à prendre un nouvel essor…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 12 septembre au Tissage du Ronchay, rue aux loups, Luneray (Seine-Maritime)
Représentation publiques les 18 et 19 septembre à 19h15 à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine.
Les 8 et 9 juillet à 21h15, Festival du lin et de la fibre Artistique. Entrée libre, sur réservation à la Scène Nationale de Dieppe. T. :02 35 82 04 43. billetterie@dsn.asso.fr

 

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