Pour autrui, texte et mise en scène de Pauline Bureau
Pour autrui, texte et mise en scène de Pauline Bureau
Liz Chassagnac et Alexandre Briaud, la trentaine, ne se connaissent pas du tout; ils sont bloqués, à cause d’une tempête de neige, à l’aéroport de Francfort. Aucun train non plus pour revenir à Paris. Lui, un marionnettiste, doit impérativement y être le lendemain. Il va louer une voiture et propose à Liz de l’emmener. Elle refuse d’abord puis accepte. Coup de foudre et très vite, ce jeune couple va vivre ensemble et aura envie d’avoir un enfant. Liz sera vite enceinte mais fera une fausse couche. Et les médecins lui révèlent qu’elle a un cancer de l’utérus et qu’il va falloir pratiquer une hystérectomie. Elle guérira heureusement de ce cancer mais désormais aucun espoir pour elle d’avoir un enfant.
Miracle, sa sœur Kate est sage-femme dans une clinique privée en Californie et pense que l’une de ses collègues, Rose Hutchinson qui a déjà deux enfants, pourrait être éventuellement une mère porteuse, puisque la gestation pour autrui est admise là-bas. Cela tombe bien: Rose voudrait être enceinte mais pas avoir un enfant de plus à sa charge. Et puis, un peu beaucoup d’argent à l’intermédiaire mais aussi à Rose pour ce service rendu ne nuirait pas à l’affaire, même si cela reste ici discrètement évoqué. Liz et Alexandre iront donc prendre contact avec Rose et Jim, son mari. Il y aura quelques tiraillements dans le couple mais bon, tout s’arrangera et le bébé grandira avec ses parents, grâce à cette mère porteuse.
Bref, le malheur s’est enfui de la vie de Liz et Alexandre. Ils vivent toujours ensemble et avec leurs familles, baignent dans la joie. Alléluia…Alléluia. Cinq ans plus tard, le couple américain viendra chez eux à Paris pour fêter l’anniversaire de la petite fille. A la fin du spectacle, nous la verrons même ensuite un court moment quand elle aura quinze ans.
Pauline Bureau a donc imaginé pour ce merveilleux conte de fées, une suite de personnages comme une médecin, un interne, les parents du couple d’abord opposés à cette G.P.A et qui, bien entendu, grâce à ce moderne coup de baguette magique, craqueront devant ce nouveau-né que son père et sa mère sont allés chercher à l’autre bout du monde.
Pour servir son texte, Pauline Bureau a demandé à Emmanuelle Roy de lui construire une scénographie-machine à jouer avec, au centre, un plateau tournant! Mission impeccablement accomplie et tous les lieux sont donc mis en évidence avec réalisme: grand couloir vitré d’aéroport avec, au-dessus, un écran pour qu’on puisse voir un avion s’envoler (un pléonasme visuel!), cuisine et salle à manger du jeune couple, maternité avec une chambre où on voit le nouveau-né, bureau du médecin, etc.
Après tout, pourquoi pas, même si cela a des allures de bande dessinée? Oui, mais voilà, le texte ne dépasse pas le niveau zéro de l’écriture! Et ces personnages inconsistants ne vivent que grâce au jeu de Yann Burlot, Martine Chevallier, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Maria Mc Clurg, Marie Nicolle, Anthony Roullier et Maximilien Seweryn (qui a hérité du grand talent de son papa Andrzej Seweryn).
Tous impeccables et bien dirigés par la metteuse en scène, bien costumés par Alice Touvet et bien perruqués par Catherine Saint-Sever. Rien à dire, ce spectacle est soigné mais cette bluette aux dialogues insignifiants et aussi plats que ceux de Plus belle la vie, frise parfois avec le théâtre de boulevard et dure deux heures et demi…
Pauline Bureau s’est documentée et parle de la G.P.A avec intelligence dans sa note d’intention. Actuellement, les choses ne bougeront pas de sitôt et son interdiction en France est fondée sur des raisons à la fois juridiques, éthiques mais aussi médicales. L’Etat -mais c’est qui, l’Etat? -refuse la commerce du corps. Mais si on assez d’argent, on file ailleurs en Europe… Comme autrefois pour l’avortement. Cherchez l’erreur! Sans doute la loi évoluera-t-elle, même s’il reste encore une quinzaine d’Etats, comme entre autres le Texas, qui restent intransigeants.
Bref, le droit des femmes sur leur corps n’est jamais acquis. Mais il y aura sûrement un jour une possibilité très encadrée d’aider une femme qui ne peut avoir d’enfant comme Liz, de faire appel à une mère porteuse, si elle est bien consciente de son acte. Mais, avec, à la clé, toutes les dérives de commercialisation… comme dans d’autres domaines de la santé, y compris l’avortement. Pauline Bureau en avait remarquablement parlé dans Hors la loi en recréant le trop fameux et inadmissible procès, dit de Bobigny, intenté il y a quelque cinquante ans à la très jeune Marie-Claire Chevalier…
Mais sur le plateau, désolé, il n’y a pas grand chose sur ces interrogations. Autant l’écriture du précédent spectacle de Pauline Bureau sur une équipe de foot féminine était mieux maîtrisée (voir Le Théâtre du Blog), autant ici cette logorrhée ne fait pas sens. Comme il y a toujours quelque chose à regarder et que la tournette fonctionne pour un oui ou pour un non, on regarde et cela fait toujours passer un moment…
Mais les spectateurs ont applaudi avec politesse… Reste un mystère: comment un texte aussi faible a-t-il pu retenir l’attention de l’équipe du Théâtre de la Colline?
Philippe du Vignal
A l’occasion de la création de Pour autrui, Pauline Bureau est l’invitée de mk2 Curiosity avec des captations de ses précédents spectacles à retrouver gratuitement sur cette plateforme Mon Cœur et Féminines, un entretien vidéo, une interview sur sur Trois Couleurs et un portfolio à propos de cette nouvelle pièce.
La Colline-Théâtre national, 10 rue Malte-Brun, Paris (XX ème), jusqu’ au 17 octobre.
Le Bateau Feu-Scène nationale de Dunkerque (Nord), les 25 et 26 novembre.
L’Espal-Scène Nationale du Mans (Sarthe), les 5 et 6 janvier. Le Volcan-Scène Nationale du Havre (Seine-Maritime), les 20 et 21 janvier. L’Espace des Arts-Scène Nationale de Chalons-sur-Saône (Saône-et-Loire), les 28 et 29 janvier.
L’Avant-Seine-Théâtre de Colombes (Hauts-de-Seine), le 4 février. L’Azimut Firmin Gémier, Châtenay-Malabry (Hauts-de Seine), les 9 et 10 février. Scènes du Golfe-Vannes (Morbihan), le 22 février.
Comédie de Colmar-Centre Dramatique National (Haut-Rhin) les 9 et 10 mars. La Comédie de Saint-Étienne-Centre dramatique National (Loire) du 15 au 18 mars. La Filature-Scène Nationale de Mulhouse (Bas-Rhin), les 22 et 23 mars et Théâtre Dijon-Bourgogne-Centre Dramatique National (Côte d’Or), du 29 mars au 1 er avril.