Cerebro, de et avec Matthieu Villatelle

Cerebro, de et avec Matthieu Villatelle

Ce magicien spécialisé dans ce qu’on appelle le mentalisme, fait participer quelques personnes du public à son spectacle, pour «décrypter certains comportements et développer leur intuition.» Tout en jouant cartes sur table à la fin, il ne cache pas que ce fameux mentalisme -très à la mode en ce moment- est fondé sur l’observation, la manipulation, voire le trucage. Mais bien entendu, il ne dévoilera rien de ses techniques.

« Mentaliste depuis plusieurs années au sein de la compagnie Le Phalène/Thierry Collet, la croyance a toujours été une des questions centrales de mon travail. Les discussions et ateliers avec les spectateurs m’ont permis de me rendre compte que les gens étaient beaucoup plus enclins à croire et à faire confiance lorsqu’ils étaient face à des capacités qu’ils ne comprenaient pas. Très rapidement, avec quelques expériences, les gens peuvent penser qu’un mentaliste possède des capacités hors normes comme la lecture de pensée par exemple. »
Dans 
Cerebro, il réussit à étonner le public avec des tours et/ou expériences tout à fait troublantes et qui font autorité, même quand on sait qu’il y a un fonctionnement particulier qui échappe à notre logique. Bref, le lavage de cerveau n’est pas loin…

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Matthieu Villatelle entre autres expériences, commence par deviner où se trouve une pièce cachée dans l’une des mains d’une jeune femme qui lui déclare pourtant «être une bonne menteuse », et cela trois fois de plus. Puis il prend une barre de fer qu’il fait examiner (mais assez vite!) par le premier rang de spectateurs. Il demande à l’un d’eux de venir placer la dite barre sur sa poitrine et de la pousser contre la sienne. Bizarrement, cette barre va se tordre sans aucun problème…

Puis entre autres expériences, Matthieu Villatelle vers une caisse de verre cassé sur quelques mètres et pour faire bonne mesure, brise une bouteille avec un marteau dont il répand quelques morceaux. Et il demande à une jeune femme d’y marcher pieds nus, ce qu’elle refusera de faire. Le magicien qui a gardé le col de la bouteille cassée, le place alors sur un socle en bois et l’enferme dans un des quatre sacs en papier qu’il a posés sur une table. Mais il  change soigneusement la place de chacun. Un spectateur est prié, après s’être concentré, de venir donner un bon coup de poing sur les trois sacs vides qu’il choisit. Mission accomplie sans blessure !

Matthieu Villatelle ouvre alors le dernier sac, où se trouve, bien entendu, celui où il a placé le col de la bouteille cassé. Fascinant pour un public visiblement séduit par le para-normal comme plusieurs l’avoueront au magicien mais impossible, ici bien sûr, de distinguer le vrai du faux : c’est même la base du mentalisme. Mais il y a de quoi s’étonner et s’interroger sur le fonctionnement de notre cerveau et les méthodes de persuasion qui ont envahi le monde d’aujourd’hui. Savoir manipuler la réel mais aussi et surtout l’attention du public: Matthieu Villatelle sait faire cela avec virtuosité et modestie, ce qui n’est pas incompatible. Juste un bémol, ce court spectacle d’une heure mériterait d’être mieux mis en scène mais rien de grave, et surtout que cela ne vous empêche pas d’aller le voir.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 31 octobre, Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, Paris (XI ème). T. : 01 48 06 72 34.

 


Archive pour septembre, 2021

Gardien Party, conception et réalisation de Mohamed El Khatib et Valérie Mréjen

Gardien Party, conception et réalisation de Mohamed El Khatib et Valérie Mréjen

Cela se passe dans une salle du musée au Centre Georges Pompidou à Paris. Murs blancs, avec juste un espace de dix mètres mètres cerné par une bande scotchée au sol, comme pour signaler l’interdiction de s’approcher d’une œuvre. Et pour le public, cent vingt chaises ou fauteuils… savamment dépareillés sur des gradins. Une scénographie subtile de Louise Sari: aucun décor, juste quelques cartes postales de tableaux, et ensuite aussi quelques reproductions plus grandes d’œuvres célèbres comme, entre autres, Trois paysannes de Kasimir Malevitch,  Pierrot d’Antoine Watteau, La Rivière dans la forêt de bouleaux d’Ivan Chichkine…

 Mohamed El Khatib et Valérie Mréjen ont imaginé avec un remarquable déplacement du regard cette « performance» qui est vraiment  du théâtre. On pourra discuter à perte de vue sur les frontières souvent ténues qui séparent les deux mais en gros: gratuité ou prix assez faible par rapport à celui des salles de spectacle traditionnelles, lieu du genre: galerie privée ou salle dans un grand musée, pas de séparation scène/salle situées au même niveau, peu d’intervenants (le plus souvent un seul- artistes et/ou acteurs -mais jamais de vedettes- en relation avec le milieu de l’art contemporain, souvent étrangers et/ou résidant souvent dans la ville où cela se passe, textes parfois théoriques mais ni intrigue ni dialogues au sens traditionnel, costumes proches de la vie quotidienne ou nudité -assez fréquente et rappelant les innombrables nus de la sculpture comme de la peinture, aucun décor sinon quelques éléments scéniques, éclairages simples, durée assez courte souvent à peine une heure, unique représentation ou quelques-unes mais jamais de longues séries, références très fréquentes à des tableaux classiques ou non, héritage avoué du happening…

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© Ph. Fenwick

Ici, est mise en valeur la parole de gens jeunes, ou moins jeunes, qui ont l’obligation de rester silencieux, sauf quand ils sont obligés d’intervenir ou pour aller aux toilettes. On ne parle jamais de ce prolétariat mal payé évoluant dans le monde des artistes -ce que certains sont ou ont parfois été- et  indispensables à la vie d’une musée. Quand ils se mettent en grève, il faut aussitôt fermer les salles Ici, trois hommes et trois femmes.
A l’extrême gauche, Nathalie Conio, seule actrice véritable; en longue robe. Elle tricote un carré de laine blanche avec autour d’elle, un gros sac et une théière posés sur un tapis. Exceptionnelle de vérité, elle parle russe couramment, comme débarquée la veille de Moscou. « Je m’appelle Margarita Pavlovna Khissamova, j’ai soixante-et-onze ans et je travaille au musée russe depuis vingt-et-un ans. Je ne saurais pas dire jusqu’à quel âge, je vais continuer à travailler. Probablement, tant que ma santé me le permettra, ici, nous n’avons pas de limite. Et c’est vrai que je commence à être plus âgée que les œuvres de la partie contemporaine! Je suis veuve, comme beaucoup de mes collègues.
J’aime beaucoup Vladimir Poutine: c’est ce qu’on doit répondre, quand des touristes étrangers nous demandent ce qu’on pense de notre Président. Je ne pensais pas travailler dans un musée un jour. (…) C’est parfois long, mais quitte à m’ennuyer chez moi seule, autant m’ennuyer avec d’autres au Musée. (…) Nous, on n’a pas le droit de parler des tableaux; disons d’un point de vue artistique, d’autres collègues en sont chargés. Nous on est « factuels». On renseigne sur l’endroit où se trouve tel tableau, où se trouve la sortie, etc. »

Les autres sont ou ont été réellement gardiens. Comme la plupart de nos amis lecteurs ont peu de chances de les voir, nous vous avons mis quelques longues citations. Comme le dit Valérie Mréjen, « Il s’agit d’entendre une parole inédite de ceux qui, dans les musées, sont à la fois les plus visibles et les plus ignorés.» Seung-Hee, une jeune femme coréenne maîtrise cinq langues et a soutenu deux thèses en histoire de l’art. Elle travaille au musée new-yorkais consacré à Isamu Noguchi.«J’ai commencé comme étudiante et je travaillais d’abord tous les week-ends. J’aime bien le musée et surtout regarder les gens. Après, je me dis que je ferai pas ça toute ma vie… Pour beaucoup, c’est un boulot de transition. Beaucoup de gardiens en CDD sont artistes à côté et en général, ils se disent: le jour où je devrais surveiller une de mes œuvres, j’arrête. » (…) Grâce à mes cheveux longs, j’écoutais la radio avec une oreillette discrète. Après, je me suis mise à dessiner, mais avec le nouveau directeur, ça n’a plus été possible, même si parfois il n’y avait que cinq visiteurs par jour. (…) « Ce qui est difficile, ce sont les œuvres sonores, parce que c’est un rappel du temps. Une œuvre qui se déclenche, par exemple toutes les vingt minutes, c’est terrible, ça agit comme le tic-tac d’une pendule ou une sorte de sablier. (…) » On est prisonnier de nos horaires et on ne peut rien faire d’autre, donc on doit attendre. C’est ça, le plus dur, accepter de n’avoir aucune prise sur sa vie pendant huit heures. »

David, lui est français, mais a vécu en Italie où il était restaurateur de tableaux.  » Je suis revenu ici après une séparation mais, pour trouver du travail, c’était plus difficile. J’ai postulé dans des musées. Je continue à faire des restaurations, comme beaucoup d’agents qui ont une double vie. Il y a des peintres, des personnes qui écrivent, des étudiants-restaurateurs, des gens qui font de l’orfèvrerie, il y a de tout. Mais la majeure partie ne fait que ça. On est affecté chaque jour à une salle différente. (…) En 1998, quand je travaillais à Pompidou, on nous a distribué des gilets à grosses rayures dessinés par Daniel Buren. Personne n’a voulu les porter. J’avais un collègue qui cachait son badge. Il était artiste et je pense qu’il redoutait de rencontrer des gens qu’il connaissait parmi les visiteurs. »

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© Yohanne Lamoulère

Carolina a fait des études d’art et a longtemps travaillé pour elle à côté. « J’ai commencé à être gardienne dans un musée d’art ancien et depuis sept ans, je travaille au Moderna Museet à Stockholm. Je vois beaucoup de gens arrêter leur art au bout d’un moment, mais moi, je ne suis pas ce genre de personne. J’ai la volonté de mon physique. Nous on est obligés d’avoir la veste avec le logo et aussi le T-shirt du musée; mais pour le reste, on s’habille comme on veut. Je crois que les visiteurs, du coup, nous voient plus comme des personnes, et pas seulement comme des gardiens. C’est mieux ainsi. (…) Paradoxalement, je suis heureuse quand il y a du monde au musée, mais on ne peut parler avec les gens que quand il n’y a quasi personne. (…) Je peux pas dire que ce soit un échec d’être gardien, mais je peux pas non plus dire que ce soit une réussite. Au Moderna Museet, il y avait une grande sculpture en bronze qu’un visiteur n’arrêtait pas de caresser. Je lui ai dit qu’il n’avait pas le droit de faire ça mais il l’aimait tellement qu’il continuait. Ça le bouleversait. Là, je trouve qu’on voit vraiment à quoi sert l’art. Quand quelqu’un est vraiment touché, qu’il est impliqué jusqu’au fond de son âme, on voit pourquoi l’art est important. »

Robert Smith, lui, a cinquante et un ans et travaille au célèbre MoMa de New York. Je fais vraiment partie du bâtiment, parce qu’il y a deux types de gardiens: les permanents et les «security men» issus de la sous-traitance privée. Autant vous dire qu’on fait pas le même job. Vous connaissez l’expression: si proche si loin? C’est exactement ça, les types sont physiquement à quelques centimètres des œuvres, mais socialement, à des années lumières. »

© Yohanne Lamoulère

© Yohanne Lamoulère

Et à la fin, un autre ancien gardien du centre Georges Pompidou vient clore le spectacle avec un texte savoureux: « Je m’appelle Jean-Paul Sidolle, je suis gardien de nuit. Enfin j’étais, maintenant je suis retraité. On pourrait dire gardien honoraire. Je viens d’une famille de neuf enfants. Je suis né à Marseille, à la Belle de mai, à une époque où on mélangeait allègrement les bracelets d’enfants à l’hôpital, si bien que ma mère nous disait toujours: toi je sais pas si t’es vraiment de moi. Mon père était réfugié politique, républicain espagnol et stalinien. La révolution culturelle pour les républicains espagnols en 33-34, ça avait été un moment très fort, une période d’avant-garde. Et mon père, qui n’a pas été un très bon père… d’une certaine façon, il m’a fait découvrir la peinture. La seule chose dont j’ai hérité de lui c’est sa collection de reproductions. Sur le papier peint usé de la cuisine, pour combler les trous, il rapiéçait avec des toiles de peintres. Picasso, le Greco, Le douanier Rousseau, Rothko, Giotto, Gustave Moreau, Juan Miro et Nicolas Lancret. Vers la fin de sa vie, j’ai demandé à ma mère, c’était quoi le fil de sa collection à papa, ça part dans tous les sens, il n’y a aucune logique dans son Histoire de l’art. Elle m’a répondu, si, il collectionnait tous les peintres en O. Bon, après tout, c’est un classement comme un autre. Cependant je lui dis, maman, mais il fait quoi Nicolas Lancret là-dedans… elle me répond : il a fait une entorse pour la Camargo.
« Le lendemain de ma retraite, j’étais dans la rue, et une femme s’est approché de moi et m’a dit : « je vous reconnais, vous étiez mon gardien préféré. » Et je me souviens d’une chose, une citation d’Alphonse Allais. Quand je suis arrivé au Musée, y avait des retraités des wagons-lits… c’étaient des emplois réservés, aussi bien de jour que de nuit, et donc on avait des vieux poivrots, des invalides, et… comme disait Alphonse Allais qui était comme on sait, antimilitariste : « J’ai toujours été pour la guerre, parce que: pas de guerre, pas d’invalides de guerre, et pas d’invalides de guerre, pas de gardiens de musée ! »

En clôture, une ironique mise en abyme de l’art contemporain: de son sac, Margarita la Russe, sort une très longue écharpe aux fameuses couleurs de Mondrian. Et il y aussi une simple boîte en fer de biscuits Delacre posée sur une chaise que l’ancien gardien éclaire avec un petit projecteur. Il ouvre ensuite une caisse posée à la verticale où est inscrit en lettres fluo blanc genre art conceptuel du pauvre, le mot : END…. Mohamed El Khatib et Valérie Mréjen ont enquêté dans plusieurs musées et ont recueilli les témoignages des gardiens: «Ce sont les meilleurs observateurs de la vie de ces lieux d’exposition. Certains ont choisi cette situation, d’autres la subissent mais tous développent un rapport singulier au monde de l’art, à la fois envers les œuvres et les visiteurs. (…)

Les auteurs, avec un remarquable déplacement du regard, ont réussi à faire de cette «performance » un spectacle  grand public, avec une bousculade volontaire des codes habituels… de la première moitié du XX ème siècle, déjà!

Ce prolétariat mal payé, évoluant dans le monde des artistes -ce que certains sont ou ont parfois été- mais de fait exclus. Ils font un métier qui n’en est pas un mais certains deviennent bons connaisseurs d’art ancien ou contemporain. Répondant poliment aux questions cent fois répétées  de gens dont certains ne regardent même pas les tableaux mais prennent juste en photo les cartels. « Ils ne nous demandent pas grand-chose. Matisse, Chagall et… les toilettes. Ou: « Qu’est-ce que je peux faire maintenant que j’ai vu La Joconde après deux heures de queue ? Il me reste quelques instants. » «Est-ce que ce sont les vrais ? Les originaux ? Ou des copies ? Avant, ça m’agaçait, mais maintenant, dit une gardienne, je leur chuchote : « Ce sont des copies, les originaux sont chez moi. »

Le plus dur sans doute, comme l’avoue un d’entre eux: « être présent et absent à la fois. C’est psychiquement fatiguant. « Il faut souvent expliquer aux visiteurs pourquoi il est interdit de toucher. Pas nécessairement aux enfants d’ailleurs qui comprennent assez vite. Non, les pires, ce sont les vieux. (…) Pourtant ils savent qu’il ne faut pas toucher. Les tableaux, c’est déjà compliqué, alors, je vous parle même pas des tapisseries. Effectivement oui, c’est doux, un tapis persan, mais si vous voulez toucher, vous allez chez Mondial Moquette. Si vous êtes aimable, la personne le prend bien. Il faut être accueillant, souriant et chaleureux, même avec les gens antipathiques. De ce point de vue, les musées constituent un bon terrain d’entraînement. »

Et il leur faut rester calme quand les gens veulent tous voir en même temps une œuvre célèbre, ou quand un visiteur est agressif: «Vous n’avez pas le doit de parler à mon enfant.» Ou qu’un autre veut absolument prendre une photo d’une sculpture où il a posé une voiture miniature! »  Prise à gratter un Corot, une dame reconnait avoir voulu savoir si c’était un faux.» Des visiteurs marmonnent: « payé à rien faire »… Il faut donc être très solide. Montrer qu’on a du répondant, qu’on connaît les collections… Et le regard change, mais avant d’en arriver là, il faut vraiment s’en prendre plein la gueule. Le mépris de classe, c’est indéniable… Ça se manifeste par les regards, les gens ne disent pas bonjour ou parlent à voix haute de nous : «On va demander au… oh, non, il ne va pas savoir. Il y a aussi les parents qui disent à leur enfant : «Regarde, si tu ne travailles pas bien à l’école, tu finiras assis sur une chaise, comme le monsieur ou la dame.» Et, les relations entre collègues ne sont pas toujours faciles, comme dans toute entreprise, «Une journée où on est fatigué et où il n’y a personne pour nous relever, c’est terrible. »

Ces courts textes, bien écrits et tout à fait passionnants, sont déclinés en russe, anglais, suédois, aussitôt projetés en français, grâce la présence des intervenants qui ont une présence, une diction et un jeu impeccables. Ici règnent l’intelligence, la précision et l’humour, dans les témoignages écrits par Valérie Mréjen comme dans la mise en scène et la direction d’acteurs de Mohamed El Khatib…  Allez vite les savourer si vous le pouvez. Juste un bémol, elle a lieu jusqu’à samedi inclus et il y a peu de places! Français encore un effort, comme dirait le marquis de Sade: quel lieu accueillera cette formidable performance qui -osons le mot qui fâche!- a tout d’un spectacle populaire…
Le Mac Val de Vitry-sur Seine va le faire alors pourquoi pas dans la capitale, l’Odéon-Ateliers Berthier, Chaillot, le Théâtre de la Ville, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, le Palais de Tokyo, le Musée Jacquemart-André, etc. Les endroits ne manquent pas… Et quelques-uns des Centres Dramatiques Nationaux et des festivals comme celui d’Avignon, avec le musée du Petit Palais, le musée Calvet ou la collection Lambert ? Du Vignal, cessez de rêver…

Philippe du Vignal

Performance créée au Mucem de Marseille et vue le 22 septembre au Centre Georges Pompidou, Paris (III ème). 18, 14 et 8 €.

 Mac-Val, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), en décembre.

 

Derrière tes paupières, texte et mise en scène de Pierre-Yves Chapalain

Derrière tes paupières, texte et mise en scène de Pierre-Yves Chapalain

Éléonore, le personnage principal, la quarantaine, est épuisée par son travail de recherche dans un laboratoire et a perdu petit à petit l’usage de la parole. Elle a des ennuis de mémoire et aussi d’élocution. «Elle ne choisit pas de s’arrêter de parler, elle ne peut simplement pas faire autrement. Son silence est une révolte inconsciente; certainement contre son inquiétude, sa solitude, sa lutte pour être la meilleure au travail, son quotidien…on pourrait dire presque dire que les mots se révoltent contre l’usage qu’elle en fait, dit Pierre-Yves Chapalain.» Éléonore, travaille à mettre au point une crème de soins qui, selon elle, va créer l’événement, puisqu’elle doit rajeunir les tissus de la peau. Le vieux mythe de Faust persiste encore au XXI ème siècle …

 

© Gwendal Le Flem

© Gwendal Le Flem

Cela se passe ‘dans un lieu indéfini en bordure d’une ville, parmi des broussailles. Il y a juste une grande et belle table en bois avec quelques chaises pour dîner. Éléonore (Marie Cariès) vient consulter un neurologue (Pierre-Yves Chapalain). Il lui dit qu’il a subi dans son cabinet médical, un gros dégât des eaux. Très attentif à cette curieuse patiente visiblement très perturbée, il  va lui faire avaler un verre d’eau rempli de «particules en suspension, pour «visualiser son intérieur». Ensuite, il lui proposera un «aide à domicile nouvelle génération », soit un être hybride humain et végétal,  issu de manipulations génétiques ici remarquablement interprété par Pierre Giraud. « Une « sorte de majordome spécialisé dans le domaine médical». Maya, la sœur d’Eléonore qu’elle avait perdu de vue, mais qui va prendre la situation en main, acceptera la proposition du neurologue et cet humanoïde traduira les pensées d’Eléonore et les exprimera à sa place…Pierre-Yves Chapalain réussit aux meilleurs moments, à créer une fiction fondée sur une anticipation médico-scientifique.

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Et cette réflexion en filigrane sur la relation que nous avons à la parole et au langage, surtout quand un de nos proches est atteint de déficience neuronal comme on dit poliment, devient alors quasi-obsessionnelle. Pourquoi une chercheuse de très haut niveau comme Eléonore, ou une grande spécialiste de danse contemporaine, auteure de plusieurs livres, n’arrive plus à s’exprimer par écrit et à peine oralement…Il y a donc autour d’Elénore, sa fille Caddy (Hiba El Aflahi), sa sœur Maya (Émilie Incerti Formentini) et son mari (Kahena Saighi), Karl, son ami d’enfance (Nicolas Struve). Et refait surface un ancien amour d’Éléonore: il l’a l’a quittée après lui avoir juste laissé une lettre- sans doute érotique- écrite en persan mais pour des raisons inconnues, elle n’a jamais voulu la faire traduire,  peut-être par crainte du contenu qu’elle risque de découvrir… Caddy dénonce le professeur pervers qui est directeur de thèse sa thèse. Maya, la sœur d’Éléonore, deviendra manipulatrice et jalouse.

Et cela donne quoi? Pas toujours facile de s’y retrouver dans ce mélange des genres et mission quasi-impossible d’introduire l’anticipation sur un plateau pour l’auteur et metteur en scène Pierre-Yves. Il  y réussit  pourtant assez bien dans la toute première partie, d’autant plus que sa direction d’acteurs et sa mise en scène sont solides. Et tous ses acteurs -en particulier Nicolas Struve, Pierre Giraud et surtout Emilie Incerti Formentini- ont un solide métier et leurs personnages sont très crédibles. Mais il manque une unité de style à cette pièce qui patine nettement dans la seconde partie: la faute à un fil rouge qui se perd en route… Au début, ce Derrière les paupières se laisse voir avec plaisir mais les dialogues bien bavards de ce récit d’anticipation philosophico-poétique mais aussi fondé sur une réalité sociale, finissent par devenir pesants. Reste une mise en scène soigneuse, même si Pierre-Yves Chapalain aurait pu nous éviter ces giclées de fumigènes qui n’apportent rien,  malgré aussi la scénographie et les costumes bien conçus d’Adeline Caron  et une interprétation de premier ordre. Et cette heure quarante cinq est longuette. A vous de décider…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 10 octobre, Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème).Le texte de la pièce est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.

 

Un Vivant qui passe, d’après Claude Lanzmann, adaptation de Nicolas Bouchaud, Éric Didry et Véronique Timsit, mise en scène d’Eric Didry

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© Jean-Louis Fernandez

Un Vivant qui passe, d’après Claude Lanzmann, adaptation de Nicolas Bouchaud, Éric Didry et Véronique Timsit, mise en scène d’Eric Didry

Nicolas Bouchaud aime se confronter avec des textes non théâtraux : « Cela m’oblige à imaginer la scène comme l’endroit idéal pour les faire entendre. (…) La seule chose dont nous sommes absolument sûrs, à chaque fois : il nous faudra interroger les moyens spécifiques du théâtre et ceux de l’acteur pour arriver à transmettre ces œuvres aux spectateurs. » Après Maîtres anciens, un roman de Thomas Bernhard ou Le Méridien, un discours de Paul Celan (voir Le Théâtre du blog), il s’attaque à un documentaire de Claude Lanzmann : Un vivant qui passe (1997 réalisé à partir d’une interview qu’il n’avait pas utilisée pour Shoah et où déportés et soldats nazis restent hors-champ : le docteur Maurice Rossel, délégué du Comité international de la Croix-Rouge  est allé par deux fois au cœur du système d’extermination nazie, à Auschwitz puis à Theresienstadt. Des quinze bobines de rushes non montés et préalables au film -soit centre trente pages de texte- est sortie, cette adaptation d’une heure et demi.

Pour tout décor, un fauteuil Voltaire, devant une peinture en trompe-l’œil, réplique exacte du bureau du vieux médecin de campagne suisse qui reçoit la visite-surprise du réalisateur. Les bruits alentour: jeux d’enfants, travaux, chants d’oiseaux tirés de la bande-son, font entendre la vie d’un village, au-delà du huis-clos où Claude Lanzmann cherche à entendre des éclats de vérité chez cet homme à la mémoire réticente. Les questions se font précises, poliment insistantes pour faire surgir une parole plus authentique et pour qu’il sorte enfin de sa réserve et de ses gonds. Ce combat pied-à-pied entre les deux hommes est en soi théâtral, finement joué par un Frédéric Noaille pugnace (Claude Lanzmann) et un Nicolas Bouchaud embarrassé et faussement naïf (le docteur ). Le cinéaste ménage lui-même un coup de théâtre en exhumant le rapport d’inspection peu accablant sur Theresienstadt produit par son interlocuteur à l’époque.

Dans la mise en scène, des ajouts décalés comme l’écoute de bandes sonores authentiques enregistrées à Theresienstadt et une chanson composée là-bas, La  Ville comme si, interprétée comme un numéro de cabaret triste, nous arrachent une grande émotion. En phase avec les moments où le témoin craque et reconnait avoir été victime d’une farce à Theresienstadt, le 23 juin 1944. Terezin, rebaptisé Theresienstadt par les occupants allemands en Tchécoslovaquie, ce «ghetto modèle» où, selon Eichmann, les juifs «vivent d’après leur goût», était en réalité, un camp de transit, dernière étape avant les camps d’extermination d’Auschwitz, Treblinka et Sobibor. Claude Lanzmann rappelle à son interlocuteur que, pour la propagande nazie, quelques mois avant la visite de la Croix-Rouge, une campagne d’ «embellissement» avait été entreprise.

Maurice Rossel se retrouvait donc au cœur d’une ville entièrement factice où les détenus étaient obligés de jouer la comédie sous peine de mort. Il dit, dans un premier temps, n’avoir rien vu de la supercherie. I prend des photos, voit des enfants jouer et s’étonne de l’attitude un peu «passive» des juifs autour de lui… Qu’a-t-il vu à Auschwitz, et surtout à Theresienstadt ? A force d’être cuisiné, il livre des indices, des détails sur les « fantômes» vivants d’Auschwitz en pyjama rayé où il s’est senti comme «un vivant qui passe ». Et, dans “La Ville comme si“  de la chanson des déportés, il a eu l’impression d’un faux : «J’ai visité cette visite (sic) organisée, avoue-t-il enfin. Une visite arrangée. Une pièce de théâtre. Là, on avait l’impression d’une atmosphère faussée. »

Le spectacle pose plusieurs questions : d’abord celle de la mémoire que Maurice Rossel a essayé d’effacer et dont Claude Lanzmann lui arrache des bribes. La confusion d’un témoin qui s’empêtre entre souvenirs et informations a posteriori. Pourquoi, comme bien d’autres, Maurice Rossel a-t-il dissimulé la vérité, alors qu’il aurait dû la déceler ? Il l‘avoue lui-même : «Tout le monde a rampé devant la puissance allemande. (…) Et nos grands-bourgeois avaient plus peur du communisme, que de monsieur Hitler. Les Helvètes étaient presque tous germanophiles et ça se sentait aussi au C.I.C.R.» Plus généralement, qu’est-ce que regarder et ne pas voir ? Comment ce témoin se laissa-t-il aveugler, alors que sa mission de délégué de la Croix rouge consistait à «voir au-delà» ? Et nous, ne sommes-nous pas confrontés chaque jour à ce genre de choses?  «Cet homme, ni bourreau, ni victime, est d’une certaine façon, celui que nous pourrions tous être ou que nous avons peut-être déjà été, dit Nicolas Bouchaud. (…)  Claude Lanzmann, nous convoque en tant que spectateurs et témoins et nous invite à porter notre attention sur une histoire qui fait intégralement partie de la nôtre.»

 Il faut aller voir ce spectacle qui pose avec finesse toutes ces questions et nous replonge dans le débat du comment et du pourquoi cette barbarie a pu encore exister devant de si nombreux témoins ? Sans compter toutes les autres questions qui continuent à se poser sous nos yeux. Le théâtre fait ici avec talent son devoir de mémoire…

 Mireille Davidovici

 Du 17 au 22 septembre, Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie) T. : 04 50 33 44 11.

 Du 5 au 15 octobre, Les Célestins-Lyon (Rhône).

Du 2 décembre au 7 janvier, Théâtre de la Bastille Paris (XI ème) en partenariat avec le festival d’automne à Paris.

Les 3 et 4 février, Points Communs-Scène Nationale de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Du 9 au 12 février, Comédie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Du 22 au 24 février, Comédie de Caen (Calvados).

 Le texte du film est publié aux éditions Mille et une Nuits

Une performance artistique à 160 km/heure

Une performance artistique à 160 km/heure…

Au sein du Pôle régional Cirque Le Mans, la Cité du Cirque est une école de cirque loisirs et un lieu de réside Pour l’ouverture de la saison du Pôle régional Cirque Le Mans inauguré en 2008 et qui comprend une école et un lieu de résidence pour les artistes avec prochainement l’inauguration d’un chapiteau permanent. Un projet en cours de labellisation Pôle national Cirque qui deviendra le quatorzième en France et le premier en région Pays de la Loire. Cette performance originale a lieu en partenariat avec la ville du Mans, la Région Pays de la Loire et bien entendu, en collaboration avec la S.N.C.F. qui, pour une fois, fait preuve de création… Tiens, une devinette: pourquoi n’y a-t-il pas de distributeur de billets (sauf pour les T.E.R.) dans la nouvelle gare d’Aurillac refaite à neuf ? Merveilleuse réponse: cela coûterait trop cher ! «Nous vivons une époque moderne. » La fameuse petite phrase de Philippe Meyer, ancien chroniqueur matinal à  France-Inter, reste toujours d’actualité…

Le collectif Protocole et Johan Swartvagher, Yann Frisch, Samantha Lopez, Aude Martos ont imaginé une performance-spectacle de cinquante minutes environ aller avec quelques suites au retour, à bord d’un TER Le Mans-Angers. L’embarquement se fait trente minutes avant le départ avec contrôle du billet à 8 € et bien sûr, du passe sanitaire pour quelque 220 passagers au lieu des 270 voyageurs prévus, de façon à laisser un peu d’espace aux aux quatre artistes/ »contrôleurs et contrôleuses au costume approximatif qui rappelle celui des vrais. Ils font monter en rang les passagers dans les wagons du TER qui n’ont subi aucune modification autre que des rideaux en fil noir pour séparer les différentes aires de jeu.

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Aucun élément de décor non plus, mais aucune lumière de projecteurs, juste celle du soleil qui, à dix-sept heures en ce dimanche de septembre brille encore sur la belle campagne entre Le Mans et Angers. Une musique électronique discrète ne nuit en rien à la vue imprenable et gratuite sur les troupeaux de vaches et les prés tout verts… Bref, tout le charme de la célèbre douceur angevine ou sarthoise…

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© Thomas Brousmiche

Les jeunes «contrôleurs» font avancer le public pour libérer le couloir central qui servira de scène aux jongleurs qui vont faire valser leurs deux, puis trois, puis quatre, voire cinq massues blanches dans ce train en marche donc sur un sol en mouvement… Chapeau! Le cerise finale sur le gâteau : une massue affublée d’une savate qui pivote sur le doigt d’un jongleur…
Et puis, un autre jeune contrôleur aussi barbu que les autres s’assied dans l’étroit couloir et demande aux voyageurs de s’approcher. Il doit y avoir ainsi une vingtaine de personnes très proches de lui, parfois à moins d’un mètre. Rien dans les mains rien dans les poches sinon un ou deux jeux de cartes. Divination, disparitions diverses mais toutes remarquablement réalisées mais le tour le plus fort et vite mené : le jeune contrôleur barbu bat un jeu de cartes, en fait choisir une à une voyageuse, la lui fait montrer au public : c’est le 9 de pique, puis la remet dans le tas qu’il a toujours dans la main gauche -son poignet étant solidement tenu à sa demande par un voyageur- Et nous allons voir le tas diminuer à vue d’œil…

 

© Thomas Broismiche

© Thomas Brousmiche

Il n’en restera à la fin qu’une seule carte qu’il va retourner : le 9 de pique! Yann Frisch, originaire du Mans et artiste associé au Pôle Cirque, a prouvé une fois de plus qu’il était un des meilleurs magiciens d’Europe. Et le public l’a chaleureusement applaudi. Enquête auprès de notre ami et collaborateur Sébastien Bazou, grand spécialiste de magie et d’illusionnisme, et qui connaît bien le travail de Yann Frisch (voir Le Théâtre du Blog) il y a plusieurs méthodes pour réaliser ce tour mais il souligne sa virtuosité à le pratiquer.


On oubliera le récit d’une jeune actrice parlant du paysage ; malgré une bonne diction, elle avait le plus grand mal avec un texte faible à intéresser le public. Le train après cinquante minutes arrivera en gare d’Angers et en repartira presque aussitôt. Les artistes passant d’un wagon à l’autre, il n’y pas de jaloux et tous les passagers ont droit aux mêmes prestations. Au retour, nous sommes conduits dans un wagon climatisé de 1 ère classe aux vitres obscurcies où une comédienne-acrobate nous livre un autre conte cette fois avec beaucoup de virtuosité, passant d’un casier à bagages à un autre, tout en continuant à parler. Et revenus à nos places, nous aurons encore droit à quelques numéros de jonglage.
Un petit voyage sympathique et assez délicieux où tout le monde redevient un peu un enfant mais qui mériterait sans aucun doute d’avoir une véritable dramaturgie et une mise en scène plus élaborée. Petit hommage en passant, à l’ancienne compagnie bordelaise Fartov et Belcher (ce nom merveilleux étant issu d’
En attendant Godot) dirigée entre autres par le metteur en scène Guy Lenoir, seul survivant de ces créateurs hors-normes. Ils avaient inventé ce concept de voyage-spectacle avec trois acteurs il y a une quarantaine d’années dans un autobus de la ville puis sur une plage de la Garonne autour d’un grand feu de bois… Souvenirs, souvenirs, d’un bus à un train.

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué les vendredi 10 , samedi 11 et dimanche 12 septembre, dans un TER , du  Mans à Angers et d’Angers au Mans.

 

 

Shazam Version 21, chorégraphie de Philippe Decouflé

Tout doit disparaître /Shazam/ Philippe Decouflé/Cie DCA

© Sigrid Colomyèz

Shazam Version 21, chorégraphie de Philippe Decouflé

 Des majorettes défilant dans le hall entraîne le public vers la salle… Sur la scène, côté cour, un orchestre et à jardin, des loges d’artistes rétro avec petites lampes et costumes sur des portants. Shazam (abracadabra en anglais) convoque la magie des images de film mêlées à celles de corps dansants. «  Un spectacle important pour la compagnie et c’est le premier qui a pour thème, l’image. dit Philippe Découflé, et quand nous avons travaillé sur cette création, il y a eu une espèce d’alchimie. »

 La plupart des interprètes de la compagnie DCA sont là pour recréer cette pièce de 1997 et nous retrouvons avec émotion les corps vieillis des uns, confrontés aux jeunes silhouettes des nouveaux. Le spectacle en jouera tout au long. « A la reprise, les danseurs ont vite retrouvé leurs marques, dit Philippe Decouflé : à l’époque, nous l’avions joué plus de deux cents fois !» Les musiciens ont eu aussi retrouvé leurs partitions et contribuent à faire revivre Shazam avec les corps vivants des danseurs face à leurs avatars cinématographiques.

 En préambule, un film en noir et blanc à l’esthétique surréaliste avec gros plans resserrés sur des yeux, une main, un pied, une oreille… qui dansent. Une succession de cadres, les uns derrière les autres et une démultiplication de corps morcelés… que nous découvrirons dans leur intégralité quand l’écran aura disparu, pour des solos, duos, trios et mouvements d’ensemble mêlant danse néo-classique et acrobatie avec des  danseurs en sous-vêtements couleur chair dans des lumières sépia. Les costumes vont bientôt devenir plus amples et se colorer mais les interprètes danseront avec des images filmées en 1997 à Saint-Denis, témoins de l’ancienne chorégraphie. Le public, comme aspiré par cette mise en abyme vertigineuse, ne sait plus où porter le regard:  entre présentiel et virtuel, corps d’hier et corps d’aujourd’hui, …

La représentation s’articule autour de numéros, comme au cirque -d’où vient Philippe Decouflé- rythmés par des interventions un peu clownesques, pour préciser avec une feinte maladresse, que le spectacle n’est pas fini… …  Après une séance de prise de vues où l’on voit se tourner et se monter le film du début , en direct et sur écran, mais en couleurs cette fois, vont se succéder d’hallucinants jeux de miroirs. Juxtaposés en angles obtus et derrière lesquels évoluent les danseurs, trois immenses écrans qui, d’abord translucides, deviendront des miroirs. Les corps, coupés de moitié, jouent avec leur reflet dans une symétrie troublante. Notre regard s’y perd: où est le vrai, où l’illusion ? Cela rappelle les délires optiques des créations télévisuelles de Jean-Christophe Averty dans les années 1960 et qu’admire le chorégraphe.

  »Où est la danse? S’est-elle volatilisée dans une scénographie sophistiquée? Ou bien a-t-elle quitté le corps des danseurs pour devenir image, miroir, cinéma et tout ce qu’on voudra? », écrivait Hervé Gauville dans Libération en 1998. Belle question prémonitoire quand on sait combien, pendant la crise sanitaire, les écrans ont pallié le déficit de spectacle par des images en boîte. Et, en plaçant ses interprètes devant plusieurs écrans, Philippe Decouflé veut sans doute prouver que nous aurons toujours besoin d’eux sur un plateau: «Aujourd’hui, le virtuel, dit-il, a pris trop de place. Dans ce spectacle, on monte aussi un film. Le regard peut se promener sur les écrans et le plateau. Ce qui permet de décrypter ces images et de réfléchir sur leur portée.»    Shazam, un combat contre le virtuel…

 Mireille Davidovici

 Du 18 au 22 septembre, Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie)

 Du 28 septembre au 3 octobre, La Comédie, Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Du 9 au 19 décembre, Théâtre de Caen (Calvados).

Les 4 et 5 février, Théâtre de Sénart- Scène nationale ; les 25 et 26 février, Le Colisée, Roubaix (Nord).

Du 18 au 21 mai, Le Volcan, Scène Nationale du Havre (Seine-Maritime).

Le 30 juin et du 1er au 10 juillet, Grande Halle de la Villette, Paris (XIX ème).

 

Tropique de la violence, de Nathacha Appanah, adaptation et mise en scène d’Alexandre Zeff

 

Tropique de la violence, de Nathacha Appanah, adaptation et mise en scène d’Alexandre Zeff

 

Toutes les ressources du spectacle sont là : rideau rouge, succession d’écrans de tulle avec projections surdimensionnées se heurtant à la petite silhouette du comédien , percussions et batterie en direct, danse, musique à fond, jeux d’eau… Avec ça, un texte rythmé, slamé… Et une histoire, semblable à des milliers d’autres (La plus grande maternité de France se trouve à Mayotte), celle du bien nommé Moïse, abandonné, donné par sa mère, une immigrée clandestine venue chercher en ce département français un endroit où le faire naître, en espérant pour lui un destin meilleur.

Mais le destin ne se laisse pas apprivoiser si facilement. Moïse perd sa deuxième mère, l’assistante sociale blanche qui l’a reçu dan ses bras et se retrouve en ville, à « Gaza » – un surnom qui en dit long- le quartier de « mineurs isolés », sous la coupe d’un dénommé Bruce, roi autoproclamé de cette micro-société d’adolescents livrés à eux-mêmes. C’est trop de misère, de violence ?

C’est trop ? Trop de sons, de couleurs et d’effets ? Eh ! Bien, non. Cet excès, ces débordements spectaculaires traduisent d’abord les émotions ressenties par Alexandre Zeff à la lecture du roman. Comment ne pas être enthousiaste – littéralement, « habité par le divin »- : « la beauté de l’écriture avait transcendé cette histoire, inspirée de notre effroyable réalité, en un oratorio étourdissant et lumineux » ? Et aussi la beauté due à ceux dont il raconte l’histoire.

Les acteurs sont beaux et dansent, luisants d’eau qui, sur scène, ne se réduit pas un effet même si elle permet des effets très spectaculaires. Elle est l’élément même du drame : passer l’eau, par centaines, pour tenter d’aller chercher la protection du département français, passer des Comores à Mayotte, c’est vital et souvent mortel. Les « kwassas »-de petites barques- s’échouent et font naufrage ou arrivent sur une île qui les refuse. On entend les : « quoi ça ? » Même question sans réponse des migrants de la Méditerranée ou de la Manche.

C’est aussi la question de l’esthétique choisie : c’est quoi ça ? Faire de belles images avec la plus grande misère ? La passion, l’engagement sincère d’Alexandre Zeff pulvérisent l’objection. C’est le retournement du spectaculaire. Fait pour masquer la vérité des injustices du monde, pour transformer le drame en divertissement, il produit ici tout autre chose : il démasque, fait apparaître la beauté réelle, possible, gâchée de tous ces êtres broyés par les conditions socio-politiques qui s’imposent à eux.

Nous ne serons pas forcément d’accord avec Alexandre Zeff quand il parle de son travail comme d’une forme « métissée », en faisant référence aux cultures créoles. Ce sont tout simplement les formes du grand spectacle mais ce théâtre « à l’ancienne », il l’a réalisé avec un soin parfait, né du respect du public et aussi de sa conviction. Sans oublier sa gratitude envers Nathacha Appanah dont il pense avoir su garder la musique et le lyrisme.

Et les intentions que l’on pourrait qualifier de « morales » font la qualité de ce spectacle. Mais dans Tropique de la violence elles n’ont rien d’une « valeur ajoutée » qui excuserait une certaine paresse artistique et sont le moteur même de la réalisation. Beau travail, et du cœur à l’ouvrage. Respect, comme disent les jeunes, le vraii public de ce théâtre.

Christine Friedel

Théâtre de la Cité Internationale, 17 Boulevard Jourdan Paris (XIV ème), jusqu ‘au 24 septembre. T. : 01 43 13 50 50

Le roman est publié aux Éditions Gallimard, collection blanche et a reçu en 2016 le prix Fémina lycéens et en 2017 , le prix France Télévision.

 

 

 

 

Réouverture de Chateau-Rouge à Annemasse et Allegria, chorégraphie de Kader Attou

Réouverture de Chateau-Rouge à Annemasse  et Allegria, chorégraphie de Kader Attou

 

Après trois ans de travaux, la nouvelle façade de la grande salle qui a été reconstruite, domine du haut de ses vingt-deux mètres le quartier de Château-Rouge, à quelques encâblures du centre d’Annemasse. Cette partie neuve avec une grande salle de 1.000 places (1.500 pour les concerts debout) a été raccordée aux trois plateaux existants : une salle de concert, une petite salle modulable et un café-concert. Pour que l’activité du théâtre ne cesse pas pendant cette rénovation, une salle éphémère a assuré l’intérim.

Frédéric Tovany, directeur depuis 2012 de ce théâtre transfrontalier -Genève est à trois kilomètres-, jumelé avec une scène musicale depuis 2004, a mené ces transformations sous les auspices de la municipalité qui n’a pas reculé devant la dépense : un tiers du budget total de treize millions d’euros ! Soit un véritable choix de société pour cette ville de trente-sept mille habitants. Pour le maire Christian Dupessey dont c’est le troisième mandat: « La culture est un lieu de mixité sociale, rencontres, éducation et constitue l’identité d’Annemasse depuis quarante ans. Ce lieu, poussé sur un terrain vague dans les années 80 et plusieurs fois agrandi, méritait la grande salle qui lui manquait. » «Etre maire, ce n’est pas toujours amusant mais il y a des moments magiques ! » dit cet élu, qui, avant sa mandature, était déjà adjoint à la Culture.

 Château-Rouge a maintenant l’un des plus grands plateaux de la région après l’Opéra de Genève : trente mètres de profondeur, seize d’ouverture et dix-sept de hauteur. Il accueillera des spectacles que la Comédie de Genève ne peut abriter, comme la prochaine création de Julien Gosselin : Le Passé d’après Leonid Andreev… ou le Lac des Cygnes d’Angelin Prejlocaj. Et sur le plateau, les perches ont été entièrement automatisées. Les échanges sont fréquents avec d’autres établissements grâce au dispositif Les Colporteurs, une navette pour transporter les spectateurs entre les théâtres d’Annemasse, de Renens-Lausanne, Thonon et le théâtre de Poche à Genève. Cela fait dire à Christian Dupessey qu’il faudrait inventer pour Château-Rouge, un label : «Scène transfrontalière» !

Frédéric Tovany définit ainsi son action: «Entre le corps et les mots, pour se jouer des frontières » et accorde une grande place à la création avec des résidences d’artistes et une programmation audacieuse, suivie par 65.000 spectateurs (soit 80% de remplissage). On y attend aussi bien les créations de la circassienne Camille Boitel, que L’Histoire mondiale de ton âme, un  feuilleton dramatique en 99 épisodes d’Enzo Corman, mis en scène par Philippe Delaigue  (on en verra huit séquences en novembre)…

Pour fêter cette inauguration, le public d’Annemasse et des environs a pu assister gratuitement pendant le week-end, à des concerts et spectacles dont celui de Kadder Attou.

©justine_jugnet

©justine_jugnet

 Allegria chorégraphie de Kader Attou

 Pour sa seizième création en tournée depuis plus de deux ans, le chorégraphe  a opté pour une succession de tableaux. Y alternent des situations dramatiques ou burlesques et, comme un répit à cette danse inventive, des échappées poétiques… Comme si, pour lui, la danse n’était plus seulement LA danse mais les relations entre les individus, en connivence ou en opposition: «Un endroit pour que des êtres se rencontrent par envie ou par hasard, avec des choses qui arrivent puis disparaissent, comme cela se passe dans un rêve.» Il s’appuie sur la personnalité des danseurs: «J’écris à partir de leur mouvements, ce que leur corps propose. »

Kader Attou, sans renoncer à son vocabulaire hip-hop à la fois aérien et ancré au sol, avec des acrobaties collectives ou solos virtuoses, dessine des situations et crée une imagerie onirique, soutenue par la musique de Régis Baillet, légère ou grave, en boucles véhémentes ou en volutes lyriques, jusqu’au chant religieux…  Allegria s’ouvre sur une image : devant un vaste rideau à l’avant-scène, un homme pose sa valise. Bientôt, d’autres le rejoindront et essayeront de s’emparer de cet objet de convoitise: ainsi commence une lutte joyeuse et bondissante  qu’on retrouvera à la fin du voyage où nous entraînent huit danseurs infatigables. 

 Camille Duchemin a créé une scénographie évolutive avec un espace qui se creuse : le rideau tombe, donnant le champ libre aux interprètes alternant solos, duos, trios, quatuors, sextuors et autres combinatoires. De temps à autre, un danseur se sépare de l’ensemble, solitaire, pour quelques évolutions avec un style personnel, bientôt rejoint et imité par les autres. A mi-parcours, le mur qui barrait le fond de scène s’efface et un grand écran capte les éclairages de Fabrice Crouzet, créant des climats contrastés. Il devient aussi un voile translucide derrière lequel les interprètes passent en ombres chinoises, simples silhouettes ou créatures chimériques.De ces quatre-vingt dix minutes, nous retiendrons des moments inoubliables: la traversée d’une mer houleuse où les danseurs plongent dans les vagues, figurées par un tissu agité entre cour et jardin. Sur la plage, gît un homme aussitôt ressuscité et rejoint par le groupe : «Je n’ai pas écrit ce spectacle pour faire oublier la misère du monde ni pour la mettre en avant, dit Kader Attou. J’aime raconter avec légèreté ce qui se passe de grave dans le monde. »

Allegria : une pièce joyeuse où le chorégraphe débusque les éclairs d’humanité dans la violence et même la poésie du monde, comme dans la scène finale où la valise, métaphore des migrations aventureuses, laisse échapper comme par magie, des objets inattendus… Le directeur du Centre chorégraphique national  de la Rochelle depuis 2008, donne une fois de plus au hip-hop ses lettres de noblesse et lui donne ici un supplément d’âme : «L’idée : chercher la poésie partout où elle se trouve. J’aimerais que les gens sortent heureux, que le titre s’inscrive dans les corps du public.» Pari tenu et il raconte tout en douceur, la gravité du monde et transmet cette jubilation au public, enthousiaste…

 Mireille Davidovici

Le 17 septembre, Château-Rouge, 1 rue de Bonneville, Annemasse (Haute-Savoie) T. : 04 50 43 24 24.

 

La nouvelle saison de la Scène nationale d’Annecy

La nouvelle saison de la Scène nationale d’Annecy 

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© Serge Bocquet

Un pari réussi: quelque quatre mille personnes sur la pelouse du Pâquier au soleil couchant sont venues applaudir la compagnie Philippe Decoufllé pour le lancement de la saison de Bonlieu-Scène Nationale. Des jeunes, des plus âgés, des entre-deux et beaucoup de familles aux enfants bien sages… Salvador Garcia, le directeur a de nouveau frappé fort… En juillet 2020, il avait convié son public au Semnoz, le plateau qui surplombe Annecy, à plus de 1.000 m d’altitude pour une Grande Ballade (voir Le Théâtre du Blog).

Et pendant tout le week-end, le public, mais aussi les promeneurs, avaient découvert la plupart des artistes et des compagnies invités pour la saison à venir (la compagnie Decouflé y était déjà). Et puis, covid oblige: portes closes au public et programmation annulée… Mais pleine activité à l’intérieur de l’établissement ouvert aux artistes, à l’abri des regards. Salvador Garcia révèle que les dix spectacles qui y ont été répétés seront au programme de la prochaine saison. Toutes les générations se retrouvent donc en cette fin de journée pour répondre, selon Philippe Decouflé,  à cette «invitation à rêver devant les tensions sinueuses des corps».

En une heure, se succèdent les sketches vitaminés qui ont fait la fortune de sa compagnie : défilé des majorettes, échange de coups, Espagnole virevoltant sur une musique évoquant Jean-Sébastien Bach mais revue par Philip Glass et, en clôture, une espagnolade avec paso doble et castagnettes… Un triomphe pour une nouvelle saison bien partie. Et on retrouvera le chorégraphe le soir-même dans la grande salle du théâtre. Le spectacle a eu lieu sous les fenêtres de la Préfecture, sans que personne ne porte le masque! Pourtant, le passe-sanitaire était exigé à l’entrée dans l’enceinte mais presqu’aussi nombreux étaient ceux restés derrière les barrières…

 Jean-Louis Verdier

Du 17 au 22 septembre, Shazam de Philippe Decouflé, Bonlieu-Scène Nationale, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie) T. : 04 50 33 44 11.

 

 

 

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Salem, écriture collective de la compagnie Le Tambour des Limbes, mise en scène de Rémi Prin

Salem, écriture collective de la compagnie Le Tambour des Limbes, mise en scène de Rémi Prin

 

 

© Avril Dunoyer

© Avril Dunoyer

Salem (Ville du Massachusetts aux États-unis) doit sa célébrité au procès des sorcières, en 1692. Un tragique événement qui entraîna la mort de plusieurs de ses habitants accusés de pratiquer la sorcellerie. Arthur Miller en 1953, adapta cette terrible histoire pour le théâtre dans sa pièce Les Sorcières de Salem. Depuis toujours, Rémi Prin est fasciné par «cette chasse aux sorcières » survenue au XVII ème siècle. «Pour moi c’est une matière propice à la mise en chantier d’un spectacle. (…) Que s’est-il vraiment passé à Salem en 1692 ? Cette question m’a toujours fasciné. » L’attrait pour l’irrationnel: le mystère (diabolique parfois), le monde des sorcières et de leur médecine, la cérémonie et le rituel sacré, le théâtre…habitent l’univers de sa dernière création. Le metteur en scène et la compagnie Le Tambour des Limbes ont eu la bonne idée d’inscrire cette fabula hors du temps. Sa dimension dionysiaque et l’aspect trouble et éternel de l’âme humaine s’en trouvent ici renforcés. 

Dans le petit village de Salem, trois jeunes femmes, Emma, l’institutrice, Marthe, la fille du maire et Jeanne, une fille de ferme, décident de se retrouver dans la forêt, pour s’amuser à l’abri des regards des villageois et se libérer de l’autorité patriarcale et de l’animosité des habitants. Quelques instants plus tard, Alia qui vit dans les bois et les observe, sera admise dans le groupe en échange de son silence. Emma a décidé, pour animer cette soirée, d’initier une cérémonie lue dans un livre. Passionnée par la nature et le pouvoir thérapeutique des plantes, elle tient à partager ses connaissances avec les autres femmes du groupe et allier ainsi le sérieux, à l’amusement ! Mais bien vite, cette joyeuse initiative tourne au cauchemar…

La forêt dans l’obscurité, une lampe à huile à la main, Emma appelle en murmurant « Marthe ? Marthe, c’est toi ?» C’est bien elle ! Mais pourquoi est-elle venue à la charbonnière pour rejoindre Emma ? Un coin interdit depuis l’incendie … et si près du village !  Dès le début, une légère tension se fait ressentir et un climat d’intranquillité s’installe lentement. Nuit opaque, lumières froides es et voix chuchotante. Emma: -Marthe, qu’est-ce que tu as? (Marthe se détourne, gênée. Emma semble comprendre.) Il t’a encore enfermée ce soir, c’est ça ? » 

Inspirée des procès de Salem, la pièce a été co-écrite par les quatre actrices, constamment sur scène… Une  belle performance de Flora Bourne-Chastel, Elise d’Hautefeuille, Rose Raulin et Louise Robert ! Une des originalités et la force poétique de cette mise en scène, contrairement aux versions précédentes de ce très violent fait-divers (terme journalistique qui n’existait pas à l’époque, la locution datant des années 1830) :  les femmes, dans cette création, occupent la première place, à la fois bourreaux et victimes de cette effroyable affaire. Le public découvre un autre regard porté sur cette histoire, symbole de l’un des cas d’hystérie collective les plus troublants de notre passé occidental.

Ingéniosité, trouvailles et rythme dense sont au rendez vous, ce spectacle nous offre de belles propositions artistiques. Même si parfois, vu l’espace réduit du plateau, elles sont trop nombreuses pour s’épanouir pleinement et si on s’y perd donc un peu. Réussite particulière dans le traitement du son et de la musique de Léo Grise qui oscille entre électro-psychédélique et musique pop, contrastée, enivrante. Les ombres de Pink Floyd, Portishead ou Alain Bashung… ne sont pas loin et sans oublier les remarquables trucages de Pierre Moussey, les chants merveilleusement interprétés et les lumières expressives et soignées de Rémi Prin et Cynthia Lhopitallier, avec des clairs-obscurs de toute beauté, et d’une fine justesse dramaturgique. Autre point fort, un habile et astucieux travail de bruitage avec, la présence sonore du village et ses habitants, hors-champ: rugissements, voix graves et inquiétantes, cris de fureur, rires sarcastiques…

 Un moment théâtral et poétique fort. Le théâtre de Belleville offre cette occasion rare de découvrir des spectacles en marche, souvent surprenants et empreint d’une universalité.  A présent,  nous avons hâte de revoir dans un espace plus vaste,  la dernière création de la compagnie Le Tambour des Limbes à l’esprit inventif, ouvert sur le contemporain, elle y gagnera encore. Cette écriture collective, politique et éthique, nous fait partager avec émotion, cinq siècles plus tard, une tragédie qui en dit long sur le traitement et la considération des femmes mais aussi sur la rumeur et les risques engagés, entre autres, dans tout comportement hors normes…

 Elisabeth Naud 

 Jusqu’au 28 septembre, les lundi, mardi et dimanche, Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, Paris (XI ème). T. : 01 48 06 72 34.Elisabeth Naud

06 74 61 00 48
 Docteur en Sciences Esthétique et Technologie des arts 

Enseignante en Théâtre – Université Paris8  
Conseillère artistique - Critique

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