Festival Les Singuliers De la sexualité des orchidées de et par Sofia Teillet

 Festival Les Singuliers

De la sexualité des orchidées de et par Sofia Teillet

Le spectacle avait déjà été présenté au Cent Quatre en février dernier mais pour les professionnels. Le jeu de  ce spectacle-conférence débute avec le rose insolent de cette fleur qui représenta le luxe suprême, avant de devenir le tout venant des grandes surfaces et le cadeau obligatoire. Sur l’écran, elle étale une langue lascive:  sa piste d’atterrissage pour insectes fécondeurs.

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Sofia Teillet va disséquer son thème, étamine par étamine, paradoxe par paradoxe:  « Le style, c’est l’homme? Non, le style, c’est l’organe féminin de cette fleur hermaphrodite qui fait le maximum pour ne pas s’autoféconder et pour rencontrer «l’autre». » Imaginons l’embarras d’une plante qui a tout pour elle, sinon la mobilité… Les mots comptent et comment. Sofia Teillet parle sexualité, plutôt que fécondation, pour évoquer les ruses et exploits, autant dire l’érotisme de cette fleur pour arriver à son but:  la reproduction et donc la pérennité de son espèce… Nous apprenons qu’il existe ainsi existe 25.000 espèces d’orchidées, toutes championnes de l’adaptation et bien plus anciennes que les dinosaures…

À la manière d’un Frédéric Ferrer avec ses très sérieuses conférences sur le climat et avec un humour aussi irrésistible que lucide. Même si les enjeux ne sont pas les mêmes, Sofia Teillet ne nous laisse pas perdre une miette de ses étonnements et découvertes inlassables comme le big bang, le peu de poids de l’humanité face à l’univers et à notre modeste système solaire, ou encore cette poussière qu’est notre planète. Une conclusion (provisoire) et une conviction: il faudra essayer, non pas de la sauver (elle se débrouille très bien sans nous) mais notre pauvre petite espèce. Nous retrouvons donc joies, surprises mais aussi grand frisson de découvrir ce long flirt avec les infinis. Pas déçus et même reconnaissants d’avoir appris tant de choses et avec tant de plaisir…

Donc un théâtre minimal, limité à la forme ordinaire de la conférence avec projections d’images et tableau de papier qui peut jouer de sa précarité. Genre: «Je me suis trompée d’image » ou «Un truc me gêne dans ma chaussure». Pari gagné pour la comédienne et un très bon moment pour le spectateur. Un charme dont le parfum persiste quelque temps et puis s’en va.

Christine Friedel

Du 13 au 21 octobre, Le Cent Quatre, 5 rue Curial, Paris (XIX ème).


Archive pour 7 octobre, 2021

Buster, adaptation et mise en scène de Mathieu Bauer, texte de Stéphane Goudet

 Buster, adaptation et mise en scène de Mathieu Bauer, texte de Stéphane Goudet

Enfin, dans une rentrée assez grise, un bon spectacle! Et avec un public assez jeune -cela fait du bien- qui a longuement applaudi ce ciné-concert très maîtrisé, imaginé par Mathier Bauer qui est ici à la batterie avec deux autres musiciens : Syvian Cratigny et Lawrence Williams (aussi récitant ). Accompagnés par Arthur Sidoroff, circassien et Stéphane Goudet, conférencier. Les cinq complices réussissent à nous embarquer dans cette Croisière du Navigator, une aventure aussi folle qu’invraisemblable et d’une rare poésie… réalisée en 1924 par l’immense Buster Keaton et  Donald Crisp. Ce film muet, chef-d’œuvre absolu a comme unique -ou presque- lieu d’action, un bateau qu’il avait loué et qui avait servi cinq plus tôt pour expulser 250 résidents étrangers vers la Finlande, dans un accès anti-communiste des  Etats-Unis en en 1919…

 

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Début un peu lent mais magnifique d’absurdité : Rollo Treadway, un très riche jeune homme se fait emmener en voiture par son chauffeur… pour traverser la rue et offrir un bouquet à celle qui habite juste en face de chez lui. Il l’aime et voudrait épouser mais elle refuse net. Il s’en va alors mais très vite, elle regrette son refus. Puis, ils vont se retrouver tous les deux, absolument seuls sur un paquebot abandonné allant à la dérive. Ici, plus de domestiques ni de belle maison et ces riches jeunes gens n’ont pas le moindres sens pratique. Ils ne sont jamais entrés dans une cuisine et ne savent même pas préparer le repas le plus simple. Et Rollo/Buster a une façon bien à lui d’utiliser un outil pour un autre usage, en allant tout droit à la catastrophe quand, par exemple, il réussit, tant que bien que mal, à ouvrir une boîte de conserves.. Question absolue de survie : il leur faudra faire avec ce qu’il y a à bord, au prix de nombreux dérapages, source infinie de gags, tous sans exception remarquables. Un bateau les croisera mais comme, pour appeler au secours, ils ont hissé le mauvais drapeau, il continuera sa route !

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Leur paquebot à la dérive finit par arriver près d’une île où une foule d’indigènes en colère kidnappe la jeune femme. Rollo arrivera cependant à la récupérer après avoir enfilé avec difficulté un scaphandre et frisé la noyade- une séquence tout à fait étonnante- quand les indigènes arriveront à envahir par centaines le paquebot.. Mais tout finira bien grâce à un sous-marin qui les sauvera de ces méchants indigènes. La moindre séquence est réalisée avec une précision et un art du burlesque merveilleux fondé sur des situations invraisemblables Mais Buster Keaton arrive à les rendre crédibles et poétiques, voire émouvantes et teintées d’une certaine mélancolie. Rolllo Treadway a sans cesse des rapports difficiles avec les objets du quotidien, que ce soit dans la soute, dans sa cabine, sur le pont ou dans la cuisine. Ill apparait sans cesse comme un être démuni mais arrive quand même à toucher le cœur de sa Betsy ; magnifiquement interprétée par Kathryn Mc Guire.

« Je suis depuis toujours émerveillé par cette figure de l’homme que l’on a surnommé « l’homme qui ne rit jamais », dit Mathieu Bauer (…) Sous-tendant en permanence les rapports difficiles de l’homme face aux objets, face à l’espace et face à l’Autre, il décline et fait évoluer son personnage dans ce monde totalement parallèle qu’il invente face à l’adversité, et qui devient source d’une multitude de gags. (…)J’aimerais par ce ciné-concert singulier, à mi-chemin entre la performance, la conférence et le concert, rendre hommage à ce génie.

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Mission accomplie. Côté cour, une bouche d’aération d’un bateau. Arthur Sidoroff en sortira pour aller sa balader en funambule aguerri sur un câble tendu, sans doute un clin d’œil au Buster Keaton excellent acrobate, capable de réussir à marcher sur un pont couvert d’eau comme ici, ou de circuler sur un train en marche dans Le Mécano de la Générale. Sur le plateau, rien qu’un long et étroit praticable noir et un cadre tout aussi noir pour la projection du film. A cour, une tablette avec un bouquet de roses rouges pour un conférencier qui commentera quelques séquences du film. Dans la fosse d’orchestre, Mathieu Bauer aux percussions avec ses deux complices aux synthé, trompette, saxos.. dont l’un est aussi récitant et «acteur  » de certaines répliques de ce film muet, sous-titré en français.

Vraiment, de la belle ouvrage finement réalisée et sans aucun accroc. Côté bémols : la musique est parfois trop amplifiée et couvre la parole du conférencier mais ce spectacle, intelligent et fin, est un hommage à la fois filmique- mention spéciale au montage vidéo de Florent Fouquet- et théâtral, à ce créateur génial, maintenant unanimement reconnu dans le monde entier. A la fin de sa vie, collabora avec Samuel Beckett pour un court-métrage muet d’une vingtaine de minutes réalisé par Alan Schneider en 65. Mais il finit, rejeté par Hollywood,  assez oublié, dans l’alcool et la pauvreté…

Philippe du Vignal

Nouveau Théâtre de Montreuil-Centre Dramatique National, jusqu’au 9 octobre, 10 Place Jean Jaurès, Montreuil (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 70 48 90. 

 

Dragons, chorégraphie, direction artistique, conception, costumes et scénographie d’ Eun-Me-Ahn

Dragons, chorégraphie et direction artistique d’Eun-Me-Ahn

© Sukmu Yun

© Sukmu Yun

Une rareté en ces temps difficiles que cette chorégraphie ludique… Nous avions déjà apprécié en 2014,  Dancing Grandmothers de cette artiste (voir Le Théâtre du Blog). Le récent confinement a été une astreinte pour beaucoup mais Eun-Me-Ahn, elle, s’y est adaptée. Les jeunes danseurs qu’elle avait sélectionnés pour cette création dans cinq pays d’Asie n’ont pu être présents à Séoul, aux côtés de ses interprètes. Après avoir répété en vidéo, ils dansent aujourd’hui avec sa compagnie mais… en projections holographiques…

Résultat étonnant: jusqu’au salut final, les images virtuelles s’intègrent parfaitement aux mouvements des interprètes en costumes aux couleurs vives et de style très différent : sobre longue robe noire rappelant celle de Martha Graham, tenues évoquant un carnaval brésilien… La danse, à la limite de l’acrobatie, comme les musiques entraînantes de Young-Gyu Jang renforcent une esthétique kitch de la fin du siècle dernier.  Il y a un beau moment de sincérité quand chaque interprète nous raconte sa motivation pour devenir danseur. Avec souvent,  une vocation très précoce. «Pour moi, être danseur n’est pas juste une profession, c’est une source de joie», dit l’un. Et pour un autre : «Danser, bouger librement mon corps, c’est comme si j’étais tombé amoureux de quelqu’un. »

A partir de danses traditionnelles d’Asie, Eun-Me-Ahn, qui a aussi imaginé les costumes et la scénographie, construit en une heure dix, une chorégraphie intemporelle pleine de joie, comme un feu d’artifice visuel. Elle dit de ses artistes : «Chacun a créé un geste et l’a transmis aux autres, ce qui a formé un langage universel, nourri par leurs cultures respectives.» Le public, heureux, a longuement salué Dragons...

Jean Couturier

Le spectacle a été présenté du 28 septembre au 2 octobre, aux Abbesses-Théâtre de la Ville, 31 rue des Abbesses, Paris ( XVIII ème) T. : 01 42 74 22 77.

 

 

 

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